Aurore Gaspar (Boursorama) : « Les banques en ligne peuvent être rentables »
Décideurs. Comment expliquez-vous le succès des banques en ligne ?
Aurore Gaspar. Il y a trois raisons principales à cela. La première est que les consommateurs sont plus matures pour ce type de solutions. Hier, disposer d’un compte dans une banque 100 % en ligne pouvait faire peur. Aujourd’hui, les mentalités ont changé. Nous le voyons dans l’accélération de notre conquête de nos nouveaux clients. Par ailleurs, les consommateurs sont de plus en plus sensibles à la question des frais bancaires. Ils veulent savoir pour quels services ils paient et pourquoi ils doivent s’acquitter de ce montant. Troisième point, les banques sur Internet sont celles qui proposent, grâce à leur innovation, la meilleure expérience client en ligne.
Comment vous différenciez-vous dans un secteur très concurrentiel ?
Notre credo est de permettre au client de se débrouiller tout seul. Ce positionnement nous rend plus compétitifs. En matière de frais bancaires, cela fait dix ans de suite que nous sommes élus banque la moins chère, et cela quel que soit le profil (jeunes actifs, classique ou premium). Nous innovons également en permanence pour fournir la meilleure expérience. Nous pouvons réaliser un crédit immobilier sans aucun rendez-vous physique. Enfin, nous proposons toujours plus de nouveaux services. Nous avons par exemple lancé une offre de carte gratuite sans minimum de revenus qui séduit particulièrement les jeunes.
« Nous préférons raisonner en termes de résultat net hors frais marketing »
Dans un tel environnement, quel modèle économique construire ?
Deux éléments demeurent essentiels : la taille et la diversité des produits proposés. Étant leader du secteur avec plus de 1,5 million d’utilisateurs, nous sommes bien positionnés sur ce premier point. Et nous continuons de croître de manière significative. Au cours du premier semestre, nous avons acquis plus de 240 000 nouveaux clients. En 2016, il nous avait fallu un an pour y arriver. Sur le deuxième point, nous travaillons en permanence pour diversifier nos offres et produits. Aujourd’hui, nos clients ont en moyenne 13 000 euros de dépôt et 5 000 de crédit. Plus de 500 000 comptes, contrats et prêts ont été ouverts et octroyés sur le premier semestre 2018, soit 50 % de plus par rapport à l’année passée.
Vous continuez néanmoins à dépenser beaucoup pour conquérir de nouveaux clients. Dans ces conditions, pensez-vous pouvoir atteindre l’équilibre financier ?
Oui, les banques en ligne peuvent être rentables. Notre budget marketing est un poste important vu notre fort rythme de croissance, mais nous ne cessons de l’optimiser. Notre coût d’acquisition a ainsi baissé de 25 % entre 2016 et 2018. Une fois acquis, nous n’avons pas les mêmes coûts fixes qu’une banque traditionnelle. C’est pourquoi nous préférons pour le moment raisonner en termes de résultat net hors frais marketing. De ce point de vue, nous sommes déjà rentables. En parallèle, nous continuons de réduire nos dépenses : notre nombre de conseillers pour un million de clients est passé de 219 en 2016 à 150 cette année.
Quelle relation entretenez-vous avec les fintechs ?
Ayant une volonté de toujours innover, nous surveillons avec attention ce qui se passe sur notre marché. Nous n’avons néanmoins pas mis en place une veille structurée. Chaque collaborateur est amené à faire ce travail. Si cela peut nous permettre de développer de nouveaux produits, nous n’hésitons pas à entrer en contact avec elle pour nouer des partenariats ou même plus. En 2015, nous avons par exemple fait l’acquisition de Fiduceo, une start-up techno dans l’agrégation de comptes et le rapprochement de factures.
Propos recueillis par Vincent Paes