Ginjer : la matrice au service des hommes
En pleine crise de la dette européenne, quatre hommes dressent un constat : le marché a profondément changé et ne peut plus être appréhendé selon les règles qui ont toujours prévalu. Léonard Cohen, alors responsable des gestions actions France et Europe chez Edmond de Rothschild AM, se tourne vers des hommes croisés à différents stades de sa carrière et leur propose de créer une société de gestion qui ne s’attachera plus à la seule analyse fondamentale. Ginjer est née avec une ambition : « Prémunir nos clients des risques systémiques, et dissocier les peurs des risques de marché », explique Bruno Zaraya, associé en charge du développement.
Matrice de risques
L’équipe voit ainsi la volatilité comme un mauvais indicateur du risque. « Sur les marchés actions, des mouvements de plus en plus fréquents sont souvent engendrés par les craintes, et non la présence d’un véritable risque », poursuit Bruno Zaraya. Il faut donc se fier à d’autres paramètres. Pour cela, l’équipe poursuit son analyse, et se tourne cette fois vers les acteurs qui gravitent autour des marchés actions. Elle remarque que, s’il y a quinze ou vingt ans, les gérants d’actifs vendaient leurs actions quand ils passaient en négatif, leur comportement n’est plus le même aujourd’hui : face aux mêmes conditions de marchés, ils se couvrent. « Or, les exigences des vendeurs de produits complexes – structurés, ETF, dérivés ou autres – ne sont pas les mêmes que celles des gérants », note l’associé. En effet, la principale préoccupation des traders qui commercialisent ces produits reste la liquidité. Une priorité pas forcément en ligne avec le couple rendement-risque voulu par le gérant : « Nous avons développé une matrice de risques qui vient compléter la lecture fondamentale en analysant les comportements de ces nouveaux acteurs. Nous souhaitons identifier les moments très rares, où ils sont dans l’incapacité d’assurer la liquidité des engagements qu’ils ont pris. L’objectif est donc de compléter la lecture fondamentale avec une détoxication des marchés. » Auditée par le ministère de la Recherche, cette matrice des risques permet à Ginjer d’être considérée comme une entreprise innovante, donc de bénéficier du crédit d’impôt recherche. Un coup de pouce qui permet à la société de gestion de monter une équipe composée aujourd’hui de huit professionnels.
Proximité
La société gère près de 400 millions d’euros investis sur un unique fonds flexible 0-100, qui mise exclusivement sur les actions européennes. « Nos intérêts et ceux de nos clients sont totalement alignés », note Bruno Zaraya. Et l’équipe de Ginjer communique régulièrement avec cette clientèle, composée pour moitié d’institutionnels et pour moitié de privés. « Pour exister dans la gestion active, nous devons être capables d’éviter les fausses pistes et tenir le cap face aux peurs, poursuit-il. Par ailleurs c’est dans les moments plus difficiles que nos repères doivent aider nos clients. » Ainsi, même en étant investis uniquement sur des valeurs européennes, l’équipe peut conseiller ses clients sur les risques liés au marché chinois ou américain. « Notre matrice suit en temps réel 49 pays, aussi, s’il y a des éléments exogènes importants, il est de notre devoir de contacter tous nos clients pour partager notre lecture du risque. » La matrice de Ginjer lui permet ainsi d’éviter de solder des positions lorsqu’elle estime que le risque n’est qu’épidermique. Investi sur environ 25 valeurs cycliques et financières, le fonds affiche un taux de rotation des titres de 15 % par an. Et une performance au rendez-vous : elle était de 8,95 % en 2016 et de 9,86 % en 2017 (part A). Un argument de plus pour maintenir le cap.
Camille Prigent