Trois ans après le carve-out des Laboratoires Anios, ancienne filiale d’Air Liquide, et l’arrivée d’Ardian à son capital, l’entreprise lilloise vient déjà d’être cédée par le fonds d’investissement. L’heureux acquéreur est un industriel américain, Ecolab. Avec le soutien de ce nouvel actionnaire, Bertrand Letartre espère accélérer le rythme de croissance de sa firme et atteindre, dès cette année, les 235 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Décideurs. Pourquoi avoir privilégié l’adossement à un industriel, en l’occurrence Ecolab, plutôt qu’à un nouveau fonds d’investissement ?

Bertrand Letartre. Nous sommes sortis du giron d’Air Liquide il y a seulement trois ans. Il était donc logique de continuer notre histoire avec Ardian à nos côtés. Mais Ecolab a montré une réelle volonté de nous acquérir. Nous avons longuement discuté avec eux à la fois sur le plan financier mais aussi sur le plan stratégique. Par ailleurs, nous avons pensé qu’à moyen terme (2 ans), nous n’aurions pas eu d’offre aussi intéressante avec un autre fonds d’investissement.

 

Décideurs. Le fonds d’investissement Ardian, vous-même et votre frère (51%) êtes sortis du capital. Pour autant, vous allez respectivement demeurer président et directeur général de l’entreprise pour une période de trois ans. Quelles sont vos ambitions pour cette période ?

Il n’y a pas vraiment de date prédéfinie. Disons qu’il y a un engagement de notre part sur au moins trois ans. Notre rôle sera avant tout d’accompagner l’entreprise dans son développement industriel. Le rapprochement avec Ecolab est déjà une excellente nouvelle en matière d’emploi. La firme américaine travaille avec de nombreux sous-traitants, une partie de cette activité sera donc rapatriée dans nos outils de production situés à Lille. Notre usine va s’agrandir de 30 %. Il en est de même pour notre laboratoire de recherche, Ecolab ne disposant pas d’un tel outil en Europe dans la Santé.

Le rapprochement avec Ecolab est une excellente nouvelle en matière d’emploi

 

Décideurs. Quel bilan faites-vous des trois années passées aux côtés d’Ardian ?

Nous avons eu une excellente relation. Je dois vous avouer que je ne m’attendais pas à cela. L’image des fonds d’investissement n’est pas forcement positive alors qu’en pratique nous avons trouvé en eux de vrais supporters, au sens anglais du terme. Pendant ces trois ans à leurs côtés, les Laboratoires Anios ont réalisé un grand nombre d’opérations de croissance externe. Cette période a été matérialisée par une forte croissance. Lorsqu’une cible était détectée, nous avons à chaque fois pu agir très vite.

 

Décideurs. Est-il possible de mettre en place une stratégie de développement à long terme lorsque vous avez pour principal actionnaire un fonds dont l’horizon d’investissement est de 3 à 7 ans ?

Ce n’est pas leur objectif. Les fonds souhaitent en priorité réaliser une plus-value et sortir à moyen terme. Cette stratégie a le mérite de la clarté. Compte tenu de la valorisation de l’entreprise, repartir avec un autre fonds d’investissement était difficilement envisageable. Il aurait fallu pour cela s’endetter de manière importante. Je craignais également qu’avec un nouveau fonds, il aurait fallu recourir à une gestion très serrée pour amortir son investissement. Or, ce n’était pas notre but. Avec Ecolab nous avons noué une excellente relation, ils respectent l’entreprise et comptent sur nous. Le secteur de la santé est devenu un axe de développement majeur pour eux.

La poursuite de notre politique de croissance externe est l’une de nos priorités

 

DécideursQu’attendez-vous d’Ecolab, votre nouvel actionnaire ?

Avec 14 milliards de dollars de chiffre d’affaires, Ecolab se positionne comme l’un des acteurs très puissants des technologies et services de l'eau, de l'hygiène et de l'énergie. Jusqu’à présent, la société était très présente en France sur le secteur de l’agro-alimentaire, de l’hôtellerie et de la restauration mais assez peu sur celui de la santé. Pour s’y développer, elle a donc créé une branche autonome « healthcare » et compte s’appuyer sur nous. Dans plusieurs grand pays (Chine, Émirats arabes unis, Brésil…) la firme américaine dispose d’une usine, d’un département regulatory, des infrastructures ou d’une logistique très puissante. L’idée est de nous permettre de disposer de ces différentes plates-formes pour développer notre activité. Cela correspond aussi à notre désir de pouvoir produire localement : une stratégie qui nous permet d’être plus réactifs et d’éviter les taxes à l’importation, les pays étant de plus en plus protectionnistes.

 

Décideurs. Depuis 2013, des opérations de croissance externe vous ont permis d’accélérer votre développement en France (Hysis Medical) et à l’étranger (Brésil, Espagne, Turquie). Cette stratégie va-t-elle se poursuivre ?

La poursuite de notre politique de croissance externe (Chine, Amérique du Sud, Asie, Moyen-Orient) est l’une de nos priorités. La santé représente pour l’instant 700 millions d’euros de chiffre d’affaires pour le groupe Ecolab. Pour y parvenir, nous avons conscience que la croissance organique ne suffira peut-être pas.

 

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurelien)

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