Investisseur de la première heure dans Blablacar, Jean-David Chamboredon fait figure de référence dans le secteur du capital-risque. L’ancien porte-parole des « Pigeons » revient pour nous sur ce qui manque aux start-up françaises pour se transformer en licornes.

Décideurs. Comment créer davantage de « licornes bleu-blanc-rouge » ?

Jean-David Chamboredon. Les entrepreneurs européens doivent apprendre à saisir les opportunités là où les start-up américaines ne se sont pas aventurées. Si l’on regarde Spotify et Blablacar, deux belles licornes européennes, elles ont réussi à prospérer car elles ont su saisir des marchés laissés vacants par les Américains. Dans le premier cas, ces derniers ont pensé qu’Apple était indétrônable avec iTunes et, dans le second, ils n’ont pas cru au covoiturage sur longue distance. Il est illusoire de croire que le prochain Google viendra d’Europe s’il n’y a pas d’opportunité à saisir. Les start-up américaines sont d’ailleurs « surfinancées » et disposent d’un marché local colossal pour valider leur modèle.

Quels sont les secteurs dans lesquels se nicheraient des opportunités ?

Dans le « B2C » (Business to Consumer), on sait que la rentabilité est plus difficile à atteindre et que la concurrence est très forte. C’est le cas des foodtech par exemple où les marges sont très faibles. Dans le « B2B » (Business to Business) en revanche, il existe des opportunités moins gourmandes en capital. Sur un secteur de niche, la France peut faire émerger un leader au moins européen, voire mondial. Ce n’est pas un hasard si Sigfox, Actility ou Scality, par exemple, les start-up françaises prétendant au titre de licornes, sont présentes sur ce segment.

Quel est selon vous l’ingrédient le plus important pour devenir une licorne ?

L’ambition. Dans le monde des start-up, tout va très vite. Il faut voir tout de suite les choses en grand et à l’international, puis… être capable de délivrer.

«L’ambition demeure l’ingrédient le plus important pour réussir»

Vous avez évoqué le « surfinancement » des start-up américaines, pensez-vous que le manque de moyens soit un frein pour les entreprises françaises ?

C’était encore vrai il y a quelques années. Mais aujourd’hui le marché français a rattrapé son retard. En matière de levées, nous devrions prendre cette année la première place européenne. Cela n’est donc plus une excuse valable. Pour comprendre les difficultés des start-up françaises à devenir mondiales, il faut surtout regarder la structure des marchés français et européen : le premier est trop petit et le second trop fragmenté. C’est pourquoi l’internationalisation est indispensable, le plus tôt étant toujours le mieux.

Les licornes ont vu leur valorisation s’envoler au cours de ces dernières années. Peut-on parler de bulle ?

Je ne le pense pas. Contrairement aux marchés boursiers, nous sommes des investisseurs de moyen-long terme. Ces valorisations reflètent un potentiel. Il appartient aux dirigeants des licornes de le démontrer. Tous n’y arriveront pas.

Propos recueillis par Vincent Paes

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