Pascal Demurger ne manque pas de responsabilités : élu assureur de l’année 2015, il est Directeur général de la Maif, vice-président de la Fédération française de l’assurance et président de l’Association des assureurs mutualistes. Retour sur la mutation de l’assureur militant.

[À l'occasion de l'ouverture des journées de l'Amrae, le magazine Décideurs s'est penché sur l'univers des risques en entreprise. Rencontre avec les principaux experts du secteur]. 
 

Décideurs. Comment allier la transformation digitale avec une institution historique de plus de 80 ans comme la vôtre ?

Pascal Demurger. Le plan stratégique de notre entreprise repose sur deux axes. D’un côté il y a un respect de notre identité, ce que l’on pourrait angliciser par « back to the roots », de l’autre nous sommes tournés vers l’avenir avec l’ambition de hacker notre propre modèle. Il nous paraît nécessaire de pivoter sur notre cœur d’activité, l’assurance, en intégrant les standards digitaux (l’expérience utilisateur, les données, les changements d’usages et de consommation, la prise en considération des phénomènes communautaires). Il faut aussi pivoter en développant de nouvelles activités. Demain, notre métier sera beaucoup plus large que la simple assurance. La Maif sera à terme une plate-forme de services (banque, finance, bien-être, sport …) pour contrer le tarissement de la matière assurable. Il faut enfin valoriser nos avantages concurrentiels. Nous nous sommes inscrits dans un véritable cercle vertueux. Notre turnover de clientèle est inférieur à 1 % ! L’investissement est moindre dans la conquête de clients, ce qui nous permet de consacrer davantage de ressources à l’entretien de la relation avec nos sociétaires, ce qui en retour améliore leur fidélité. En interne aussi, la politique managériale est bâtie autour de la confiance afin d’instaurer de la souplesse et une intelligence collective pour gagner en efficacité.

 

« Demain, notre métier sera beaucoup plus large que la simple assurance »

Avec l’arrivée annoncée de la voiture autonome, comment allez-vous réinventer l’assurance auto ?

Aujourd’hui, l’assurance automobile représente 60 % de notre chiffre d’affaires. Mais cette activité risque de se tarir très fortement. Par exemple, avec les véhicules autonomes, c’est jusqu’à 90 % de sinistres qui pourraient disparaître, même si les véhicules coûteront plus cher à réparer. Le véhicule autonome pourrait également entraîner une modification structurelle du marché avec la possible prise en charge de l’assurance par les constructeurs automobiles eux-mêmes. L’assuré ne sera pas nécessairement le conducteur mais pourrait devenir la société constructrice ou l’exploitant d’une flotte de véhicules. Le paysage de l’assurance passerait alors clairement du BtoC au BtoB.
 

Avec « Maif avenir » vous avez agrémenté votre activité traditionnelle d’assurance et de mutuelle d’un volet de financement de start-up innovantes et actives dans les domaines de l’économie collaborative. Pourquoi se lancer dans cette nouvelle activité ?

Historiquement, la Maif est en quelque sorte la première start-up de l’économie collaborative, nous avons donc une proximité naturelle avec ces nouveaux acteurs. La notion de partage a été au cœur de notre processus de création par une communauté d’enseignants, pour des enseignants. Ce n’est pas anecdotique. Nous sommes liés par des valeurs autant que par des raisons économiques aux jeunes entreprises innovantes que nous soutenons. Ces entreprises nous apportent une ouverture sur les transformations en cours de la société, mais c’est aussi un pari sur l’avenir. Nous n’avons pas la certitude que cette tendance perdurera, mais nous ne pouvons pas prendre le risque d’en être en dehors.


Propos recueillis par Paul Demay

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