Marc Craquelin (La Financière de l'Echiquier) : « Les politiques Keynésiennes vont prendre le relais des banques centrales »
Décideurs. Comment expliquez-vous l'année relativement décevante des marchés actions européens ?
Marc Craquelin. En raison des incertitudes nées du risque politique, l'Europe est perçue par les investisseurs comme moins attrayante. Si le Vieux Continent n'a pas connu une croissance effrénée, celle-ci n'est cependant pas très loin de 1,6 %, soit le chiffre qui avait été anticipé par les marchés. Ce n'est donc pas tellement du côté de l'évolution du PIB que vient la déception. De ce point de vue-là, les États-Unis, avec une croissance inférieure à 2 %, sont largement en dessous des attentes.
La grande majorité des gérants nous prédisait pourtant en début d'année un retour en force des marchés européens.
Ce fut une erreur collective. Nous pensions que le momentum allait s'améliorer. Si au vu de l'évolution de la croissance européenne nos anticipations se sont avérées exactes, cela ne s'est hélas pas matérialisé sur les marchés. Les investisseurs restant sur la réserve en raison du calendrier électoral en Europe. Ce statu quo des marchés s'explique également par une décollecte massive en 2016.
Les marchés sont désormais assez résilients sur les mauvaises nouvelles
Les voyants vont-ils enfin passer au vert ?
Plusieurs signaux forts peuvent nous le faire penser. Les marchés sont désormais assez résilients sur les mauvaises nouvelles. L'annonce de l'amende de 14 milliards d'euros à l'encontre de la Deutsche Bank n'a pas eu d'effets de contagion. Si les CDS (credit default swap) de la banque allemande se sont écartés, peu de mouvements ont été constatés sur ceux des autres établissements européens. En parallèle, à l'intérieur des indices, on assiste à une rotation sectorielle avec le rebond des titres value vis-à-vis des valeurs de croissance. Ces dernières, très dépendantes du niveau des taux d’intérêt, sont pénalisées par les anticipations de remontée de taux, les investisseurs ayant fait le choix de prendre un peu de leur bénéfices sur ces positions et de les ré-allouer sur la partie mal aimée de la cote.
Quels sont vos thèmes d'investissement préférés ?
Nous sommes désormais davantage investis sur les titres value que sur les valeurs croissance, notamment au sein de notre fonds Echiquier Agressor. Nous investissons également dans le secteur de la construction, dans des entreprises comme Legrand et Saint-Gobain. Autre thème mis en exergue, celui du cycle automobile. Nous l'avons significativement renforcé après le Brexit. Vous trouverez dans nos portefeuilles Michelin ou Faurecia. Afin de tirer profit de la stabilisation des économies émergentes, nous suivons certaines entreprises du secteur du luxe, Hermès, Swatch et LVMH notamment. Enfin, nous avons repondéré en partie le secteur du pétrole et des matières premières en nous positionnant sur Vallourec et Rotork, par exemple.
Ces trois dernières années, les small et mid cap ont surperformé les large, avec moins de volatilité
Cette année semble marquer le grand retour des politiques keynésiennes. Le Japon, la Chine ou encore les États-Unis sont en train de mettre en place des politiques de relance budgétaire de grande envergure. Comment les investisseurs européens peuvent-ils en tirer profit ?
C'est un positionnement qui est moins dans l'instantané car ces politiques vont se déployer dans le temps. Des montants significatifs vont être investis pour renouveler les infrastructures vieillissantes. Ces politiques vont prendre le relais des banques centrales. Il était temps de faire autre chose. Les banques centrales ont été au bout de ce qu'elles pouvaient faire. À moyen terme, ces changements pourraient profiter aux entreprises de la construction et à d'autres secteurs de niche.
Depuis deux ans, les small et mid-cap réalisent des performances boursières bien supérieures aux grandes capitalisations. Comment l'expliquez-vous ? Cette dynamique va-t-elle perdurer ?
Historiquement, ce marché se signale lorsqu'il n'y a pas de choc majeur. Ces trois dernières années, les small et mid cap ont surperformé les large, avec moins de volatilité, un phénomène inédit. Cette performance s'explique par l'accélération de la croissance de leurs bénéfices par action. Ces titres ont également tiré profit de la multiplication des opérations de fusions et acquisitions sur ce segment de marché. Dans les mois à venir, je ne pense pas qu'il y ait de risques liés à la valorisation. En revanche, les flux vers les petites capitalisations sont nettement plus significatifs. C'est un élément à prendre en compte car cet univers d'investissement est beaucoup moins liquide que celui des grandes capitalisations.
Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurelien)