Directeur des investissements et de la gestion actif-passif chez Aviva France depuis 2012, Philippe Taffin a su amener son expertise au service de l’assureur. Entre tendances fortes, et impact des critères ESG, il livre sa vision de la gestion d’un investisseur institutionnel.

Décideurs. Comment s'inscrit la démarche de la direction des investissements au sein du groupe Aviva France ?

Philippe Taffin. Notre équipe comprend trois pôles, composé d’une quinzaine de collaborateurs. Le premier pôle, constitué de deux personnes, est en charge de suivre la trésorerie de l’ensemble des flux de cash qui interviennent sur chacun des portefeuilles. Concrètement, leur mission consiste en ce que rien ne soit laissé non investi dans les portefeuilles. Ensuite, nous avons une équipe de gestion actif-passif qui est au cœur du réacteur sur la partie gestion des mandats euros. Pour les produits d’assurance-vie et les mandats en euros, il faut que la stratégie de portefeuille soit capable à tout moment de répondre aux besoins de nos clients compte tenu des garanties données aux assurés, tout en prenant en compte les règles énoncées par Solvabilité II. Le rôle central de la gestion actif-passif est de déterminer l’allocation stratégique pour l’ensemble des périmètres. Notre troisième équipe, dédiée à l’activité d’investissement, met en œuvre notre stratégie d’allocation sur le long terme. C’est elle qui met en place les mandats de gestion et les délégations auprès des sociétés de gestion.

Comment se subdivisent vos activités ?

Nos trois périmètres principaux sont composés du portefeuille du Fonds Garanti AFER, fonds dédié à l’Association française d’épargne et de retraite, première association d’épargnants de France qui représente environ 48 milliards d’euros ; du fonds en euros dédié aux contrats Aviva Vie ; et enfin d’Aviva Assurance, qui couvre l’ensemble des produits non vie (multirisque habitation, assurance auto...) quels que soient les réseaux de distribution. Au total, les encours sont d’environ 65 milliards d’euros sur tout le périmètre mandats et de plus de 21 milliards d’euros sur le périmètre « unités de compte ».

Quelle est la spécificité d’une structure comme la vôtre ?

Notre avantage compétitif réside dans le fait que nous sommes une petite équipe très intégrée au groupe. Cela nous offre la capacité d’être rapide et agile, contrairement à d’autres entreprises de grande taille qui seraient contraintes d’intégrer leurs convictions au sein d’un long processus décisionnel qui peut conduire à la perte de certaines opportunités. C’est en partie grâce à cette fluidité que nous pouvons saisir des opportunités d’investissement diversifiées et bien rémunérées.  Un exemple de cette agilité est notre investissement dans le digital lending, qui représente aujourd’hui 80 millions d’euros et dégage des rendements de 4 % sur des prêts de 2 ans et demi en moyenne. Ces chiffres traduisent une rentabilité non négligeable que peu de placements offrent à l’heure actuelle.

Quel regard portez-vous sur les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) ?

Parmi les chantiers entamés cette année et qui se poursuivront en 2019, l’intégration de la dimension ESG climat occupe une place majeure. Aviva avait déjà historiquement des portefeuilles gérés sur des critères ESG et respectant la charte des Nations-Unies ou l’intégration d’une analyse ESG sur les émetteurs. Depuis, grâce à un important travail fait par les équipes d’Aviva Investors, nous avons encore renforcé l’intégration des critères ESG dans le processus de gestion des portefeuilles et pouvons suivre la qualité du portefeuille sur l’ensemble des métriques ESG. Cela signifie qu’à tout moment, le gérant a une description précise de la qualité ESG de son portefeuille et peut ainsi définir des stratégies sur un certain nombre d’axes d’amélioration.

« Nous nous efforçons de pouvoir influer sur les entreprises dans lesquelles nous investissons »

Comment se positionne le groupe Aviva par rapport à la notion de best-in-class ?

Outre l’intégration des critères ESG dans la gestion mandats, nous disposons également au sein de notre gamme en unités de compte des fonds ISR gérés par Aviva Investors France selon l’approche best-in-class. Sur nos OPCVM, cinq OPC sont labélisés ISR (investissement socialement responsable). Nous visons à élargir notre gamme ISR l’an prochain sur les produits en unités de compte destinés à une clientèle de particuliers, mais également sur un certain nombre de fonds dédiés sur nos portefeuilles mandats. Pour parvenir à cet objectif, nous visons tous les actifs possibles, que ce soient les gestions monétaires, obligataires ou actions. Sur la gestion du portefeuille en ligne directe, notre objectif est d’améliorer les choses sur le plan des facteurs extra-financiers, sans forcément s’accrocher à un score ESG théorique à 7 ou 8, mais surtout en s’efforçant de pouvoir influer sur les entreprises dans lesquelles nous investissons.

« Nous visons à élargir notre gamme ISR l’an prochain sur les produits en unités de compte destinés à une clientèle de particuliers »

Comment ses engagements se traduisent-ils dans votre gestion, notamment à propos des secteurs controversés tel que le charbon ?

Il y a la gestion proprement dite et l’engagement, deux notions que l’on ne doit pas dissocier. La politique de gestion des portefeuilles d’Aviva Investors est dominée de longue date par une volonté d’améliorer la qualité et les scores ESG. Pour accentuer cela, un axe stratégique d’amélioration va être fixé à travers les gérants de fonds et les investissements plus ESG tels que les actifs verts, les infrastructures, la dette ou l’equity. Lors de la COP 21, l’engagement d’investir 500 millions d’euros à l’échelle du groupe et 100 millions d’euros au niveau de la France a été pris. C’est un objectif rempli, voire dépassé, car l’investissement du groupe se situe désormais au-dessus de ces chiffres. Au sujet des secteurs controversés, Aviva France a décidé de désinvestir du secteur du tabac ainsi que de réduire son exposition, déjà faible, au charbon, notamment via les producteurs d’énergies fossiles.

Propos recueillis par Yacine Kadri

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