La vision 360 de LexisNexis
La fin du papier ? L’idée est déjà ancienne. L’histoire récente de la presse écrite a pourtant prouvé sa résistance : à condition de savoir s’adapter aux outils digitaux et de renouveler ses supports de diffusion, les publications imprimées conservent leurs lettres de noblesse. Le constat n’est pas réservé aux journaux généralistes. La presse et les éditeurs spécialisés suivent le même mouvement.
Du classeur au minitel
En droit, l’un des acteurs majeurs est LexisNexis. Pour l’acquéreur du Jurisclasseur – la référence historique en matière de production doctrinale pour tous les juristes –, l’enjeu était vital. Il fallait aussi bien préserver la réputation de ses produits print assis sur un fonds documentaire immense et un collectif de rédacteurs expérimentés que créer des solutions dématérialisées à destination d’une cible de plus en plus exigeante. Être à la pointe du progrès constitue une politique déjà ancienne pour LexisNexis :« J’ai été impressionné de constater que notre entreprise associait des juristes à des ingénieurs depuis son origine », réagit Sébastien Bardou, le directeur marketing et business development de LexisNexis. Ce haut cadre se souvient de ses découvertes lorsqu’il s’est penché sur l’histoire de l’éditeur à l’occasion de la célébration de ses 110 ans. Celui qui a rejoint LexisNexis en août 2014 fait référence à la création d’ouvrages au format classeur. Une technologie pour l’époque, puisque ce type de publication permettait à l’abonné de mettre à jour sa source documentaire en insérant des fascicules actualisés de façon régulière. Plus besoin d’attendre les nouvelles éditions de l’ouvrage. Efficace et peu cher.
Plus de cent ans après, les classeurs sont encore utilisés. Mais ils sont quasiment tombés en désuétude. Et pour cause : les sources juridiques doivent être accessibles facilement et rapidement. « Deux tiers de nos revenus proviennent du digital, contre moins de 40 % il y a encore quatre ans », confirme Sébastien Bardou, qui rappelle que ce qu’il qualifie de « première base de jurisprudence au monde, le Jurisdata », s’est commercialisée via le Minitel, un outil dont étaient friands les professionnels du droit. Et ce jusqu’à ce qu’une version en ligne du Jurisclasseur ne soit commercialisée à partir de 2004.
Du fonds documentaire à l’outil digital
Aujourd’hui, le produit phare de LexisNexis est Lexis 360, un outil créé en 2011 qui réunit 100 000 utilisateurs actifs. On y trouve des sources enrichies en données, de la doctrine et du contenu exclusif, à savoir des fiches pratiques et des modèles d’actes juridiques. Grâce à son intelligence artificielle, Lexis 360 donne accès à environ 25 millions de contenus différents. Mais l’éditeur ne s’arrête pas là. Avec Jurisdata Analytics, lancé il y a deux ans, il est possible d’anticiper une décision de justice en matière de contentieux indemnitaire grâce à du contenu analysé depuis 1990 auquel des ingénieurs ont adossé un algorithme dédié. « Nous ne faisons pas de fiches par juridiction ou par juge comme cela se fait aux États-Unis afin de déterminer devant quelle juridiction il est opportun de porter un dossier, précise le directeur marketing. Nos clients nous ont affirmé que ce n’était pas ce dont ils avaient besoin et le droit français ne s’y prête pas. » En d’autres termes, il ne s’agit pas de justice prédictive mais d’un outil d’aide à la décision.
Afin de s’assurer d’être toujours à la pointe des technologies dernier cri, LexisNexis s’associe à des legaltechs, comme il l’a fait avec Mynotary et Legalstart en juillet 2017. Le premier partenariat a pour but de proposer aux notaires un contenu enrichi lors des ventes immobilières. À l’accompagnement étape par étape dans la rédaction, proposé par la start-up, LexisNexis ajoute des liens vers des fiches pratiques et des synthèses de la version notariale de Lexis 360. Avec la plateforme de document juridique Legalstart, l’éditeur construit une machine rédactrice d’actes à destination des avocats. « Notre objectif est de nous appuyer sur les start-up puis, si notre partenariat fonctionne bien, de les acquérir comme nous le faisons aux États-Unis », explique Sébastien Bardou, faisant référence aux marques Lex Machina, MLex, Ravel Law. Une démarche entamée en France avec les acquisitions dans les années 1990 d’Infolib et de Legisoft ayant permis le déploiement de la gamme Poly, le rédacteur d’actes juridiques.
