Guy Parent (Vanguard AM) : « Le low yield rend visibles les coûts élevés de la gestion active »
Décideurs. Quel impact votre structure actionnariale a-t-elle sur la stratégie globale de Vanguard ?
Guy Parent. Depuis sa création en 1975 aux États-Unis, Vanguard a opté pour une organisation originale en choisissant le modèle mutualiste. En effet, le capital de la structure appartient aux fonds et ETF Vanguard américains, eux-mêmes propriété de nos investisseurs. Nous n’avons pas d’autres maîtres que nos clients dont nous nous attachons à servir leurs seuls intérêts. Ce choix organisationnel a influencé notre stratégie et notre méthode d'investissement. Longtemps centré sur le marché américain, nous avons évolué pour nous ouvrir à d’autres régions, pour consolider notre activité et promouvoir la gestion à faibles frais. Comme ce sont les fonds de nos clients que nous engageons, nous veillons à nous développer progressivement, de façon stratégique et ordonnée. L’un des grands avantages de notre structure actionnariale, c'est que le groupe fonctionne à prix coûtant. Or, nos collectes sont colossales, notre encours sous gestion mondial atteint 3 900 milliards d’euros (dont les trois quarts correspondent à de la gestion en fonds indiciels), et nous poursuivons sur une très belle dynamique. Notre croissance nous permet d'être performants en rendant à nos clients par des frais faibles les économies d’échelle réalisées.
Opter pour la gestion passive est-il stratégique dans un environnement où les marchés sont moins rémunérateurs ?
La gestion passive est le métier historique du groupe, même si nous pratiquons également la gestion active. Vanguard a été à l'origine de deux innovations de rupture en lançant en 1975 le premier fonds grand public indiciel en actions puis en obligataire (1986) pour les investisseurs particuliers aux États-Unis. Le métier de gestion passive nous invite à nous focaliser sur les coûts de nos produits. La conjoncture actuelle marquée par une réglementation qui favorise la transparence (MIF) et d’autre part l'environnement low yield nous confortent dans notre philosophie. Aujourd’hui, les rendements sont faibles, qu’il s’agisse du marché obligataire ou de celui des actifs plus risqués qui sont chers et ont des perspectives plus mesurées. L’effet de ces performances plus faibles est de rendre très visibles et pénalisants les coûts élevés qui s’appliquent à la gestion active.
« Avec notre forme mutualiste, le groupe fonctionne à prix coûtant »
Vous préconisez une maîtrise des coûts plutôt que celle, périlleuse, des marchés. Cela s’effectue-t-il au détriment du rendement ?
De manière générale, les frais, qu’il s’agisse de frais de gestion et de surperformance ou de transaction, constituent autant de freins à la performance. Dans le cas de la gestion passive, l’ensemble des frais est faible. La gestion passive offre donc une performance très proche des indices grâce son fonctionnement très économique. Aujourd'hui, les marchés sont largement investis par des professionnels, et par conséquent, le degré « d'efficience » est élevé. Trouver de bonnes affaires et pouvoir anticiper régulièrement mieux que les autres spécialistes devient difficile. Or un indice représente la moyenne de la performance des investisseurs sur un marché. Si un gérant fait mieux que l’indice, un autre fera moins bien que la moyenne qui est calculée par cet indice. C’est le principe du jeu à somme nulle. Et en prenant en compte les frais, on constate que la moyenne des gérants actifs est régulièrement en dessous des indices. La gestion passive est donc une manière de répondre aux exigences financières de nos clients en leur offrant des produits simples, peu coûteux et transparents avec une performance très correcte par rapport à la moyenne des gérants actifs.
Vanguard est signataire des Principles for responsible investment (PRI). Finalement, cette gestion est-elle si passive ?
En tant que gérant indiciel, nous nous attachons à reproduire la moyenne du benchmark. De ce fait, nous achetons tous les titres de l’indice. Nous ne pouvons pas pondérer nos choix en fonction de critères ISR ou ESG sous peine de nous éloigner de l'indice. Notre engagement en faveur des PRI s'exprime autrement, dans notre engagement en qualité d'actionnaire : nous sommes des gestionnaires passifs et des actionnaires actifs. En entrant au capital de sociétés sur le long terme, nous avons une capacité à nous faire écouter d'elles. Nous intervenons donc auprès des dirigeants, des directeurs généraux et des administrateurs représentants des actionnaires pour établir un dialogue dont la qualité influence la façon dont nous exerçons notre droit de vote aux assemblées générales. En votant, nous défendons les intérêts des investisseurs car notre décision peut avoir un impact sur la valeur des titres.
« La gestion passive présente des performances de long terme au-dessus de la moyenne des gérants actifs »
Quels sont les projets du bureau parisien ?
Aujourd’hui, nous disposons d’un encours sous gestion de 6 milliards d’euros en France avec une clientèle historique d’institutionnels (assureurs, caisses de retraite, assets managers …). Le grand défi est de parvenir à nous ouvrir au marché des particuliers grâce aux ETF en les utilisant en fonds de portefeuille. Il ne s’agit pas de mettre en place une gestion tactique qui est très compliquée et risquée. De fait, il est admis que c'est l'allocation stratégique, à long terme, qui fait la plus grande part de la performance des portefeuilles et les ETF sont des outils très efficaces pour la construire. Une fois les bonnes décisions prises en termes d’allocation stratégique, on peut, bien entendu, combiner gestion active et passive à condition d’être à même d’identifier de bons gérants actifs sur le long terme.
Propos recueillis par Sybille Vié