C. Parier (Activa Capital) : « C’est l’entrepreneur qui doit mesurer le potentiel et les limites de son activité »
Décideurs. Vous succédez à Charles Diehl à la tête d’Activa Capital. Est-ce qu’une évolution de la stratégie du fonds est aussi à prévoir?
Christophe Parier. Notre stratégie ne bouge pas. Nous recherchons uniquement des situations de transformation massive de PME par des entrepreneurs qui ont décidé d’accélérer très fort, en général par la voie de la croissance externe. Ce marché spécifique se porte très bien. D’abord, la France a des créateurs d’entreprises et des dirigeants de grande qualité : lors des dix dernières années, ils ont subi la plus grave crise financière depuis les années 1930 et ils ont dû composer avec une période de « French Bashing » généralisé. Malgré cela, la plupart ont réussi à conserver leurs positions de marché et en ressortent grandis aujourd’hui. Depuis mai 2017, l’optimisme a fait son retour. Les entrepreneurs ont plus confiance, et une bonne partie d’entre eux sont prêts à élever leur niveau de risques et consolider leurs activités. Enfin, il faut rappeler que la France reste l’un des pays d’Europe continentale où le capital-investissement a la meilleure presse. C’est ce qui fait qu’un leader de la production d’étiquettes premium de bouteilles de vin comme Alliance Etiquettes a pu s’ouvrir au private equity.
La Bourse demeure versatile, les banques montrent rapidement leurs limites…De toute façon, les entrepreneurs de croissance ont-ils vraiment d’autres solutions que le capital-investissement pour bien grandir?
Alexandre Masson. Historiquement, la dimension culturelle est prépondérante dans le choix des entrepreneurs de recourir à une option de croissance. Et leur perception du private equity a changé! Certains auraient regardé à deux fois avant de s’allier à un fonds il y a dix ou quinze ans alors qu’aujourd’hui, c’est une pratique normale et normée des affaires. En plus de cela, il est vrai que des facteurs extérieurs tels que l’apathie de la Bourse ou la relative incapacité des banques à financer en fonds propres viennent servir la cause du capital-investissement.
Votre sujet est la croissance des entreprises. On peut tout de même se demander si la croissance « perpétuelle » constitue bien l’objectif de tout entrepreneur. Comment écartez-vous de votre scope les groupes familiaux qui souhaitent conserver une taille modeste?
Alexandre Masson. La volonté d’un projet n’est pas toujours la croissance. Il nous arrive parfois d’organiser la reconstruction d’un tour de table dans un soucis patrimonial ou dans des cas de stabilisation des positions de marché d’un groupe. En tout état de cause, notre métier est de trouver des personnes qui veulent profondément s’associer car ils ont conscience de l’intérêt de l’association pour le besoin de leurs ambitions. Activa analyse plus de 150 dossiers de financement par an et bien sûr, toutes ces opportunités ne peuvent correspondre à nos compétences qui demeurent, fondamentalement, d’accélérer le développement d’une société.
Christophe Parier. Trois ingrédients doivent être réunis pour concocter une bonne recette de private equity. En premier lieu, il faut une entreprise de qualité et à fort potentiel sur son marché. Ensuite, il faut y ajouter le désir de l’entrepreneur d’accélérer la croissance de son business. Et nous investisseurs, nous ne donnerons jamais cette envie au dirigeant s’il ne l’a pas indépendamment de nos convictions. C’est l’entrepreneur qui doit mesurer le potentiel et les limites de son activité, afin de s’en affranchir avec notre aide par la suite. De plus, cette réflexion dénote une capacité de l’individu à se remettre en question et à prendre les bonnes décisions pour la société (recrutement de key people, partage de la gouvernance…). Pour finir, nous devons avoir nous-mêmes la volonté de s’associer avec les actionnaires et dirigeants. À défaut, l’énergie dépensée et la prise de risques sont telles que le jeu n’en vaut pas la chandelle.
Le mal que vous vous donnez à déceler cette volonté d’association porte-t-il ses fruits dans la gestion de vos participations?
Christophe Parier. Si l’on prend Alliance Etiquettes, nous avons réalisé six opérations de build-up en moins de trois ans. Cela a pris beaucoup de temps. Si nous n’avions pas eu la même vision que les dirigeants de l’entreprise, cela n’aurait jamais marché. Nous sommes en parfait alignement avec Olivier Laulan, président du groupe.
Si l’on prend Alliance Etiquettes, nous avons réalisé six opérations de build-up en moins de trois ans
Avez-vous accompagné la société à l’étranger?
Christophe Parier. Les build-up se sont limités à la France. On s’est déplacés dans des pays voisins, des grands pays de vin comme l’Italie et l’Espagne, mais nous n’avons pas trouvé, à date, d’opportunités de consolidation. Avec le management, nous gardons un œil sur ces possibles développements dans le futur.
Alexandre Masson. On peut encore doubler la taille d’Alliance Etiquettes en France. Le marché est très fragmenté ‒ environ 70 acteurs ‒ et reste notre priorité.
En ce qui concerne votre association au sein d’Activa Capital et votre arrivée en tant que co-responsables du fonds, comment s’est déroulé ce passage de témoin?
Christophe Parier. C’est quelque chose qui vient de loin. Ce processus a mûri au fil du temps et la gouvernance s’est naturellement recomposée. Le projet d’évolution de la gouvernance à l’issue du fonds III datait de plusieurs années. Ce n’est qu’à partir de la fin de l’année 2017 que nous nous sommes concrètement mis au travail pour dessiner les contours de cette nouvelle étape. En avril 2018, nous avons finalement soumis ce projet à nos investisseurs en assemblée générale. Bien sûr, nos LPs ne sont pas actionnaires de la société Activa Capital mais il fallait évidemment leur soumettre ce changement majeur pour le fonds. D’ailleurs, ils l’ont approuvé à l’unanimité et se sont même réjouis de certains détails d’administration des véhicules.
Le projet d’évolution de la gouvernance à l’issue du fonds III datait de plusieurs années
KKR, Carlyle… et maintenant Activa Capital! La gouvernance bicéphale est en vogue dans le private equity. Simple coïncidence ou tendance de fond?
Alexandre Masson. À notre humble échelle, la mise en place d’une gouvernance bicéphale résulte davantage d’un travail collectif entamé depuis des années que d’une volonté souveraine de ne pas confier trop de pouvoirs chez une seule personne.
En dehors d’Alliance Etiquettes, le fonds III a conclu six autres rachats, tous primaires. Quelle est votre méthode pour dénicher les perles régionales avant tout le monde?
Christophe Parier. L’indépendance de notre maison ‒ les entrepreneurs parlent directement aux décideurs ‒ notre capacité à exécuter une stratégie de build-up (plus de 70 depuis la création d’Activa Capital), et pour faire simple, les belles histoires de transformation de PME auxquelles Activa Capital a participé nous aident à réaliser des LBO primaires.
FS