Le montant total des fonds gérés par les banques françaises et exposés aux matières premières agricoles s'élève à au moins 3,6 milliards d'euros.
Dans son rapport, l’ONG Oxfam France revient sur les banques françaises qui proposent à leurs clients des outils permettant de spéculer sur les prix des matières premières agricoles. Trois groupes bancaires sont concernés : BNP Paribas, Société générale et BPCE via Natixis. Bien que ces dernières s’étaient engagées à réduire la voilure après la dernière étude parue en 2013, les chiffres montrent qu’il n’en est rien. En 2014, le montant total des fonds s'élève à au moins 3,6 milliards d'euros, contre 2,6 milliards d'euros deux ans auparavant

1,4 milliard d’euros pour la Société générale

Avec un montant total de fonds actifs estimés à 1,4 milliard d’euros, la Société générale est la plus exposée. Paradoxalement, c’est elle qui a été la plus transparente (cf. interview ci-dessous) et qui a tenu ses promesses en respectant ses engagements de non ouverture de nouveaux fonds. BNP Paribas totalise onze fonds pour un montant de 1,3 milliard d'euros en 2013. Quant au groupe BPCE, il gère un unique fonds de 884 millions d’euros. Le Crédit agricole apparaît comme le bon élève puisqu’il semble avoir cessé toute activité spéculative.

« Nous revendiquons une interdiction systématique de ces produits toxiques »

Trois questions à Clara Jamart, auteure de l’étude pour Oxfam France.

Décideurs. Quelle a été la méthodologie employée ?
Clara Jamart.
Nous avons travaillé avec le cabinet néerlandais d'expertise financière Profundo. Nous nous sommes concentrés sur l’ensemble des banques françaises : ces chiffres prennent en compte les fonds que ces dernières gèrent en direct et ceux qui sont confiés à des sociétés de gestion. En raison de l’opacité du secteur, il nous a été difficile de déterminer exactement les expositions de chaque fonds aux matières agricoles. Seule la Société générale a accepté de jouer le jeu de la transparence et de fournir les données qui nous ont permis de calculer le montant total et le taux d'exposition précis de ses fonds aux matières premières agricoles. Ce qui explique peut-être en partie pourquoi elle se retrouve avec le montant le plus élevé. C'est aussi la raison pour laquelle nous n'avons pas voulu, cette année, faire un classement formel des banques : si les chiffres publiés pour la Société générale sont absolument sûrs, les chiffres mis en avant pour BNP Paribas constituent uniquement une estimation basse.

Décideurs. Quel impact ont les fonds indiciels sur le prix final des matières agricoles ?
C. J.
Si tout le monde est unanime pour dire que la spéculation sur les matières agricoles entraîne une hausse des prix, il reste difficile de la chiffrer, car on ne peut pas isoler tous les facteurs qui interviennent dans la fixation des cours. Néanmoins, cela ne veut pas dire que nous ne devons pas agir. Dès 2012, les Nations unies ont indiqué qu’il fallait appliquer le principe de précaution et limiter l’influence des fonds spéculatifs.

Décideurs. Selon vous, quelles mesures faut-il prendre ?
C. J.
Avant tout, il faut bien distinguer les marchés dérivés classiques et les fonds indiciels. Les premiers sont nécessaires au secteur car ils permettent aux agriculteurs de se couvrir contre les risques liés à leur métier. C’est pourquoi nous souhaitons seulement réguler ces pratiques en mettant en place des limites sur les prises de position. En revanche, les seconds n’ont aucun rôle de couverture. Cela permet seulement aux clients de spéculer à la hausse sans aucune contrepartie de vente. Nous revendiquons une interdiction systématique de ces produits toxiques.

Propos recueillis par V.P.

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