Georges Pauget, directeur général de Crédit agricole SA de 2005 à 2010, a dû faire face à la tornade financière déclenchée par la crise des subprimes. Il revient sur la stratégie et les décisio adoptées à l’époque pour la surmonter.

Georges Pauget, directeur général de Crédit agricole SA de 2005 à 2010, a dû faire face à la tornade financière déclenchée par la crise des subprimes. Il revient sur la stratégie et les décisions adoptées à l’époque pour la surmonter.

Décideurs. Pour vous, en quoi consiste le leadership ? Qu’est-ce qui distingue un leader d’un manager ?
Georges Pauget. Je n’ai pas de définition savante ou théorique, juste des convictions. Un manager n’est pas nécessairement un leader. Le manager doit conduire une action opérationnelle, alors qu’un leader doit dégager une vision commune et l’incarner dans des projets. Il conceptualise également des paramètres multiples, afin de rassembler des métiers et compétences diverses, faire le lien entre ces personnes et aider ces équipes à appréhender leur environnement : il faut leur transmettre des convictions. Il situe son équipe dans ce paysage concurrentiel et montre «?l’ennemi?». L’image du chef d’entreprise est un facteur d’unité, un fédérateur de dynamisme.

Décideurs. Avant la crise de 2007, quelle était la stratégie du Crédit agricole ?
G.?P. Nous avons défini une stratégie de groupe au début des années 2000 : nous voulions faire du Crédit agricole une banque dotée d’un socle européen et à perspective mondiale, avec la moitié de nos activités en France et l’autre moitié à l’international afin d’instaurer une dynamique de croissance suffisante. L’objectif était de maintenir un équilibre dans nos activités avec un tiers de retail, un tiers de métiers spécialisés et un tiers de banque de financement et d’investissement.
Nous avons également créé un véritable groupe en Italie en développant le réseau Retail et en créant des sociétés d’assurance-vie et d’assurance-dommages. Aujourd’hui, le groupe italien compte environ 900 agences et 15 000 salariés. Nous avons par ailleurs investi dans la banque espagnole Bankinter, seule banque de réseau au monde à réaliser la moitié de son activité sur Internet et développé notre présence en Grèce (dossier difficile aujourd’hui), en Égypte, mais aussi au Maroc.

Décideurs. En juillet?2007, la déflagration des subprimes aux États-Unis amorce les prémices d’une crise généralisée. Quelles décisions avez-vous dû prendre à ce moment-là ?
G.?P. Je dois dire que je n’ai pas vu venir la crise des subprimes, en tous les cas dans toutes ses caractéristiques et, en particulier, son ampleur. Les rapports prévoyaient un cycle baissier de l’immobilier mais certainement pas une crise majeure. Les produits subprimes étaient notés AAA et appuyés par des réhausseurs de crédit eux-mêmes notés AAA. Or, avec de telles notations et garanties, la probabilité de défaut est, sauf erreur de notation, de 1 sur 10 000. Et la chute d’un établissement bancaire de premier ordre, presque impensable ! Il était donc, début 2007, difficile d’envisager la crise.
En revanche, une fois le choc des subprimes révélé, nous avons pris les bonnes décisions, plus vite que d’autres. Lors d’un voyage aux États-Unis, j’ai pris conscience fin 2007 des toutes premières tensions pour les banques sur les marchés de capitaux. La crise des subprimes, contrairement aux appellations publiques, devenait subrepticement une crise de liquidité sourde. Pressentant que le phénomène pouvait gagner l’Europe, j’ai considéré que la priorité de Crédit agricole SA devait être de lever des fonds propres. Dès mars?2008, j’ai donc proposé au conseil d’administration d’augmenter le capital de la banque de près de 6?milliards d’euros. Cette décision a fait débat, mais a été rapidement suivie, l’opération ayant abouti en juin. Nous étions ainsi préparés au pire.
Quelques mois plus tard, la chute de Lehman (octobre?2008) a gelé les marchés qui sont l’oxygène des banques. Grâce à cette décision, et à d’autres mesures de prudence, le Crédit agricole a traversé la crise avec en permanence 40 à 50?milliards d’euros de liquidités. Nous avions les marges de manœuvre suffisantes. Une autre décision qui s’est révélée judicieuse a été de réduire massivement, dès le début 2008, notre exposition aux marchés américains et d’Europe de l’Est.

Décideurs. Dans un contexte de crise, quelles doivent être les qualités d’un décideur ?
G.?P. Pour prendre des décisions lourdes en période de crise, comme celle que nous avons traversée, il faut d’abord une capacité d’analyse, puis du courage. Il faut prendre des décisions tranchées mais surtout, il faut les assumer dans la durée. Lorsque j’ai proposé d’augmenter le capital de Crédit agricole SA, je savais cette décision difficile car dilutive. Mais nous devions ce surcroît de prudence à nos?160000 salariés. Ainsi qu’à nos clients. Le courage venait de là : faire ce qui me semblait bénéfique pour le groupe que je dirigeais et auquel je suis reconnaissant de m’avoir permis de concrétiser nos ambitions partagées.

1. Le principal trait de mon caractère : le calme.
2. La qualité que je préfère chez un individu : l’honnêteté.
3. Mon principal défaut : l’entêtement.
4. Mon idée du bonheur : que ma famille soit toujours heureuse
5. Mon héros de fiction : le commissaire Maigret.
6. Mon héros dans la vie réelle : sœur Emmanuelle.
7. Ce que je déteste par-dessus tout : l’indécision.
8. La réforme que j’estime le plus : celle de l’université.

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