Il faut transformer chaque sinistre en opportunité d’amélioration
DÉCIDEURS. Depuis sa création en 1977, Saretec s’est largement diversifié pour couvrir l’ensemble de la chaîne de valeur de la gestion de sinistres : prévention, expertise et réparation. En quoi est-ce important d’offrir un service global ?
Dominique Delmas. Notre cœur de mé- tier a toujours été l’expertise mais nous nous sommes rendu compte qu’il était essentiel d’accompagner nos clients dans l’avant et l’après-sinistre, c’est-à-dire, sur le plan des préventions et des réparations. Pour ce qui est de la prévention, nous avons dès le début saisi l’importance de la formation. Quant à la réparation, nous avons bâti, depuis trois ans, des structures comme Kora et Moeris qui offrent un accompagnement complet. En vérité, nous ne considérons pas qu’il s’agisse de trois marchés différents, il existe des synergies à condition d’adopter le bon point de vue. Très longtemps, le sinistre a été considé- ré comme un mauvais moment à passer mais nous pouvons en faire quelque chose d’important avec des solutions résilientes, en apprenant de lui.
Vous n’avez pas, semble-t-il, l’intention de vous arrêter dans l’innovation et la diversification, avec 4 % de votre chiffre d’affaires dévolu à la R&D. Quels sont les champs que vous souhaitez investir ? Quels seront les principaux leviers de votre croissance à l’avenir ?
Garder une avance fait partie de l’identité de notre groupe, nous étions parmi les premiers à proposer l’expertise à distance, par exemple. Nous entendons bien conserver notre position à travers une stratégie de développement sur trois axes. Le premier, évidemment, sera de poursuivre et d’étendre notre activité d’expertise. Le second est un axe de diversification, nous entendons porter notre expertise au-delà du monde de l’assurance directement vers les entreprises et les collectivités locales. Enfin, notre troisième axe est celui de l’innovation, il faut s’insérer sur les nouvelles voies ouvertes par les technologies de la gestion des données, se baser là-dessus pour construire des offres disruptives.
Vous avez lancé, cette année, une offre Cyber 360°. Quelles sont les spécificités de la gestion des risques digitaux? Comment vous y adaptez-vous ?
L’une des spécificités du cyber-risque se trouve dans sa diversité et sa multiplicité. Il faut entendre par là non seulement que les technologies en place sont très diverses mais encore que les organisations le sont aussi. En ce qui nous concerne, nous avons quelques compétences en interne, des experts en informatique mais aussi notre service informatique qui compte une vingtaine de personnes. Nous nous sommes aussi adossés à une entreprise spécialisée en data. C’est à partir de l’ expérience d’attaques que nous avons bâti nos solutions, il ne s’agit pas d’une construction abstraite réalisée dans un bureau mais d’un véritable retour sur expérience. Conformément à notre philosophie, nous avons transformé un accident en opportunité.
Dans cet esprit de conseil global, vous avez aussi lancé une offre Advance à destination de la gestion des risques en entreprise. Concrètement, comment se traduit cet accompagnement ?
En premier lieu, c’est évidemment notre expertise technique que nous mettons au service des entreprises. Il est crucial d’identifier avec précision le besoin et les expertises à mobiliser pour y répondre, c’est pourquoi nous nous attachons à construire un arbre de compétences pour répondre aux mieux aux attentes des avocats et des entreprises qui nous sollicitent. Ensuite vient la formation, nous livrons des boîtes à outils sur la façon d’aborder et de répondre à un sinistre, une mise en cause ou une réclamation. Nous disposons d’un institut de formation en interne qui dispense près de 16000 heures de formation par an à travers des modules que l’on peut adapter aux besoins spécifiques de nos clients. Nous sommes aussi pré- sents sur tout ce qui relève de la médiation. Nous avons construit, à la suite de nombreuses demandes dans ce sens, une méthode pour aider les entreprises à sortir des litiges et même à les transformer en opportunités. Dans ce type de situation, chacun des partis a une part de connaissance que le litige permet, en définitive, de mettre en commun. Enfin, nous offrons des contrats-cadres sur mesure de la gestion des sinistres récurrents, avec ou sans franchises pour différents acteurs, à diffé- rents niveaux.
