La fixation du prix dans les introductions en Bourse
L’AMF a assoupli en 2009 ses principes d’encadrement du prix d’introduction en bourse, en s’appuyant sur la directive prospectus. En période de forte volatilité des marchés, les introductions en Bourse de Medica, AB Science et Neovacs ont démontré l’utilité de ces mesures.
En témoigne une analyse des premiers cas de mise en œuvre de cette position.
Par sa position du 30 juin 2009, l’AMF tente de concilier ses règles en matière de fixation du prix d’introduction, formalisées en 2002(1), avec la demande de flexibilité des marchés. Après un rappel des textes, on en examinera les premières illustrations.
DES TEXTES PRECIS
Directive prospectus (art. 8.1)(2)
En principe, le prospectus doit contenir le prix de l’offre et le nombre de titres offerts. A défaut, il doit mentionner :
- soit les critères/conditions de détermination du prix et du nombre définitifs des actions offertes,
- soit leur prix maximum d’acquisition/souscription.
Lorsque les prix et nombre définitifs des actions offertes sont déterminés, ils doivent faire l’objet d’un dépôt à l’AMF(3) et d’une information du marché par communiqué, diffusé comme le prospectus.
Si le prospectus ne contenait ni les prix et nombre définitifs d’actions offertes, ni les conditions de détermination de ces paramètres, ni le prix maximum de l’offre, la publication des termes définitifs de l’offre entraîne l’ouverture d’une période de révocabilité des ordres, d’une durée minimum de deux jours de bourse.
L’article 8.1 est fidèlement transposé à l’article 212-17 du règlement général de l’AMF.
Position AMF du 30 juin 2009
Celle-ci ne répond qu’à trois questions :
1. quelle est l’amplitude maximum de la fourchette de prix d’introduction ?
2. quand faut-il un visa en cas de fixation du prix hors fourchette ?
3. les ordres sont-ils révocables en cas de révision de la fourchette ?
1. L’AMF accepte désormais un maximum de +/-10 % autour d’un cours pivot. En 2002, le maximum était de +/-7,5 % pour les opérations primaires et mixtes. Pour les opérations purement secondaires, l’amplitude pouvait atteindre 25 %, voire plus pour des opérations exceptionnelles. Cela devrait rester la règle, la position de 2009 ne revenant pas sur ce point. Pourtant, l’introduction en bourse de CFAO, exclusivement secondaire, s’est faite sur la base d’une fourchette de moins de 20 %, alors que les émetteurs optent généralement pour la plus grande latitude permise par l’AMF.
2. En termes de visa, l’AMF énonce que :
- si le prospectus le précise, la borne basse de la fourchette peut être indicative. Donc si le prix des titres offerts est fixé en-deçà de la limite basse :
• il peut être publié par simple communiqué (pas de nouveau visa) si cela n’a pas d’impact significatif sur les autres paramètres de l’offre décrits dans le prospectus,
• à défaut, un nouveau visa est nécessaire.
- Faute de précision, la borne basse de la fourchette est impérative (nouveau visa en cas de fixation du prix en-deçà). Ce caractère impératif ne présentant aucun avantage, on voit mal un émetteur se priver de cette faculté et aucun ne l’a fait depuis juin 2009.
- La borne haute de la fourchette peut être indicative. Cela revient à dire qu’une fourchette indicative, encadrant la méthode de fixation du prix généralement décrite dans les prospectus (construction d’un livre d’ordres), est nécessaire pour répondre à la notion de « conditions de détermination du prix » de la directive. Cette construction a l’avantage de rendre conciliables les textes de l’AMF et de l’UE et explique pourquoi l’AMF accepte un prix fixé au-dessus de la fourchette sans visa complémentaire (cf. infra), avec révocabilité des ordres.(4)
- La borne haute de la fourchette peut être impérative, elle correspond alors au prix maximum de la directive, et ne doit pas se situer à plus de 10 % au-dessus du prix médian de la fourchette. Mais annoncer un prix maximum ne dispensant pas, selon l’AMF, de prévoir une fourchette, on voit mal un émetteur se contraindre par un prix maximum et aucun ne l’a fait depuis juin 2009.
3. Les investisseurs doivent pouvoir révoquer leurs ordres pendant au moins deux jours de bourse si la fourchette de prix est modifiée(5). On peut s’étonner de cette confirmation par l’AMF de sa doctrine de 2002, la révocabilité forcée de la directive découlant de la publication des paramètres définitifs (et non d’une révision de la fourchette indicative) de l’offre, si ni le prix maximum ni les conditions de détermination du prix définitif ne figuraient dans le prospectus. La directive étant d’harmonisation maximale, cette pratique est discutable mais elle simplifie la réalisation des opérations.
UNE REELLE SOUPLESSE PRATIQUE
Depuis juin 2009, la quasi-totalité des prospectus d’introduction retient une fourchette indicative et la révocabilité des ordres en cas de modification. La flexibilité est réelle : dans deux cas sur trois (une fixation du prix en-deçà de la fourchette et un abaissement de fourchette), aucun visa n’a été nécessaire car l’AMF n’a pas relevé d’impact significatif sur les autres paramètres de l’offre. A titre d’exemple de ces paramètres, la position de 2009 cite les raisons de l’offre et l’utilisation du produit. On ajoutera la dilution pour l’actionnaire existant, qui était citée en 2002. Un émetteur cherchant à maintenir le niveau de fonds levés en augmentant le nombre de titres émis sera donc limité par le risque d’augmentation significative de la dilution.
CONCLUSION
Pour éviter un nouveau visa, les émetteurs peuvent notamment :
- en amont, rédiger les sections de la note d’opération sur les raisons de l’offre et l’utilisation du produit de telle sorte qu’une réduction du produit n’en altère pas la présentation (par exemple, en indiquant à quel objectif serait affecté en priorité le produit de l’émission en cas de réduction),
- en cas de difficulté lors de la fixation du prix, préserver autant que possible le montant (annoncé) des fonds levés, en augmentant le nombre de titres émis (Medica), sous réserve de l’absence d’impact significatif sur la dilution, ou en réduisant uniquement ou essentiellement la part secondaire de l’offre (AB Science) pour les opérations mixtes. Cela suppose que la note d’opération ne prévoit pas un nouveau visa et des ordres révocables pour toute modification des paramètres de l’offre(6). Dans ce cas, la question de l’impact significatif ne se pose pas, un nouveau visa sera exigé.
Juin 2010
1 Bull COB n°370 et RA COB 1999 p 71.
2 Directive 2003/71/CE, 4 nov 2003.
3 Communiqué fixant les paramètres définitifs transmis à l’AMF avant publication.
4 Elle n’explique pas pourquoi l’AMF exige prix maximum et fourchette (cf. infra).
5 Si la modification intervient moins de 2 jours avant la date de clôture de l’offre, celle-ci est décalée d’autant afin que les investisseurs disposent de ce minimum.
6 Deux notes d’opération le font, peut-être à la demande de l’AMF.