Le Japon à la croisée des chemins
Joël le Saux, gérant chez Syz AM, revient sur les opportunités offertes par l’Ōyashima.
Jusqu’ici, tout va bien
L’économie japonaise se porte assez bien avec six années consécutives de hausse du marché et une hausse de 22% en 2017 pour le Topix en yen. Une bonne santé financière qui est représentée par une croissance annualisée du PIB de 2% par an depuis 5 ans. Côté mauvais point la bulle immobilière n’est qu’un mauvais souvenir.
Par ailleurs, le Japon est sorti de sa phase de déflation longue. De plus, ses performances semblent s’inscrire dans un cycle global favorable. On relèvera également un boom des exportations vers la Chine en 2017, comme vers les Etats-Unis (+10 %). Ce sont notamment les secteurs de la robotique, de l’acier et des engins de construction qui ont tiré la performance. La balance commerciale du Japon, excédentaire, se trouve ainsi autour de 2,5% du PIB (4 % avant la crise financière). Pour Joël Le Saux, la tendance baissière qui a frappé l’économie nippone « est une anomalie dans l’histoire car le Japon est un pays à excédent commercial. On retrouve ces caractéristiques bien que cet excédent commercial ne soit pas revenu sur les niveaux de 2006-2007 car beaucoup d’entreprises japonaises ont localisé leurs outils de production localement que ce soit en Chine ou aux Etats-Unis. De fait, ces entreprises exportent moins. »
Le gérant souligne aussi, concernant le yen contre le dollar, qu’après avoir baissé au moment de l’arrivée au pouvoir de M. Abe et la mise en place des abenomics, aujourd’hui cette phase est complètement terminée. La logique d’appréciation de la devise au regard de la balance des comptes courants est redevenue basse. La devise était corrélée à l’évolution des JGBs, et en l’absence de changement politique monétaire la devise s’apprécie contre le dollar.
Un climat positif
Le climat des affaires est « extrêmement favorable pour les grandes entreprises, comme pour les petites », comme le démontre une étude trimestrielle Tankan de la Banque du Japon. D’après Syz Am, ce sont bien les « petites entreprises » qui sont le « reflet de ce qu’il se passe localement, puisqu’elles exportent beaucoup moins que les grandes entreprises ».
Socialement, le taux de chômage est à 2,4 %, soit le plus bas depuis 25 ans. De plus, le gérant met en avant un déséquilibre entre l’offre et la demande. Le chômage « virtuellement à 0 » pose des difficultés de recrutement aux entreprises, qui sont poussées à augmenter les salaires. L’environnement pour le travail est globalement favorable. Paradoxalement, on observe une hausse de 0,6 % par an depuis 2012 de la population active depuis les 5 dernières années, ce qui est étonnant compte tenu de la configuration démographique japonaise. En effet, le chiffre était de – 0,2% sur les 15 années précédentes. De surcroit, le mouvement de croissance est accompagné par la part des personnes de plus de 65 ans qui travaillent et grimpe à 23 %. Ces retraités « redevenus actifs » viennent compenser une retraite faible et augmenter leur pouvoir d’achat. Ce dernier point mérite néanmoins quelques précisions dans la mesure où si les retraités reviennent sur le marché du travail pour augmenter leurs revenus, ils ne le dépensent pas massivement. En effet, les banques japonaises ont connu une augmentation spectaculaire des dépôts bancaires. La tendance est donc davantage à la thésaurisation qu’à la consommation stricto sensu. Ainsi, la confiance des consommateurs remonte, mais pas à son plus haut historique.
Inflation : sur la route de la victoire
Pour Joël Le Saux, c’est la « véritable victoire de M. Abe ». Le Japon est sorti du processus de déflation, ce que le gouvernement devrait confirmer dans les mois à venir. L’inflation cœur se situe autour de 0,3 %, bien « que le Japon ait fleurté avec le 0 il y a un an, on est revenu sur une pente positive ». L’inflation globale, y compris l’énergie, monte à 1,5 % en rythme annualisé sur des derniers mois. Il semblerait ainsi que l’objectif de 2 % visé par M. Kuroda soit proche. Néanmoins, le patron de la Banque du Japon ne semble pas laisser entrevoir de changement de politique monétaire. D’après le gérant, la banque centrale devrait revoir à la baisse ses ambitions autour d’1 %, le seuil de 2 % ne suivant pas de logique particulière autre que celle d’une tendance mondiale généralisée.
Les deux difficultés auxquelles le Japon pourrait faire face sont un hypothétique krach obligataire et la hausse du yen qui s’en suivrait.
Yacine Kadri