Un marché du M&A de plus en plus segmenté
Décideurs. Avec le durcissement actuel des conditions de financement, le modèle du capital-investissement tel qu’il existe aujourd’hui est-il menacé ?
Virginie Lazès. Les difficultés actuelles sont essentiellement dues à des excès passés. Le problème pour certains fonds de private equity, c’est d’avoir acheté trop cher des entreprises et d’avoir mis trop de levier dans le montage financier. Or si le levier est raisonnable, la performance est mécaniquement au rendez-vous. Il est vrai qu’un grand nombre de fonds d’investissement ne réussiront pas leur prochaine levée. D’abord parce qu’il y a moins d’argent alloué par les banques et les assureurs à cette classe d’actifs. Ensuite parce que certains fonds n’ont pas de résultats à la hauteur des attentes des investisseurs institutionnels. Je pense qu’on va assister à un flight to quality. Le modèle du LBO va perdurer car il est efficace, lorsque bien mis en œuvre mais le financement ne sera plus accessible qu’aux fonds ayant fait leurs preuves ces dernières années. Il faut donc s’attendre à une stagnation du marché du LBO. La menace pèse en revanche sur le capital-risque. Avec la fin des niches fiscales, cette activité va inévitablement être en baisse. C’est un marché très spécifique qui restera à la hauteur de sa complexité, ce que l’on peut déplorer pour l’innovation en France.

Décideurs. Le marché du capital-développement va-t-il connaître le même sort ?
V. L.
Le capital-développement restera attractif car les entreprises ont besoin de cash pour financer leur croissance. Les banques seront moins présentes pour accorder du financement bancaire. Le modèle du capital développement est moins risqué que celui du capital risque, donc plus stable.

Décideurs. Bryan Garnier opère beaucoup sur la santé, les technologies, médias et télécommunications (TMT), ainsi que sur le luxe, comment anticipez-vous l’évolution de ces marchés en 2012 ?
V. L.
Concernant l’Internet, nous devrions observer une vague d’opérations dans l’e-commerce. De nombreuses entreprises du secteur arrivent en effet à maturité, et un rapprochement va s’effectuer avec des grands groupes qui souhaitent accéder au marché online. Le secteur de la santé, sur lequel nous sommes bien présents, devrait également être très actif. De nombreuses sociétés de biotechnologie devraient se faire racheter. L’industrie pharmaceutique est en pleine recomposition et l’expiration prochaine de nombreux brevets risque de changer la donne. Mais avec l’évolution démographique actuelle, la croissance sous-jacente est très forte dans le domaine de la santé. Il faut s’attendre à de véritables secousses systémiques dans ce secteur ! Quant au marché du luxe, il est porté par les pays émergents et nous assistons à une explosion des opérations de M&A le concernant.

Décideurs. Concernant les pays émergents, la notion de Bric est-elle pertinente sur le marché du M&A ?
V. L
. Il existe des différences fondamentales entre les quatre pays qui sont regroupés sous cet acronyme. La Chine a certes une croissance très importante, mais la recherche de partenaires locaux fiables reste problématique. Outre l’aspect culturel, les contraintes légales et réglementaires sont lourdes. Les opportunités sont également nombreuses en Inde et au Brésil, avec des marchés beaucoup plus accessibles, culturellement et techniquement. Quant à la Russie, la croissance y est très nettement inférieure.


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