Denis Metzger, président-directeur général de Chequers Capital, répond aux questions du magazine Décideurs.
Décideurs. Selon vous quelle est la stratégie gagnante d'un fonds de private equity en 2014 ?
Denis Metzger. Le private equity doit sortir des sentiers battus. L'investissement est bon s'il est original et différent de ce que les autres acteurs font. Dans ces sentiers battus, la compétition est forte et les candidats acheteurs nombreux. Il faut donc aller rechercher des situations spéciales. Si le fonds n'offre « que de l'argent », celui-ci payera sa cible au prix fort. À lui, donc, d’apporter autre chose. Plus précisément, le vendeur doit trouver un chèque dans l'enveloppe, mais surtout une solution à un problème qui lui est posé. Par ailleurs, je dirais que le fonds en 2014 doit aller jusqu'à challenger une entreprise sur ses actifs, notamment lors des réorganisations et repositionnements stratégiques. C'est dans ce type de situation que la valeur du travail d'un fonds dépasse largement celle de l'argent qu'il investit.

Décideurs. Plus largement, comment analysez-vous le marché français du private equity ?
D. M. Nous sommes au coeur d’un cycle court et non haussier. Il conviendra donc d’être modeste et prévoyant sur les mois et années à venir. Je pense qu’il ne faut pas se focaliser uniquement sur des cibles particulièrement importantes ou visibles. Je dirais, par ailleurs, que le marché du secondaire doit être envisagé avec réalisme, même pour les fonds d’une taille importante. L’histoire d’une entreprise sous LBO depuis 2007 sera moins intéressante que celle de l’industriel qui a été capable de surmonter la situation critique dans laquelle il se trouve depuis quelques années. Il faudra donc faire preuve de modestie, malgré le retour des liquidités, et se protéger en essayant au maximum de travailler sa spécialité, qu’elle soit industrielle ou géographique. Je prédis des années noires à ceux qui lèveront trop d’argent en 2014. Dans les périodes difficiles, il faut savoir adapter sa stratégie en fonction de sa capacité d’anticipation.
L’herbe ne sera, d’ailleurs, pas forcément plus verte ailleurs : le marché français a montré une performance très satisfaisante. Cela démontre que la performance n’est pas forcément corrélée au PIB et aux variations macroéconomiques. Pour moi, elle est liée à l’existence d’équipes d’expérience sur lesquelles on peut miser.

Décideurs. En tant que fonds, comment identifier et approcher ces équipes dirigeantes si cruciales dans la réussite de l’opération ?
D. M. C’est d’abord l’expérience, mais aussi la reconnaissance des acteurs du marché. C’est aussi votre process d’exécution qui va vous donner la rapidité nécessaire pour trouver avant les autres le dossier sur lequel vous voulez vous concentrer. C’est enfin le « nez » du gérant, le talent commercial, qui confirmera l’analyse financière et fera que le fonds investira dans telle ou telle équipe.

Décideurs. Le profil du gérant va-t-il lui aussi évoluer ? 
D. M.
Il ne devra certainement pas être moins financier. C’est celui qui sera le plus pointu en analyse et en finance qui l’emportera. Le challenge, aujourd’hui, est de trouver un nouveau modèle qui permette de consacrer du temps et de l’énergie à son portefeuille. Plus qu’un savoir-faire sectoriel, c’est cette capacité à être un vrai coach aux côtés de ces entreprises. Ce modèle n’est pas facile à trouver puisque nous sommes déjà impliqués dans le fonctionnement de la société de gestion. Le défi du gérant est de trouver le bon équilibre. Celui qui arrivera à le trouver pour l’Hexagone aura une longueur d’avance indéniable sur tous les autres. L’inspiration peut venir des États-Unis où les Américains ont créé, du fait de leur marché beaucoup plus large, le métier d’operating partner. Mais ces postes qui nécessitent une ultraspécialisation ne peuvent pas forcément trouver d’équivalent en France car le marché est moins profond ; on ne pourrait soutenir trente experts sectoriels exclusivement dédiés à leur marché. 

Décideurs. Le rôle des investisseurs est-il lui aussi sujet à de telles évolutions… ?
D. M.
La relation entre un GP et ses LPs s’avère stratégique. Il faut s'attacher à être accompagné par des LPs sophistiqués. Plus l’on dispose d'investisseurs de ce type, plus ceux-ci vous soutiendront dans la difficulté parce qu'ils auront compris votre modèle. La recherche d'investisseurs de long terme est donc importante et doit être constante. L'argent long terme vient souvent des fonds publics américains, arabes et asiatiques. C'est avec ce type d'interlocuteur que vous allez pouvoir construire une stratégie long-terme fondée sur la confiance. C'est en cela que le rôle de l'investisseur a évolué. Son soutien permet d'éviter d'être « ballotté » quand on arrive à la fin d'un cycle ou que l'on traverse une période complexe comme la nôtre.

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