Le français Ynsect lève 125 M$ pour accélérer à l’international
Rares sont les pépites françaises qui parviennent à de telles levées. Rares également sont celles qui convainquent les investisseurs alors que leur marché reste à créer. C’est pourtant le coup de force que réalise Ynsect, qui enregistre avec sa Série C la plus grosse levée de fonds de l’année 2019. L’entreprise française spécialisée dans l’élevage d’insectes et leur transformation à destination des marchés de l’alimentation animale et des engrais organiques a annoncé fin février le closing d’une levée de 125 millions de dollars, soit environ 110 millions d’euros.
Investisseurs historiques
Mené par l’investisseur à impact social Astanor Ventures, cofondé par des investisseurs ayant financé de beaux succès comme Spotify ou Betfair, ce tour de table a rassemblé la majorité des investisseurs historiques d’Ynsect, tels que Bpifrance à travers son fonds Ecotechnologies, Quadia, Demeter et Vis Vires New Protein Ventures. De nouveaux acteurs sont également de la partie. Pour la partie française, on retrouve le fonds Large Venture de Bpifrance, IdInvest Partners, Picardie Investissement, Crédit Agricole Brie Picardie et Caisse d'Epargne Hauts-de-France. Plusieurs investisseurs étrangers entrent également au capital : le britannique Talis Capital, les belges Finasucre et Compagnie du Bois Sauvage, le hongkongais Happiness Capital ainsi qu’un family office singapourien.
Nouveau site de production
Les fonds levés permettront de financier le nouveau site de production d’Ynsect, une ferme verticale située à Poulainville dans les Hauts-de-France qui doit permettre l’élevage et la transformation d’insectes à grande échelle. Lorsqu’il aura atteint son plein rendement, le site produira 200 000 tonnes de protéines par ans, faisant d’Ynsect le plus grand producteur d’insectes au monde. « Le niveau d’ambition [des fondateurs d’Ynsect] est remarquable et le procédé de production est expansible de façon inhérente, analyse Eric Archambeau, cofondateur d’Astanor Ventures. Ce sont les éléments clés de toute entreprise AgTech en développement, qui confèrent à l’équipe la capacité de produire l’impact et le changement systémique que nous recherchons dans nos investissements. »
Le premier site d'Ynsect à Dole, dans le Jura.
Ambition internationale
Cette accélération de la production va de pair avec un développement de l’activité d’Ynsect à l’international, notamment via l’implantation d’une nouvelle usine en Amérique du Nord. Le renforcement de la présence d’Ynsect sur le marché européen. La pépite française dispose déjà d’un carnet de commandes de 70 millions de dollars de chiffre d’affaires sur les quatre prochaines années. Dans une interview accordée à Décideurs en mars 2017, le président fondateur d’Ynsect Antoine Hubert expliquait que l’aquaculture était sa première cible. « Ce marché représente une consommation annuelle mondiale de 3,2 millions de tonnes de farines de poisson et 0,8 million de tonnes d’huiles de poisson. Or, plusieurs études montrent que ces farines peuvent être remplacées par des protéines d’insectes dans la fabrication d’aliments destinés à l’aquaculture, en particulier la protéine que nous produisons à partir de ver de farine (TMP). Notre second marché est celui des aliments haut de gamme pour animaux domestiques qui représente 2,5 millions de tonnes par an. »
Respect de la chaîne alimentaire
Fondé en 2011, Ynsect a levé 175 millions de dollars depuis sa création. Il emploie une centaine de collaborateurs et détient 25 brevets. Le site de Poulainville est sa deuxième usine, la première unité inaugurée en 2016 étant située à Dole, dans le Jura. « Ce tour de table démontre notre avance sur le marché et valide la pertinence de notre vision fondatrice : créer un marché en apportant une solution innovante respectueuse de la chaîne alimentaire et de la naturalité », a commenté le fondateur peu après l’annonce de la levée de fonds. Une ambition qui ne demande qu’à être satisfaite : le marché mondial de la nourriture animale est aujourd’hui estimé à 500 milliards de dollars, celui des fertilisants à 200 milliards.
Camille Prigent (@camille_prigent)