À moins d'une semaine des élections primaires, Décideurs revient sur la situation financière du parti de l'opposition. Si les défis sont nombreux, les solutions existent.
Pour l'UMP, le changement c’est maintenant
Depuis les élections présidentielles de 2012, la situation financière de l’UMP demeure préoccupante. Décideurs a interrogé des grands noms du restructuring : s’ils ont préféré rester discrets, leurs solutions sont à la fois simples et radicales.
- Épisode 1 : Une mauvaise gestion
- Épisode 2 : Les sept mesures à prendre
- Épisode 3 : Une réogarnisation obligatoire
- Épisode 4 : Une question à... Luc Chatel, secrétaire général de l'UMP
Épisode 3 : Une réorganisation obligatoire
Première étape : la façade, avec un nouveau nom. L'appellation « UMP » est accolée à de sombres et interminables turpitudes judiciaires. Depuis quelques mois, la vie du parti bat au rythme des affaires « Bygmalion » et « Sarkozy » qui, fondées ou non, déstabilisent et décrédibilisent l’image de l’organe politique de la droite française. Changer la marque, M. Sarkozy y songe. L’ancien Président a récemment déclaré son souhait de renommer le parti après les élections départementales de mars 2015 : « Rassemblement » aurait ses faveurs.
Certains pensent qu’il faut aller encore plus loin. C’est le cas d’Arnaud Marion, P-DG de Doux et de la société spécialisée en restructuring Trans Consult International : « S’il s’agissait d’une entreprise, on lui laisserait déposer le bilan et on ferait un plan de cession en ne reprenant que les actifs et pas les passifs. » Cet avis n’est pas partagé de tous, notamment en raison des problèmes juridiques que cela poserait. « Le redressement judiciaire n’est pas une option car personne ne sait à qui incomberait la responsabilité juridique de ce passif », explique un avocat spécialisé en restructuring. « L’UMP doit être conscient qu’un changement de nom doit être accompagné d’une véritable révolution : on ne fait pas du neuf avec du vieux », précise M. Marion. Comme dans toute entreprise en difficulté, l’organisation doit être entièrement revue. L’erreur à ne pas commettre : confondre l’UMP en tant que parti au service de ses adhérents et l’échéance présidentielle de 2017.
Priorité à la base
Avant de se concentrer sur les présidentielles, l’UMP doit redéfinir une stratégie en dehors de tout contexte électoral. La priorité devrait-elle être donnée aux militants ? La multiplicité des mini-partis pourrait en effet créer une dispersion des voix favorable par exemple au Front national. L’urgence est donc de ne plus courir après les recettes issues des résultats électoraux mais bien de privilégier la construction d’une base solide de militants solidaires, qui financeront leur mouvement et se le réapproprieront. « L'erreur des partis politiques est de tuer le collectif pour mieux mettre en avant des individualités, ils confondent ligne politique et campagne électorale », analyse Arnaud Marion. À l’image de l’entreprise où le dirigeant n’est que secondaire, le parti devrait dépasser la dimension individuelle de l’homme qui l’incarne. « Malheureusement, les hommes politiques ont trop d’ego pour que ce changement se fasse », tacle sévèrement le P-DG de Doux.
L’ex-président de la République semble en tout cas opérer un virage à 360 °. Dernièrement, il a sommé le siège parisien d’arrêter d’imposer ses décisions aux fédérations. Pour donner plus de poids aux adhérents, il a promis de les laisser trancher les investitures disputées, à chaque élection locale ou nationale, en généralisant le principe de primaires dans le territoire concerné. Pour montrer que le parti a appris de ses erreurs, certains experts préconisent de dissocier la fonction exécutive du parti pour incarner une ligne gestionnaire et la fonction de candidat. Une solution collective doit émerger avec la création par exemple d’un conseil d'administration réduit incarnant une nouvelle ligne directrice.
Luc Chatel a revu le management de l’équipe centrale et le pilotage de l’entité territoriale. Un séminaire d’une journée avec un cabinet de conseil a eu lieu pour revoir l’organisation interne. Cela s’est notamment traduit par la mise en place d’un outil informatique permettant le transfert des données entre les entités régionales et le siège. Pour une PME de plus de cent salariés, il était temps.
