Jean-Dominique Daudier de Cassini (ARE) : « La France dispose d’outils de prévention sans équivalent dans le reste de l’Europe »
Décideurs. Après deux ans à la tête de l’ARE, que retenez-vous de votre mandat ?
Jean-Dominique Daudier de Cassini. L’association est devenue une référence dans le secteur du restructuring. Nous avons proposé aux candidats à l’élection présidentielle dix pistes de réflexion pour améliorer le traitement des entreprises en difficulté. Nous avons mis en place un système de formations de plus en plus plébiscité. Nous travaillons avec les universités – HEC, Paris Dauphine, Panthéon-Assas – afin de former les futurs dirigeants à gérer une crise. Nous avons également travaillé sur le rayonnement à l’international de l’association, notamment via l’organisation d’un forum dédié aux outils du restructuring en Europe.
Comment se positionne la France par rapport à ses voisins ?
En matière de prévention, la France est largement en avance. Elle dispose d’outils sans équivalent dans le reste de l’Europe. L’idée du projet de directive européenne est d’ailleurs de munir les autres pays de dispositifs similaires. L’idée est de remonter dans le temps et d’agir en amont des difficultés, grâce à l’intervention d’un mandataire ad hoc ou d’un conciliateur.
L’Hexagone a-t-il tous les outils nécessaires au traitement des entreprises en difficulté ?
Nous avons énormément d’outils, peut-être même trop. Les procédures existantes sont complexes et les chefs d’entreprise un peu perdus face à cette palette très large. Il faudrait simplifier ces outils tout en gardant la philosophie de la loi française qui fait la part belle à l’anticipation, à la concertation et à la négociation. Les professionnels qui agissent dans ce secteur, et en particulier les administrateurs et mandataires judiciaires, maintiennent une indépendance vis-à-vis des parties qu’il faut également conserver.
« La philosophie de la loi française fait la part belle à l’anticipation, à la concertation et à la négociation »
Comment ces professions vont-elles évoluer ?
Il y a aujourd’hui un mouvement de regroupement des structures d’administrateurs et de mandataires judiciaires. Des professions individuelles se transforment en métiers collectifs. Cela permet de donner aux acteurs les moyens de traiter des dossiers de plus en plus importants et complexes.
L’interprofessionnalité est-elle également une piste ?
Je privilégie clairement la notion d’indépendance, qui donne une véritable puissance de négociation dans un dossier. Les conflits d’intérêt seraient extrêmement complexes à gérer dans une situation d’interprofessionnalité.
Le nombre de procédures judiciaires a nettement diminué en 2017. Comment expliquer cette baisse ?
En effet, il y a moins de dossiers. D’une part parce qu’il y a un léger rebond de l’activité industrielle et économique de manière générale. D’autre part parce que certains secteurs ont atteint un creux. La part industrielle dans le PIB est descendue à 12,5 % (contre 16,5 % en 2000, ndlr), il y a tout simplement moins d’entreprise dans ces secteurs.
Que souhaitez-vous à votre successeur et à l’ARE dans les années à venir ?
Il nous faut continuer à renforcer nos liens avec les autres intervenants du restructuring : l’Afic, les Affics, les investisseurs, les pouvoirs publics et les autres associations. L’international est une deuxième piste, car si le droit des entreprises en difficulté est très spécifique à chacun des États qui le pratiquent, les entreprises, elles, deviennent de plus en plus mondialisées. Le droit doit lui aussi suivre ces tendances.
Propos recueillis par Camille Prigent