Dernière innovation déployée en novembre par l’éditeur : Contract Intelligence, présenté comme « un module d’analyse de contrats », c’est-à-dire l’application de l’intelligence artificielle à différents types de contrats permettant d’identifier les risques juridiques et de proposer des modèles d’actes. Contract Intelligence est aussi un outil d’aide à la décision au cours de l’élaboration des contrats, de leur négociation, de la réalisation de due diligences ou en phase précontentieuse. « C’est l’acte 2 de l’utilisation de l’intelligence artificielle par LexisNexis après le renforcement de Lexis 360, Jurisdata Analytics et Lexis Poly », lance Sébastien Bardou.
Éviter les cyberattaques
Dans un contexte où les outils technologiques connaissent un succès sans pareil, LexisNexis ne peut pas faire l’impasse sur la sécurité juridique. « C’est l’une des préoccupations centrales de notre stratégie, confirme Mathieu Balzarini, le directeur des technologies et des systèmes d’information. Nous sommes tellement au fait des questions de protection des données que la mise en conformité de Lexis 360 au RGPD n’a pas été un problème pour nous », se rappelle-t-il, considérant presque la nouvelle législation comme une simple formalité. La question est plus sensible pour les logiciels de gestion de cabinet contenant les données des clients. « Nous faisons régulièrement appel à experts spécialisés en cybersécurité, missionnés pour tester la vulnérabilité de nos produits, explique l’ingénieur informatique. L’hébergement de nos serveurs en mode SaaS est assuré par LexisNexis et nous permet ainsi de maîtriser la sécurité sur l’ensemble de la chaîne. » Tout est fait pour éviter les cyberattaques.
La sécurité juridique n’est pas la seule préoccupation de LexisNexis. L’éditeur français s’est donné pour mission de développer son activité de diffusion des sources juridiques dans les zones géographiques où elles font défaut. Si une telle démarche sert avant tout un intérêt commercial, elle œuvre également pour la promotion du droit dans le monde. L’ancien directeur éditorial Guillaume Deroubaix, qui a développé la présence de la maison au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, resitue sa mission : « Nous sommes engagés dans une démarche de “rule of law” qui peut être traduit par “primauté du droit”, quoique cela soit réducteur. En réalité, tous les pays du monde tentent d’être les plus attractifs possible pour les investisseurs étrangers et locaux. Le droit est un levier important dans cette politique. »
« La priorité de LexisNexis »
Le directeur général de la région Mena précise d’emblée que ce « rule of law » n’est pas une vue de l’esprit ou une initiative isolée puisque le concept est reconnu par l’ONU et la Banque mondiale. Concrètement, même si aucune définition n’est partagée, il s’agit d’une démarche consistant à évaluer le niveau de droit dans un pays (Les lois sont-elles accessibles et applicables à tous ? Le droit est-il conforme à des standards internationaux ? La justice est-elle efficiente, indépendante et moderne ? Utilise-t-elle des nouvelles technologies ?) et d’agir ensuite pour son développement. Dans la région Mena, LexisNexis travaille avec des institutions et des agences gouvernementales pour l’amélioration du rule of law en plus de son activité classique de diffusion de l’information essentiellement digitale. « Nous sommes des précurseurs dans cette démarche qui est au cœur de la stratégie de LexisNexis », explique celui qui porte aussi la casquette de directeur du développement international. Pas question de rédiger la loi. L’éditeur ne fait qu’apporter un support technique grâce à des analyses rédigées avec l’appui d’experts locaux. Des exemples ? La publication au Sénégal d’un guide de déontologie des magistrats diffusé au sein des juridictions, la création du droit des successions des entreprises familiales dans le Golfe, dont la plupart ont été créées dans les années 1970 et qui risquent de disparaître si la législation ne leur est pas adaptée.
Pour cela, LexisNexis a un bureau à Dubaï et un autre au Maroc et s’appuie dans ces régions sur des partenariats avec des éditeurs locaux, des legaltechs et des juristes. « Il est vrai que notre stratégie est double puisque nous intervenons à la fois sur des marchés extrêmement matures où nous proposons des services innovants et dans des zones où tout est encore à faire, conclut Guillaume Deroubaix. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que c’est dans ces pays que les choses avancent parfois le plus vite : nous travaillons déjà sur des solutions d’intelligence artificielle appliquée au droit alors que le droit et son accès sont encore en construction. » Une démarche qui a le mérite de parfaire l’image de LexisNexis dans le monde et de contribuer à la sophistication des places juridiques. Une vision panoramique de l’accès au droit.
Pascale D'Amore (@PascaleDAmore)