Bien s’entourer
Comme pour toute société, le recrutement de nouveaux talents doit être une priorité. Pour Arnaud Marion, il est primordial que des personnes venues du monde de l’entreprise rejoignent l’UMP afin d’apporter leur expertise. « Aujourd’hui, le fossé entre vie publique et le monde de l’entreprise est plus grand que jamais. Il faut professionnaliser la fonction politique. Ils font des lois pour relancer la croissance économique alors qu’ils ne savent pas grand-chose du monde des entreprises. S’ils faisaient la même chose dans le domaine de la physique, on trouverait ça choquant, non ? »
Une remise en cause qui ne semble pas évidente quand on sait que 50 % des élus actuels des deux grands partis (PS et UMP) sont eux-mêmes des anciens collaborateurs d'élus et qu’ils n'ont donc jamais connu de vie professionnelle autre que politique. « Cette nouvelle façon d’appréhender la politique doit aussi passer par l'abandon des titres ronflants et inadaptés tels que "secrétaire général", "délégué général" ou encore "secrétaire national" », ajoute un banquier d’affaires. L’UMP si prompt à citer l’entreprise doit-il appliquer les recettes propres au monde du business ?
La transparence devrait aussi s’imposer progressivement comme un élément clé de la nouvelle gestion. Et c’est même la priorité. Nicolas Sarkozy en a bien conscience. Il a récemment proposé la constitution d’une commission financière pour contrôler les dépenses de l’UMP. Mais là encore, l’obscurité règne, comme l’a montré Complément d’enquête dans son émission du 13 novembre dernier. Dans le reportage, l’ancien Président proposait en effet à un militant – qui souhaitait l’interroger sur l’affaire Bygmalion lors d’un meeting – un poste en échange de son silence : « Si je suis élu à la présidence de l'UMP (...), vous serez nommé dans la commission financière. (...) Vous serez dans le petit groupe où on va mettre quatre ou cinq personnes, dont un représentant des militants, je vous propose de l'être. OK ? » Le changement n’est donc pas encore arrivé à l’UMP. Mais si le parti aspire à gouverner demain la France, il faudra bien que ses futurs dirigeants balaient devant leur porte pour être à nouveau crédibles…
Pour découvrir l'interview de Luc Chatel, cliquez sur le lien.
- Épisode 1 : Une mauvaise gestion
- Épisode 2 : Les sept mesures à prendre
- Épisode 3 : Une réogarnisation obligatoire
- Épisode 4 : Une question à... Luc Chatel, secrétaire général de l'UMP
Épisode 3 : Une réorganisation obligatoire
Première étape : la façade, avec un nouveau nom. L'appellation « UMP » est accolée à de sombres et interminables turpitudes judiciaires. Depuis quelques mois, la vie du parti bat au rythme des affaires « Bygmalion » et « Sarkozy » qui, fondées ou non, déstabilisent et décrédibilisent l’image de l’organe politique de la droite française. Changer la marque, M. Sarkozy y songe. L’ancien Président a récemment déclaré son souhait de renommer le parti après les élections départementales de mars 2015 : « Rassemblement » aurait ses faveurs.
Certains pensent qu’il faut aller encore plus loin. C’est le cas d’Arnaud Marion, P-DG de Doux et de la société spécialisée en restructuring Trans Consult International : « S’il s’agissait d’une entreprise, on lui laisserait déposer le bilan et on ferait un plan de cession en ne reprenant que les actifs et pas les passifs. » Cet avis n’est pas partagé de tous, notamment en raison des problèmes juridiques que cela poserait. « Le redressement judiciaire n’est pas une option car personne ne sait à qui incomberait la responsabilité juridique de ce passif », explique un avocat spécialisé en restructuring. « L’UMP doit être conscient qu’un changement de nom doit être accompagné d’une véritable révolution : on ne fait pas du neuf avec du vieux », précise M. Marion. Comme dans toute entreprise en difficulté, l’organisation doit être entièrement revue. L’erreur à ne pas commettre : confondre l’UMP en tant que parti au service de ses adhérents et l’échéance présidentielle de 2017.
