Hervé Marseille (sénateur) : « Jusqu’à 102 M€ d’économies »
Décideurs. Combien ont coûté les élections présidentielle et législative de 2012 ?
Hervé Marseille. Selon l’Inspection générale de l’administration (IGA), elles se chiffrent à 437 millions d’euros. Il s’agit là d’un chiffre nécessairement approximatif, mais qui donne un ordre de grandeur de la dépense électorale totale. En effet, le montant de 342 millions inscrit dans les documents budgétaires ne comptabilise pas toutes les dépenses de l’État associées aux élections, puisque les coûts relatifs au personnel du ministère de l’Intérieur mobilisé lors des scrutins sont retracés dans d’autres programmes budgétaires. C’est le cas par exemple des dépenses de personnels de police et de gendarmerie qui instruisent les demandes de vote par procuration.
Décideurs. Quelles mesures préconisez-vous pour réduire ces coûts ?
Hervé Marseille. À l’issue du contrôle budgétaire, j’ai identifié trois mesures qui pourraient permettre de réduire sensiblement le coût d’organisation des élections. Au total, cela représente 102 millions d’euros d’économies. La première, qui rapporterait 93 millions d’euros selon l’IGA, est l’expérimentation de la dématérialisation de la propagande électorale à l’occasion de l’élection présidentielle de 2017. Il s’agit des dépenses de mise sous pli, d’acheminement de la propagande ainsi que du remboursement aux candidats de leurs frais d’impression. Tout cela peut très bien être remplacé par une publication en ligne des professions de foi des candidats. Une telle mesure ne me paraît pas de nature à remettre en cause la nécessaire information égale de tous les électeurs : les candidats à l’élection présidentielle sont généralement connus de tous et sont par ailleurs très médiatisés. Il s’agirait de prévoir une campagne d’information pour prévenir les électeurs des nouvelles modalités de consultation des professions de foi des candidats. En revanche, je suis opposé à la dématérialisation de la propagande électorale s’agissant des élections locales, compte tenu de la multiplicité des candidats et du fait qu’ils ne sont souvent pas tous connus des électeurs.
La deuxième mesure, qui permettrait six millions d’euros d’économies, consiste en la suppression des bulletins de vote envoyés à chaque électeur, qui ne présentent que peu d’utilité puisqu’ils sont de toute façon disponibles dans les bureaux de vote. Enfin, je propose d’expérimenter la suppression de la carte électorale, envoyée à chaque électeur lors de son inscription. Cette mesure rapporterait trois millions d’euros. Elles ont avant tout une fonction symbolique et ne sont ni nécessaires ni suffisantes pour pouvoir voter puisque l’électeur doit obligatoirement présenter une pièce d’identité le jour du scrutin. Leur intérêt principal réside dans le fait qu’elles permettent aux électeurs de connaître le lieu de leur bureau de vote. Mais il pourrait être imaginé de prévoir une information des électeurs sur ce point par affichage du lieu de vote en mairie ou sur internet. La mairie de Paris a par exemple créé un service en ligne « Quel est votre bureau de vote ? » qui permet à chaque électeur de trouver, à partir de l’adresse de son domicile, le lieu de son bureau de vote.
Décideurs. Avez-vous constaté des dysfonctionnements dans l’organisation des élections ?
H. M. Oui. La procédure d’inscription pose problème. Dans le système actuel, chaque commune gère sa propre liste électorale et envoie ses avis d’inscription à l’Insee qui tient un fichier général des électeurs censé permettre de mettre en cohérence les différentes listes. Or, il existe des discordances importantes entre les listes communales et le fichier tenu par l’Insee. Le cumul des écarts concernerait 2,5 % du corps électoral, soit 1,1 million d’électeurs. Il est donc probable qu’il y ait des cas de double inscription sur les listes. Ces dysfonctionnements ne me semblent cependant pas en mesure de remettre en cause les résultats des élections car le risque que des électeurs votent deux fois à la même élection reste faible. Ceci conduit aussi à ce que les enveloppes de propagande électorale ou les cartes électorales ne puissent pas être délivrées, les électeurs n’habitant plus à l’adresse indiquée. Lors des élections européennes de 2014, près de trois millions d’enveloppes de propagande officielle n’ont pas pu être délivrées par La Poste. Un service qui coûte donc cher et qui n’est même pas efficace.
« Créer un répertoire unique des électeurs »
Décideurs. Comment pourrait-on améliorer le fonctionnement des élections ?
H. M. Il est possible d’améliorer l’organisation de scrutins en créant un répertoire unique des électeurs, tenu par l’Insee, et qui serait la base centrale de données dont les listes communales seraient extraites. Dans ce système, chaque électeur disposerait d’un identifiant numérique. Il conviendrait également d’achever le processus de dématérialisation du vote par procuration. Cette dématérialisation a été lancée en 2013 par le gouvernement mais peine à aboutir.
Je propose enfin d’améliorer l’information aux candidats s’agissant des modalités de remboursement de leurs dépenses de campagne. Actuellement, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a un vrai pouvoir d’appréciation sur la question de savoir si telle ou telle dépense est susceptible de faire l’objet d’un remboursement ou non. Or, sa jurisprudence est parfois contradictoire avec les informations délivrées aux candidats par les préfectures. En témoigne le nombre important de compte de campagnes réformés par la Commission à chaque élection. Je propose donc d’harmoniser les informations délivrées par la rédaction d’un nouveau guide détaillant avec précisions les dépenses relevant de dépenses électorales ou non.
Décideurs. À combien est estimé le budget des élections régionales ?
H. M. D’après le ministère de l’Intérieur, les crédits destinés à l’organisation des élections régionales en 2015 s’élèvent à 170 millions d’euros. Mais ce n’est qu’un aperçu. En effet, compte tenu du report de ces élections de mars à décembre 2015, un montant important de ses dépenses sera intégré dans l’exercice 2016, notamment le remboursement aux candidats de leurs dépenses de campagne.
Propos recueillis par V. P.