Banquier d'affaires aux multiples facettes, Jacques Ittah s'explique sur la nécessité d'encourager les partenariats entre fonds d'investissement et grands groupes tout en balayant l'idée de l'existence d'un marché de la start-up en France.

Décideurs. Vous aviez réalisé une jolie transaction en conseillant PAI lors du rachat d’AS Adventure. Quelques mois après, pouvez-vous dire que l’opération est un succès ?

Jacques Ittah. PAI a réussi un très beau deal avec AS Adventure (400 millions d'euros) et ils sortiront certainement avec un gros multiple. L’entreprise, en dépit d’un climat légèrement défavorable (son activité nécessite des saisons bien marquées), présente déjà de bons résultats. Elle a surtout pu bénéficier d’un premier build-up fortifiant avec le rachat de Snow & Rock.

Cette transaction illustre bien ma stratégie d’accompagnement des fonds. D’abord humaine, elle se fait de manière à comprendre les aspirations, les craintes, les forces et les faiblesses de mes clients, puis transactionnelle, avec la recherche du bon deal, au bon moment et avec les bonnes personnes. Si j’interviens de temps à autre sur des opportunités d’investissement ponctuelles, ma démarche est surtout conduite sur le moyen/long terme, notamment en ce qui concerne les relations entre fonds et grands corporates.

 

Décideurs. Quel est votre axe de travail précis pour développer les partenariats entre les grands groupes et les capital-investisseurs ?

J. I. Les très grandes entreprises, de type CAC 40, sont l’agrégation de centaines voire de milliers de plus petites entités. Mécaniquement, beaucoup d’entre elles ne sont pas considérées à leur juste valeur car le CEO n’a tout simplement pas le temps de les regarder. Cela signifie que les investissements réalisés dans ces firmes ne sont pas suffisants. De très belles ETI françaises devraient pouvoir sortir des grands groupes pour rejoindre des partenaires stratégiques et financiers plus attentionnés. Ces actifs non core permettraient au private equity de générer des deals primaires, de recentrer les grosses capitalisations sur leur cœur d’activité, et de contribuer à la croissance économique française par l’internationalisation dynamique de ces ETI.    

 

Décideurs. Quels sont les actifs avec lesquels créer de la valeur aujourd’hui ?

J. I. Précisons d’abord que les valorisations et le niveau d’endettement des entreprises sont revenus à leur pic de 2006-2007. La seule différence, concernant les fonds de private equity, c’est qu’ils font aujourd’hui minutieusement leur travail d’audit. Du point de vue transactionnel, il s’agit essentiellement de LBO successifs où la création de valeur en termes de TRI, plus simple à visualiser, pas nécessairement plus faible, rend le travail du GP plus dur à matérialiser. À cet égard, certains fonds deviennent des asset managers classiques. Cela étant, certains gagnent à s’intéresser aux firmes moins bien valorisées, moins « marketées », car beaucoup d’entre elles sont sorties plus agiles de la crise et n’attendent qu’un travail de restructuration et d’investissement pour décoller.

 

Décideurs. Le capital-risque a connu un certain dynamisme en France cette année. Est-ce que les conseils n’auraient pas intérêt à s’y engouffrer davantage ?

J. I. Malgré quelques belles opérations en 2015, il n’y a pas de marché de la start-up en France. Quand une jolie entreprise se présente en amorçage pour commencer à lever, il y a d’abord un problème de ticket : elle va collecter 1 million d'euros quand le même business récupèrera 5 millions d'euros à 10 millions d'euros aux États-Unis. Et pour sortir un champion, l’amorçage est l’équivalent de l’impulsion au départ d’un sprint, c’est primordial. Ensuite vient le problème des levées successives : les investisseurs entrants souhaitent remettre de l’argent dans l’entreprise, ils ne veulent pas des parts des anciens financiers. Par conséquent, le problème est de déterminer la base sur laquelle les actionnaires existants vont être dilués. La bonne réponse est celle des VCs qui investissent de A à Z, mais rares sont ceux qui en ont la capacité en France. 

 

FS

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