Professeur d’économie à Paris-Dauphine, Pascal Salin les accuse « d'entretenir de fausses informations ».
Pascal Salin: « La source majeure d’instabilité, c’est l’État et les politiques monétaires »
Décideurs. La politique de la BCE a fait baisser le coût de financement des entreprises, peut-on l’interpréter comme un signe de retour à une bonne santé financière ?
Pascal Salin. La baisse du taux d’intérêt est artificielle et ne change pas fondamentalement l’économie réelle (si ce n'est qu'elle introduit des distorsions). Il faut s’interroger sur les causes des problèmes. De ce point de vue-là, il y a deux choses : une stagnation ou quasi-stagnation depuis plusieurs décennies, et un taux de chômage élevé qui a continuellement augmenté depuis les années 1980. Là-dessus est venue se greffer la crise financière, qui a aggravé la situation. C’est sur la crise de long terme qu’il faut s’interroger. Des réponses peuvent être trouvées dans ce qu’on appelle l’économie des incitations. L’État français les a tuées par la fiscalité et par les réglementations. L’illusion est de penser qu’en faisant une politique monétaire active décorrélée de la véritable offre et demande de fonds prêtables, nous pouvons obtenir de la croissance. S’il n’y a pas d’incitations à investir dans l’économie réelle, les gens ne le feront pas même si le taux d’intérêt est faible.
Décideurs. L’inflation des actifs financiers est-elle le signe de cette expansion monétaire ? Peut-on parler de bulle ?
P. S. Effectivement on constate actuellement qu’il y a un début de bulle financière. La création monétaire extraordinaire pratiquée aux États-Unis et en Europe ne se traduit pas immédiatement par ce qu’on appelle couramment l’inflation, c’est-à-dire l’augmentation des prix des biens à la consommation. Elle se traduit d’abord par une augmentation du prix des actifs. Il existe en principe deux raisons possibles pour expliquer une augmentation de ce prix. L’une est que l’on prévoit une amélioration de la productivité et des rendements, donc des placements financiers réalisés dans les secteurs cibles. L’autre raison tient aux liquidités créées artificiellement, ce qui est le cas actuel. Elles se déversent dans des actifs financiers dans la mesure où, précisément, il n’existe pas d’incitations réelles à placer ces liquidités supplémentaires dans l’économie. Ce n’est donc pas en soi un signe de bonne santé. Les prix des actifs dépassent nettement le rattrapage post-crise et beaucoup d’indices ne semblent pas en phase avec des phénomènes réels.
Décideurs. Dans quelle mesure cela peut-il jouer pour une stratégie de fusions-acquisitions ?
P. S. Le problème est qu’on ne sait pas comment vont évoluer les prix des actifs. Cela dépend de la politique monétaire, mais personne ne connaît celle qui sera menée l’an prochain ou dans deux ans. Le préjugé favorable à l’expansion monétaire persiste et la croissance ne sera pas revenue dans une bonne partie des pays européens. Il est donc probable que la politique actuelle continue et que par conséquent la bulle financière va se développer. Le vrai problème de l’économie aujourd’hui c’est la compensation de l’insuffisance de fonds propres par des crédits artificiels d'origine monétaire et créateurs de distorsions. Il serait souhaitable de retrouver une économie de fonds propres comme c’était le cas aux XVIIIe et XIXe siècles. Pour cela, il faudrait une fiscalité du capital qui soit plus allégée. L’effort d’épargne est extrêmement pénalisé, et c’est au niveau de la décision individuelle qu’il faut changer les choses.
Décideurs. Comment contourner les illusions de prix induites par la politique monétaire ? Quels conseils donneriez-vous ?
P. S. La difficulté est qu’on ne connaît pas les prix qui devraient prévaloir. La dernière crise a été une histoire d’illusions créées par l’instabilité de la politique monétaire. Les gens ont cru, par exemple, que l’immobilier allait continuellement augmenter. S’ils avaient fait un peu plus de théorie économique (et plus précisément ce qu'on appelle "l'économie autrichienne"), ils se seraient rendu compte que c’était factice. En économie, la théorie est ce qu’il y a de plus pratique. Pour un entrepreneur, c’est très difficile de savoir quels devraient être les prix relatifs de long terme. Il y a quelques indications larges comme l’idée qu’il peut y avoir une survalorisation sur certains actifs financiers et biens d’investissement, mais il est difficile d’entrer plus dans le détail. À notre époque la source majeure d’instabilité économique, c’est l’État et les politiques monétaires, car ils entretiennent de fausses informations.
