J-F. Boulier (AF2i) : « Il est nécessaire de déterminer une ligne commune, regroupant le meilleur de chacun »
Décideurs. Le travail de l’AF2i se dirige de plus en plus vers une collaboration avec ses homologues internationaux. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
Tout à fait. Nous nous sommes récemment rendus aux Pays-Bas pour y rencontrer divers fonds de pension et compagnies d’assurances comme Robeco, Aegon et NN Group, notamment. Nos séances de travail nous ont permis d’effectuer un tour d’horizon des différentes réflexions de place et des types de produits actuellement développés sur le marché hollandais. Nous avons également participé à Pensions Europe, qui s’est tenu à Bruxelles le 7 juin dernier. Cet événement est organisé à l’occasion de son assemblée générale par la fédération des associations des fonds de pension en Europe. L’idée est d’essayer de développer des sujets de collaboration d’envergure internationale avec ces associations. En effet des échéances comme par exemple en 2020 et le réexamen des paramètres de Solvency II, il est nécessaire de déterminer une ligne commune, regroupant le meilleur de chacun. Nous sommes tous d’accord pour considérer que le moment est venu accélérer ce type d’échanges. Le Brexit opère un changement très net dans la manière d’entretenir ces relations. Avant elles étaient à Londres, nous devons désormais trouver un autre chemin. De telles visites nous permettent d’apprendre et de confirmer des perspectives de collaboration intéressantes avec les investisseurs institutionnels étrangers.
Quelle piste vous a semblé être l’un des futurs chantiers de la sphère institutionnelle française ?
Aegon nous a présenté sa politique de placement au regard de Solvency II. Au départ, nous trouvions que cela suivait un raisonnement relativement simple, mais lorsque nous avons pris connaissance de leurs résultats, nous avons constaté que la réglementation pousse à des changements profonds dans la façon d’exercer le métier d’assureur. Aegon a bâti un modèle interne unique. Ils ont développé leur approche du besoin de fonds propres, dans un modèle dit « partiel ». Dans ce contexte, ils n’ont aucune action dans leur bilan. Leur modèle fait réfléchir puisqu’en France nous avons comme investisseurs de long terme en capitalisation beaucoup de compagnies d’assurances. Ils recherchent le rendement de façon différente et ce n’est pas un hasard.
Quelles sont les grandes différences entre les investisseurs institutionnels français et hollandais ?
Les investisseurs institutionnels hollandais ont environ deux fois le PNB des Pays-Bas en réserve dans leurs fonds de pension. De plus, la position nette acheteuse de swaps receveurs de taux fixes est de l’ordre de 500 milliards d’euros sur l’ensemble des fonds de pension, ce qui est colossal... Enfin, l’intégration des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) est en très forte croissance. Par exemple, les locaux utilisés par Robeco sont uniquement alimentés en énergie positive. NNIP et Ageon nous ont également démontré leur forte implication dans la mise en œuvre des critères ESG. Par petites touches on voit que plusieurs solutions sont trouvées par les uns et les autres. L’ESG n’est pas un phénomène français, il est très important aux Pays-Bas également. Par ailleurs, du point de vue de la gestion, nous pouvons constater que les Hollandais adoptent une approche très quantitative avec une véritable culture de l’économétrie. Ce que la France partage avec les Pays-Bas.
La mise en œuvre des critères ESG constitue un véritable mot d’ordre dans l’Hexagone. Comment les investisseurs institutionnels étrangers nous perçoivent-ils ?
Ils nous perçoivent comme leader en la matière. Mais je crois que cela dépend des sujets. Concernant la gouvernance, ils sont en avance par rapport à la France. Cependant, sur les sujets de type environnement ou reporting, ils sont en retard par rapport à nous. Le fait d’avoir ces grands fonds de pension nous a incités à prêter une vigilance accrue face aux conflits d’intérêt et à exercer une certaine déontologie sur tous les sujets. Il ne faut pas oublier que les capitaux investis appartiennent d’abord aux retraités, ce qui justifie un traitement soigné et sécurisé de chaque instant.
Propos recueillis par Yacine Kadri