Jon Medved (Ourcrowd) : « La French Tech doit bénéficier des mêmes leviers que ceux d’Israël ou de la Silicon Valley »
Décideurs. Le capital-risque est au beau fixe dans votre pays. Comment décririez-vous l’écosystème des start-up israéliennes ?
Jon Medved. En Israël, la scène du venture est en pleine explosion. À l’heure où je vous parle, mille start-up ont reçu le soutien de fonds de capital-risque pour un montant total de presque 5 MD$. Cette somme représente 80 % des investissements de ce type en Europe. Elle est également synonyme d’une croissance de 100 % de nos aides financières en faveur des jeunes sociétés en l’espace de deux ans. Rapportées à notre population (8 millions d’habitants), il apparaît assez nettement qu’Israël est un pays aux racines entrepreneuriales.
Les start-up sont notre business national. Certains pays se concentrent sur le pétrole pendant que d’autres développent des industries lourdes ou de services. Nous avons choisi de déployer notre argent vers les jeunes entreprises implantées dans des secteurs divers et variés.
Décideurs. Pensez-vous que l’argent va continuer à affluer vers Israël ?
J. M. Bien que certaines rumeurs aient fait état d’un ralentissement prévisible des investissements directs en Israël, je pense que nous sommes toujours sur la pente ascendante. Par exemple, certains observateurs estimaient que le CEO du groupe français Orange arrêterait de nous considérer comme une priorité. Mais cela n’est pas vrai puisqu’il nous a dernièrement rendu visite et précisé qu’il augmenterait les partenariats avec nos entreprises. Aujourd’hui, ils n’ont d’ailleurs jamais été aussi élevés.
Décideurs. En parlant de la France, est-ce que vous voyez la French Tech d’un bon œil ?
J. M. Je pense que la situation française est très intéressante. Les entrepreneurs sont talentueux et les technologies à la pointe. Mais la législation est trop lourde. Je suis très sceptique à l’égard de tout pays où vous ne pouvez pas créer ou arrêter une start-up en moins de 24 heures, et où vous ne pouvez pas licencier des collaborateurs dans l’intérêt du groupe. Pour être compétitif dans le monde des start-up, vous devez bénéficier des mêmes leviers de croissance qu’en Israël ou dans la Silicon Valley. La fiscalité et le droit du travail constituent un vrai frein au développement des start-up françaises. Par conséquent, leur réussite a encore plus de mérite.
Décideurs. Pour revenir à votre activité, quel est le business model si particulier d’Ourcrowd ?
J. M. OurCrowd est la plus importante plate-forme d’equity crowndfunding au monde. Nous sommes investisseurs comme d’autres capital-risqueurs, à une différence fondamentale : nous n’avons pas de fonds mais seulement un site internet et 10 000 investisseurs internationaux. En pratique, des individus plutôt fortunés sélectionnent les start-up dans lesquelles ils souhaitent placer leur argent via notre site. Ils s’engagent au minimum pour 10 000 $. Ces deux dernières années, nous avons déployé 170 M$ à travers 80 participations. De notre côté, nous étudions entre 200 et 300 opportunités d’investissement par mois mais nous n’en concluons qu’entre 4 et 6. L’objectif d’Ourcrowd est vraiment de transformer une boutique financière refermée sur elle-même en une industrie du venture de masse. Grâce à notre plate-forme, vous pourriez très bien être l’un des investisseurs précoces de Facebook.