« Paradise papers » : un coup d’épée dans l’eau
Estimée à plus de 350 milliards de dollars par an, l’évasion fiscale demeure une pratique opaque. Qui en sont les protagonistes ? Quels schémas utilisent-ils ? Quels sont les véritables montants en jeu ? Autant de questions qui, jusqu’à maintenant, n’avait pas de réponse officielle. L’enquête menée par l'ICIJ, consortium international de médias, dont Le Monde ou The New York Times font partie, permet de prendre la véritable ampleur du phénomène. Fort de 13,4 millions de documents pour la plupart issus d'un cabinet d'avocats des Bermudes, Appelby, l’onde de choc des « Paradise Papers » s’annonce sans précédent.
Scandales politiques
Et pour cause, des politiques de premier plan sont impliquées.Parmi les premiers noms révélés, on retrouve ainsi deux membres du gouvernement de Donald Trump, Wilbur Ross et Rex Tillerson, le trésorier du parti libéral et ami du Premier ministre canadien Stephen Brofman et la reine d'Angleterre, Elizabeth II. Du côté des personnalités publiques figurent des chefs d’entreprise, comme le cofondateur de Microsoft, Paul Allen, ou le créateur d'eBay, Pierre Omidyar, et des stars mondiales comme Madonna et Bono. Enfin, le dernier contingent est représenté par les entreprises. Apple, Nike, Glencore ou encore Uber sont par exemple de grands utilisateurs de montages financiers complexes pour payer moins d’impôts.
Pour autant, les répercussions risquent d’être limitées. Car contrairement au « Panama Papers », ces pratiques sont légales. Les avocats d'Appleby respectent les règles internationales en vigueur, contrairement à leurs homologues panaméens de Mossack Fonseca. La majorité de ces révélations portent en réalité sur des montages financiers légaux d'optimisation fiscale.
Pour les hommes politiques impliqués, ces informations risquent néanmoins de provoquer des séismes : au Canada, où des proches de Justin Trudeau sont mis en cause ; au Royaume-Uni avec les investissements offshore peu scrupuleux de la reine, et aux États-Unis où les documents montrent des liens financiers entre Wilbur Ross, le ministre du Commerce, et Sibur, groupe pétrochimique russe, dont le gendre de Vladimir Poutine, Kirill Shamalov, est actionnaire et membre du conseil d'administration. Wilbur Ross aurait ainsi touché de Sibur 68 millions de dollars depuis 2014 et ce malgré les sanctions économiques américaines envers la Russie. C’est pourquoi ces révélations doivent amener à une prise de conscience politique pour que des réformes juridiques mettent fin à ces pratiques à la frontière de la légalité.