Vingt-quatre heures après son élection, l’économiste et essayiste Marc Touati revient sur les risques réels et supposés de l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, pour l’économie américaine et l’ensemble du monde.

Décideurs. Pensez-vous que la question économique ait beaucoup joué dans l’élection de Donald Trump ?

Marc Touati. C’est certain. Les médias se sont employés à diaboliser Trump des mois durant, mais ce que veulent les Américains c’est le retour d’une dynamique économique. Un nouvel élan. Et en s’inscrivant dans la continuité de la présidence Obama qui a affaibli les États-Unis sur le plan économique, il était évident que Clinton ne pouvait insuffler cet élan. 

 

Concrètement, que va-t-il se passer ?

Il est clair que Donald Trump va renégocier les traités de libre échange mais cela ne signifie pas qu’il va les supprimer. Je pense que sur ce plan, son arrivée au pouvoir va accentuer une tendance existante et non susciter un bouleversement complet. Ce qu’il faut garder en tête désormais, c’est ce sur quoi il a basé l’essentiel de son discours de campagne : America First ! Et c’est ce qui va se passer : le nouveau président américain renégociera les accords sur certains produits de manière à s’assurer qu’ils profitent aux producteurs américains.

 

« Les médias se sont employés à diaboliser Trump, mais ce que veulent les Américains c’est un nouvel élan économique. Et il était clair que Clinton ne pouvait insuffler cet élan »

 

Faut-il s’en inquiéter ?

Pour moi le vrai enjeu économique de son élection n’est pas là mais dans le fait qu’il va très certainement favoriser un dollar faible ; et cette faiblesse du dollar aura un impact positif sur les exportations et négatifs sur les importations. L’Europe va en souffrir, c’est certain.

 

Pensez-vous qu’il existe néanmoins un risque de contagion protectionniste ?

Indéniablement, mais cette contagion a déjà commencé : la Chine et le Japon ont amorcé le  mouvement, l’élection de Trump va l’accentuer. Si les États-Unis mettent des droits de douane, d’autres le feront et on entrera dans une guerre économique dans laquelle l’Europe ne fera pas le poids, cela ne fait aucun doute. Seuls des pays comme l’Allemagne – avec des produits très qualitatifs et faiblement concurrencés (comme les machines-outils) – s’en sortiront.

 

Son programme prévoit une baisse des impôts, quel peut être l’effet d’une telle mesure ?

Pour moi c’est là que se situe le risque majeur de cette élection. Le véritable danger que représente Trump désormais ne porte pas sur la question du protectionnisme mais sur la gestion du déficit public. Avec Obama, il représente déjà  4 % du PIB. Si Trump applique son programme et baisse les impôts tout en procédant à une série d’investissements publics,  il va creuser la dette et il deviendra difficile de financer le déficit public. Le risque sera alors que les taux d’intérêt d’obligation d’État remontent, ce qui aurait pour effet de freiner l’investissement, la consommation et, au final, de casser la croissance.

 

Quel serait l’impact d’un tel scénario sur les économies européennes ?

Ce sera la double peine : entre un euro trop fort et une hausse des taux d’intérêt à long terme par effet de contagion, l’Europe sera le dindon de la farce. Le risque réel de cette élection se situe davantage dans cette perspective que dans celle d’une renégociation des accords commerciaux par les États-Unis. Même si, encore une fois, il est clair que l’exemple américain va contribuer à dédiaboliser le protectionnisme et inciter d’autres grandes puissances – le Japon, la Chine… - à accentuer un mouvement déjà amorcé dans ce sens.

 

Au final, il semblerait que, sur le plan économique, l’Europe ait plus à craindre de cette élection que les États-Unis eux-mêmes …

Effectivement. Tout comme le Brexit présente plus de risques pour l’Europe que pour la Grande-Bretagne, il en est de même pour Trump. Son élection offre un espoir de sursaut économique sur le territoire national mais aura clairement un impact négatif sur l’économie à l’international. L’élection d’Hillary Clinton aurait rassuré les marchés à court terme mais sur la durée je pense que l’effet produit aurait été pire encore.

 

Propos recueillis par Caroline Castets

 

*Marc Touati, auteur de La Fin d’un monde, paru en septembre 2016 aux éditions Hugo & Cie.

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