Thomas Lancereau porte un regard critique mais constructif sur la gestion de performance absolue et les fonds flexibles. Le directeur de l'analyse des fonds chez Morningstar France fait également un tour d’horizon des évolutions attendues dans le secteur de la gestion d’actifs.

Décideurs. Comment expliquez-vous le succès de la gestion de performance absolue ?

Thomas Lancereau.Il repose sur la promesse de réaliser une performance positive ou décorrélée des grands indices boursiers. Il n’existe malheureusement pas de définition claire des fonds de performance absolue. Tant est si bien que nous avons, chez Morningstar, supprimé cette catégorie dès 2011. Celle-ci était à notre sens trop associée à un terme de marketing plus large mettant en exergue une industrie ayant fait des promesses de rendements mais qui a souvent échoué au moment de les délivrer. Nous avons donc intégré ces fonds dans la catégorie des « fonds de gestion alternative ».

 

Leurs performances correspondent-elles aux promesses faites aux épargnants ?

Aujourd’hui, soixante-deux fonds contenant le terme « Absolute » sont enregistrés à la vente en France. En raison de leurs stratégies et de leurs leviers d’investissement parfois très différents, il nous est difficile d’évoquer la performance des fonds de performance absolue de manière générale. Il convient de les analyser individuellement. Pour vous donner tout de même un ordre de grandeur, les trente-huit fonds disposant d’un historique de performance d’au moins cinq ans réalisent une performance annualisée sur ces cinq années allant de +12 % à -1,3 %.

Soixante-deux fonds contenant le terme « Absolute » sont enregistrés à la vente en France

 

Les frais sont-ils plus élevés sur cette catégorie de fonds ?

J’attire l’attention sur l’existence presque systématique de frais basés sur la performance qui ne sont malheureusement pas calculés dans l’intérêt de l’investisseur. Le plus souvent, ceux-ci sont en effet évalués sur la base d’indicateurs monétaires tels que l’Eonia et à laquelle on va ajouter 1 % ou 2 %. Cet indicateur de référence ne contient pas d’éléments de risque, contrairement à la stratégie d’investissement appliquée par les gérants. Au-delà du benchmark qui n’est pas très pertinent, on ne peut que regretter l’absence de high water mark, un principe selon lequel un fonds ne peut pas percevoir de nouvelles commissions de performance tant qu’il n’a pas comblé son retard éventuel.

 

Un match oppose les fonds flexibles aux fonds actions avec des allocations modérées. Quelle catégorie réalise les meilleures performances ?

Les fonds flexibles continuent de sous-performer. Plusieurs éléments peuvent expliquer leurs résultats décevants. D’une part, des frais souvent plus élevés qui s’accompagnent de commissions de performance pas toujours pertinentes.

D’autre part, la mise en œuvre d’une gestion flexible performante est une tâche qui demeure notoirement difficile. Suivant cette stratégie, le gérant se propose d’exploiter un univers d’investissement extrêmement large (actions, obligations…). Exploiter ce vivier réclame des moyens colossaux. À leur corps défendant, la plupart de ces stratégies ne disposent pas d’un historique très long. Les fonds flexibles ont évolué dans une période de remontée des marchés boursiers. Le défi qui se présente aux fonds flexibles est de négocier au mieux le prochain retournement de marché. Ils devront ainsi démontrer leur capacité à limiter la baisse de manière à composer la sous-performance réalisée dans le cadre d’un marché haussier.

Il reste de la place pour de la gestion active, vraiment distinctive.

 

Les nouvelles réglementations qui pèsent sur les sociétés de gestion ont-elles des conséquences sur les frais pratiqués ? Viennent-elles réduire significativement la performance des fonds ?

Je ne pense pas. Il est tout à fait légitime de se poser la question mais cela me paraît improbable car, en parallèle des nouvelles obligations réglementaires, la montée en puissance de la gestion passive et des ETF a mis la pression sur les coûts. Une augmentation des frais de la part des sociétés de gestion impliquerait donc une baisse de la performance nette délivrée aux investisseurs. Ce qui n’est pas à l’ordre du jour. Face à cette pression sur les marges, les sociétés de gestion se sont lancées dans une course à la taille critique. Cette consolidation de l’industrie s’est notamment matérialisée par les rapprochements entre Pioneer et Amundi, Standard Life et Aberdeen ou Janus Capital et Henderson.

 

Cette course à la taille critique peut-elle signifier la disparition des petites sociétés de gestion indépendantes ?

Non. Il reste de la place pour de la gestion active, vraiment distinctive. Au-delà des aspects de taille et de distribution, une sélection naturelle va s’opérer et récompensera les sociétés de gestion qui disposent d’une véritable expertise sur la sélection de valeurs.

 

Quels seront les principaux défis des sociétés de gestion au cours des prochaines années ?

Les gérants d’actifs devront maintenir le cap vers une plus grande transparence. Mais, in fine, le juge de paix sera une nouvelle fois la valeur ajoutée générée par le gérant. 

 

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurelien)

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