Dans cette optique d’amélioration, vous faites usage de l’IA qui est un outil efficace dans l’analyse de grandes quantités de données. Mais est-ce que les sinistres industriels ne sont pas trop spécifiques pour construire des modèles généraux? Quels gains pensez-vous pouvoir tirer de ces technologies ?
Pour ce qui concerne l’intelligence artificielle, nous avons une approche à la fois concrète et pragmatique. C’est dans cet esprit que nous avons organisé la dernière conférence Autre regard sur ce sujet avec la participation du mathématicien Jean-François Marcotorchino. Il y a beaucoup de fantasmes autour de ces technologies mais aussi de réelles possibilités. En croisant les données publiques et nos données internes et celles des clients volontaires, nous avons pu mettre au point des outils efficaces. Vega, par exemple, nous permet de faire de la prévision d’endommagements avec des données satellitaires et d’anticiper les phénomènes atmosphériques d’ampleur. Cet outil nous permet d’anticiper avec précision les dommages, nous en avons eu la confirmation avec l’ouragan Irma ou encore les inondations de l’année dernière. Les assureurs et les grandes entreprises sont très friands de ces solutions prédictives. Nous essayons désormais d’étendre le champ d’application de nos outils aux analyses agricoles. Un autre exemple d’application de cette technologie est notre outil SMART.CARE lancé sous notre marque KeywiiZ qui aide les gestionnaires à accé- lérer le traitement des sinistres. Cet outil accompagne l’analyse. Alors, bien sûr, tous les domaines ne se prêtent pas à ce genre d’exercice, il est plus difficile de construire une base de données cohérente dans le champ des sinistres industriels que dans celui de la fréquence.
Les objets connectés peuvent être des atouts précieux dans le recueil de ces données mais leur rôle ne se limitera sans doute pas à cela. Comment pensez-vous qu’ils s’intégreront à vos activités ?
Les objets connectés servent effectivement au recueil de données supplémentaires qui permettent plus efficacement qu’auparavant de rechercher les causes d’un sinistre. Ils peuvent aussi avoir d’autres fonctions. Sur le plan de la pré- vention, il est possible d’installer des capteurs capables de réagir en fonction des informations qu’ils reçoivent pour alerter d’un sinistre et aider à sa gestion. Par exemple, les réseaux d’eau des collectivités peuvent être ainsi surveillés, des capteurs de pression installés à des points stratégiques permettant d’identifier les fuites. Mais, il faut aussi voir l’autre côté de la médaille. Les objets connectés sont une nouvelle source de sinistralité, leurs dysfonctionnements potentiels donneront sans doute lieu à des sinistres sériels et complexes.
La technologie n’est rien sans l’homme, c’est ce que vous semblez croire au vu de vos importants investissements dans la formation. Quelles sont les compétences prioritaires à développer pour vos collaborateurs à l’avenir ?
Il y aura toujours un besoin clair pour des compétences techniques solides mais le profil des experts évolue. Aujourd’hui, la qualité prioritaire c’est l’agilité. Il n’est plus possible de se cantonner à son expertise purement technique. Il faut aussi dé- velopper des compétences relationnelles. Il faut savoir s’adresser et organiser la coopération entre des techniciens, des juristes, des assureurs et savoir adapter son discours à chacun d’eux. Cela dit en ce qui concerne les compétences brutes, nous recherchons de nombreux profils venant de filières très diverses. Nous formons aussi nos équipes en continu avec notre structure Capsens qui offre des modules de formation de toutes natures aussi bien en présentiel qu’en e-learning.