À moins de trois semaines de la COP21, Stanislas Pottier, directeur du développement durable du Crédit agricole SA, revient sur les grands axes suivis par la banque en matière de transition énergétique.

Décideurs. Le Crédit agricole est très impliqué dans la transition énergétique. Pourquoi ne pas prendre part de manière plus officielle à la COP21 ?

Stanislas Pottier. Nous avons effectivement reçu des propositions de la part du gouvernement mais nous avons estimé que ces contributions relevaient plus de la forme que du fonds. Nous serons néanmoins un acteur très actif lors de ce sommet en participant aux échanges et en continuant à faire évoluer notre modèle économique. Nous sommes conscients de notre rôle moteur dans la transition vers une économie décarbonnée. Au moment de la COP21, nous allons également révéler de nouveaux projets.

 

Décideurs. Selon vous, le gouvernement intervient-il trop dans la législation ?

S. P. Entre la loi NRE (Nouvelles régulations économiques), le Grenelle 2 et la transition énergétique, la France est le pays le plus avancé en matière de législation. Les entreprises françaises sont aussi parmi les plus performantes dans ce domaine. Nous sommes ainsi le premier pays à mettre en place des stress tests climat. Néanmoins, il ne faut pas que les spécificités nationales engendrent trop de distorsion de concurrence. Il est plus efficace de privilégier une approche bottom up : les entreprises françaises sont mobilisées et il faut encourager le partage des bonnes pratiques. Nous sommes capables de proposer des solutions pragmatiques pour s’engager dans la transition énergétique. C’est une source d’innovation pour les entreprises.

 

Décideurs. Quelles mesures avez-vous prises pour favoriser la transition énergétique ?

S. P. Nous avons une grande part de responsabilité en tant que banque et financeur de l’économie. Nous avons été les premiers à évaluer l’empreinte carbone induite par nos financements en 2012. Cela nous a permis d’en avoir une vision carbonée géographique et sectorielle. Sur ces sujets, le groupe continue d’affirmer son rôle de leader. Déjà premier financeur bancaire des énergies renouvelables en France, leader mondial des green bonds en euros et premier gestionnaire d’actifs à avoir mis en marche des fonds indiciels bas carbone, le Crédit agricole a également pris de nouveaux engagements. D’une part, ne plus financer de nouvelles centrales ou extension de centrales électriques au charbon dans les pays à hauts revenus, ce qui fait suite à l’engagement pris de ne plus financer de mines de charbon en mai 2015. D’autre part, introduire progressivement dans les critères d’analyse des clients de la banque de financement et d’investissement de nouvelles diligences relatives aux risques climatiques, notamment liés au prix du carbone.

 

Crédit agricole a également été la première banque commerciale à soutenir « Mainstreaming Climate Action Within Financial Institutions », initiative qui sera lancée officiellement lors de la COP21, et qui a été annoncée à l’occasion de la réunion ministérielle sur la finance climat, co-organisée par le Pérou et la France à Lima le 9 octobre 2015. Crédit agricole s’est ainsi joint à dix autres grands acteurs bancaires pour présenter cinq principes volontaires visant à toujours mieux intégrer la question climatique dans la stratégie des institutions financières.

 

Décideurs. Comment ces directives sont-elles accueillies au sein des activités ?

S. P. Nous avons parfois des échanges un peu rugueux avec les équipes sur le terrain lorsque l’on met au point toutes ces décisions. Mais c’est normal : nous leur imposons des contraintes supplémentaires alors que l’environnement économique est déjà assez compliqué. Nous nous attachons à leur dire que cela s’inscrit dans une démarche de moyen terme qui est bien souvent en adéquation avec leur intérêt de rendement. Lorsque nous indiquons que nous n’investirons plus dans de nouvelles centrales électriques à charbon dans les pays développés nous nous privons de nombreuses opportunités, mais en prenant cette décision en avance sur le marché, nous nous couvrons également du risque de dépréciation de ces actifs. Bientôt, de nombreux groupes industriels voudront se débarrasser de leurs centrales, c’est déjà le cas d’Eon. Si le développement durable est au cœur de nos stratégies, nous devons garder une approche pragmatique. C’est pourquoi nous continuons pour le moment à investir dans des centrales électriques à charbon dans les pays émergents. Ces derniers en ont encore besoin et nous préférons les accompagner pour leur conseiller les solutions les plus efficaces et qui polluent le moins, parallèlement à un rééquilibrage progressif de leur mix énergétique.

 

Décideurs. Un des autres axes que vous privilégiez est l’immobilier. Pouvez-vous revenir sur vos principales actions dans le domaine ?

S. P. Nous nous attachons d’abord à disposer de bâtiments les plus écologiques possibles. Là encore, cela peut être mal perçu puisque l’on rajoute des coûts à des budgets qui ne sont pas extensibles. Mais ces dépenses supplémentaires doivent plutôt être prises comme un investissement car ils génèrent des économies à moyen terme. Une autre dimension de l’immobilier est liée à la partie promotion, financement et investissement. Dans ce cadre-là, nous menons une réflexion plus profonde sur la manière de penser la construction. Jusqu’à maintenant la consommation d’énergie n’a été prise en compte que dans sa dimension exploitation. Or, la construction elle-même représente 60 % des émissions de CO2. Dans le cadre de l’association Bâtiment bas carbone (BBCA), dont Crédit agricole Immobilier est l’un des membres fondateurs avec des professionnels de l’immobilier et de la construction, nous avons mis en place une réflexion pour construire mieux qui aboutira à un nouveau label au printemps 2016.

 

Propos recueillis par V. P.

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