Invité à commenter l’état du monde actuel et à évoquer celui qui vient, le Premier Ministre Édouard Philippe a fait état d’une société au sein de laquelle la colère monde et où doit désormais prévaloir « la ténacité » pour mettre en œuvre les changements qui s’imposent.

Alors que les zones d’incertitude gagnent chaque jour du terrain et que les motifs d’inquiétude se multiplient - menaces sur l’emploi et crise migratoire, explosion de l’intelligence artificielle et montée du protectionnisme, inflation populiste et recul de l’Europe… -, que la confiance dans les grandes institutions et leur capacité à protéger recule et que, note Agnès Bénassy-Quéré, membre du Cercle des Économistes, « le pouvoir politique a désormais la capacité de faire dérailler rapidement les politiques mondiales », des voix s’élèvent, de plus en plus nombreuses et de plus en plus audibles, pour dénoncer l’inaction des gouvernements. « Le Brexit comme les événements en catalogne nous invitent à prendre très au sérieux la volonté des peuples de reprendre le contrôle », alerte l’experte avant de poursuivre : « Il est faux de dire que les gouvernements sont démunis pour choisir le monde qui vient, mais ce n’est pas la perception des citoyens. Le défi des politiques est donc double : agir et le faire savoir ».

À ses côtés, le Premier Ministre Édouard Philippe confirme. Pour lui aussi, le ressentiment populaire qui gagne les démocraties européennes est palpable. Pour lui aussi, il est à prendre au sérieux et à convertir en moteur de transformation.

« Course contre la montre »

« Il n’est pas impossible que le monde qui vienne soit un monde de colère et que l’on ait à gagner une course contre la montre face à cette colère qui est devenue une question centrale au sein de nos sociétés, déclare-t-il. Elle se traduit par une volonté de rompre, de casser ce qui ne fonctionnerait pas, tels que les systèmes démocratiques qui seraient ni justes ni efficaces ; incapables de concilier la préservation de ce que nous ne voulons pas changer avec la nécessité de nous protéger face aux transformations inéluctables qui se profilent ». À la colère forte, parfois violente qui se manifeste à de plus en plus fréquemment dans nos sociétés s’en ajoute une autre selon lui : « Une colère froide et constructive qui constitue un puissant moteur d’action et de transformation individuel et collectif. » Pour Édouard Philippe, « les échéances électorales que nous avons connues illustrent bien ces deux versants de la colère et surtout, cette froide détermination à ne pas accepter ce qui n’est pas acceptable. » Reste que, « pour choisir le monde qui vient, il faut partir du monde actuel, rappelle-t-il. Or dans le monde actuel, les pesanteurs sont considérables. »

Investir sur l’intelligence

Pour nous donner les moyens d’infléchir l’avenir, encore faut-il se donner ceux d’établir, au préalable, un diagnostic. Autrement dit, « regarder avec lucidité la situation du pays telle qu’elle est », indique le chef du gouvernement pour qui celle de la France est celle d’un pays qui dispose d’atouts exceptionnels mais dans lequel on a renoncé depuis trop longtemps « à prendre certaines décisions ». Or l’essentiel lorsqu’on pilote une entreprise ou un État, insiste-t-il, « C’est d’avoir un cap. De savoir où l’on veut aller. De partir de la réalité pour apporter des réponses crédibles qui permettent de transformer le réel. » Ce que le gouvernement français compte faire en relançant les investissements privés et publics et en accordant la priorité à l’intelligence et aux compétences. « Car dans un monde dangereux appelé à devenir un monde d’adaptation permanente, on doit construire sur l’intelligence individuelle et collective. Cette capacité à jouer l’intelligence est l’arme la plus efficace face au monde qui vient ; celle qui fera de notre pays le plus compétitif et le plus attractif », estime Édouard Philippe qui, pour étayer son propos, n’hésite pas à citer L’Iliade, « ce récit qui commence par la colère », et auquel succède l’Odyssée : dix ans de voyage et un héros – Ulysse – « chez qui prévaut la ténacité ». « Il sait où il veut aller, il ne lâche jamais l’affaire, résume-t-il avant de conclure : Dans un monde marqué par la colère, ce qui paye au final, qui assure la gloire et le succès, c’est la ténacité ». Dont acte.

Caroline Castets

 

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