Pascal Salin. La baisse du taux d’intérêt est artificielle et ne change pas fondamentalement l’économie réelle (si ce n'est qu'elle introduit des distorsions). Il faut s’interroger sur les causes des problèmes. De ce point de vue-là, il y a deux choses : une stagnation ou quasi-stagnation depuis plusieurs décennies, et un taux de chômage élevé qui a continuellement augmenté depuis les années 1980. Là-dessus est venue se greffer la crise financière, qui a aggravé la situation. C’est sur la crise de long terme qu’il faut s’interroger. Des réponses peuvent être trouvées dans ce qu’on appelle l’économie des incitations. L’État français les a tuées par la fiscalité et par les réglementations. L’illusion est de penser qu’en faisant une politique monétaire active décorrélée de la véritable offre et demande de fonds prêtables, nous pouvons obtenir de la croissance. S’il n’y a pas d’incitations à investir dans l’économie réelle, les gens ne le feront pas même si le taux d’intérêt est faible.
Décideurs. L’inflation des actifs financiers est-elle le signe de cette expansion monétaire ? Peut-on parler de bulle ?
P. S. Effectivement on constate actuellement qu’il y a un début de bulle financière. La création monétaire extraordinaire pratiquée aux États-Unis et en Europe ne se traduit pas immédiatement par ce qu’on appelle couramment l’inflation, c’est-à-dire l’augmentation des prix des biens à la consommation. Elle se traduit d’abord par une augmentation du prix des actifs. Il existe en principe deux raisons possibles pour expliquer une augmentation de ce prix. L’une est que l’on prévoit une amélioration de la productivité et des rendements, donc des placements financiers réalisés dans les secteurs cibles. L’autre raison tient aux liquidités créées artificiellement, ce qui est le cas actuel. Elles se déversent dans des actifs financiers dans la mesure où, précisément, il n’existe pas d’incitations réelles à placer ces liquidités supplémentaires dans l’économie. Ce n’est donc pas en soi un signe de bonne santé. Les prix des actifs dépassent nettement le rattrapage post-crise et beaucoup d’indices ne semblent pas en phase avec des phénomènes réels.
Décideurs. Dans quelle mesure cela peut-il jouer pour une stratégie de fusions-acquisitions ?
P. S. Le problème est qu’on ne sait pas comment vont évoluer les prix des actifs. Cela dépend de la politique monétaire, mais personne ne connaît celle qui sera menée l’an prochain ou dans deux ans. Le préjugé favorable à l’expansion monétaire persiste et la croissance ne sera pas revenue dans une bonne partie des pays européens. Il est donc probable que la politique actuelle continue et que par conséquent la bulle financière va se développer. Le vrai problème de l’économie aujourd’hui c’est la compensation de l’insuffisance de fonds propres par des crédits artificiels d'origine monétaire et créateurs de distorsions. Il serait souhaitable de retrouver une économie de fonds propres comme c’était le cas aux XVIIIe et XIXe siècles. Pour cela, il faudrait une fiscalité du capital qui soit plus allégée. L’effort d’épargne est extrêmement pénalisé, et c’est au niveau de la décision individuelle qu’il faut changer les choses.
Décideurs. Comment contourner les illusions de prix induites par la politique monétaire ? Quels conseils donneriez-vous ?
P. S. La difficulté est qu’on ne connaît pas les prix qui devraient prévaloir. La dernière crise a été une histoire d’illusions créées par l’instabilité de la politique monétaire. Les gens ont cru, par exemple, que l’immobilier allait continuellement augmenter. S’ils avaient fait un peu plus de théorie économique (et plus précisément ce qu'on appelle "l'économie autrichienne"), ils se seraient rendu compte que c’était factice. En économie, la théorie est ce qu’il y a de plus pratique. Pour un entrepreneur, c’est très difficile de savoir quels devraient être les prix relatifs de long terme. Il y a quelques indications larges comme l’idée qu’il peut y avoir une survalorisation sur certains actifs financiers et biens d’investissement, mais il est difficile d’entrer plus dans le détail. À notre époque la source majeure d’instabilité économique, c’est l’État et les politiques monétaires, car ils entretiennent de fausses informations.