Priorité à la base
Avant de se concentrer sur les présidentielles, l’UMP doit redéfinir une stratégie en dehors de tout contexte électoral. La priorité devrait-elle être donnée aux militants ? La multiplicité des mini-partis pourrait en effet créer une dispersion des voix favorable par exemple au Front national. L’urgence est donc de ne plus courir après les recettes issues des résultats électoraux mais bien de privilégier la construction d’une base solide de militants solidaires, qui financeront leur mouvement et se le réapproprieront. « L'erreur des partis politiques est de tuer le collectif pour mieux mettre en avant des individualités, ils confondent ligne politique et campagne électorale », analyse Arnaud Marion. À l’image de l’entreprise où le dirigeant n’est que secondaire, le parti devrait dépasser la dimension individuelle de l’homme qui l’incarne. « Malheureusement, les hommes politiques ont trop d’ego pour que ce changement se fasse », tacle sévèrement le P-DG de Doux.
L’ex-président de la République semble en tout cas opérer un virage à 360 °. Dernièrement, il a sommé le siège parisien d’arrêter d’imposer ses décisions aux fédérations. Pour donner plus de poids aux adhérents, il a promis de les laisser trancher les investitures disputées, à chaque élection locale ou nationale, en généralisant le principe de primaires dans le territoire concerné. Pour montrer que le parti a appris de ses erreurs, certains experts préconisent de dissocier la fonction exécutive du parti pour incarner une ligne gestionnaire et la fonction de candidat. Une solution collective doit émerger avec la création par exemple d’un conseil d'administration réduit incarnant une nouvelle ligne directrice.
Luc Chatel a revu le management de l’équipe centrale et le pilotage de l’entité territoriale. Un séminaire d’une journée avec un cabinet de conseil a eu lieu pour revoir l’organisation interne. Cela s’est notamment traduit par la mise en place d’un outil informatique permettant le transfert des données entre les entités régionales et le siège. Pour une PME de plus de cent salariés, il était temps.
Bien s’entourer
Comme pour toute société, le recrutement de nouveaux talents doit être une priorité. Pour Arnaud Marion, il est primordial que des personnes venues du monde de l’entreprise rejoignent l’UMP afin d’apporter leur expertise. « Aujourd’hui, le fossé entre vie publique et le monde de l’entreprise est plus grand que jamais. Il faut professionnaliser la fonction politique. Ils font des lois pour relancer la croissance économique alors qu’ils ne savent pas grand-chose du monde des entreprises. S’ils faisaient la même chose dans le domaine de la physique, on trouverait ça choquant, non ? »
Une remise en cause qui ne semble pas évidente quand on sait que 50 % des élus actuels des deux grands partis (PS et UMP) sont eux-mêmes des anciens collaborateurs d'élus et qu’ils n'ont donc jamais connu de vie professionnelle autre que politique. « Cette nouvelle façon d’appréhender la politique doit aussi passer par l'abandon des titres ronflants et inadaptés tels que "secrétaire général", "délégué général" ou encore "secrétaire national" », ajoute un banquier d’affaires. L’UMP si prompt à citer l’entreprise doit-il appliquer les recettes propres au monde du business ?
La transparence devrait aussi s’imposer progressivement comme un élément clé de la nouvelle gestion. Et c’est même la priorité. Nicolas Sarkozy en a bien conscience. Il a récemment proposé la constitution d’une commission financière pour contrôler les dépenses de l’UMP. Mais là encore, l’obscurité règne, comme l’a montré Complément d’enquête dans son émission du 13 novembre dernier. Dans le reportage, l’ancien Président proposait en effet à un militant – qui souhaitait l’interroger sur l’affaire Bygmalion lors d’un meeting – un poste en échange de son silence : « Si je suis élu à la présidence de l'UMP (...), vous serez nommé dans la commission financière. (...) Vous serez dans le petit groupe où on va mettre quatre ou cinq personnes, dont un représentant des militants, je vous propose de l'être. OK ? » Le changement n’est donc pas encore arrivé à l’UMP. Mais si le parti aspire à gouverner demain la France, il faudra bien que ses futurs dirigeants balaient devant leur porte pour être à nouveau crédibles…
Pour découvrir l'interview de Luc Chatel, cliquez sur le lien.