Laureen Kouassi-Olsson (Amethis Finance): « On ne peut investir durablement en Afrique si l’on n’y est pas implanté»
Décideurs. Vous venez de créer le fonds Amethis West Africa. Pourquoi avoir décidé de le localiser à Abidjan (Côte d’Ivoire) ?
Laureen Kouassi-Olsson. Cette implantation traduit notre volonté d’une approche purement africaine car on ne peut investir durablement sur ce continent si l’on n’y est pas implanté. Nous avons pris appui sur l’Afrique francophone avec laquelle nous entretenons des liens historiques, et nous avons choisi la Côte d’Ivoire, en raison du rôle de locomotive qu’elle exerce sur les économies des pays de la zone UEMOA. Mais nous ouvrirons également une représentation à Nairobi, au Kenya, d’ici 2016. Et la création du fonds repose aussi sur la nécessité d’optimiser les ressources financières des zones UEMOA et Cemac et de les injecter dans les circuits productifs.
Décideurs. Quels sont les objectifs de ce fonds ?
L. K.- O. En vertu de la réglementation, assez contraignante, de la zone franc (CFA), l’épargne détenue par les compagnies d’assurance, les caisses de retraite et les autres institutions de la zone ne peut être investie en dehors de celle-ci. Avec la création d’Amethis West Africa, véritable innovation financière et véhicule d’investissement, les acteurs locaux - voire régionaux - peuvent ainsi drainer l’épargne locale, irriguer l’économie réelle et favoriser la croissance dans la zone.
Il s’agit d’encourager les institutions régionales détentrices de la liquidité monétaire à participer à l’aventure Amethis West Africa en développant l’effet catalyseur de l’industrie du private equity. Amethis développe une stratégie basée sur l’investissement de long terme, avec une approche temporelle différente des autres fonds (Helios Investment Partners, Carlyle, ECP…). Ce fonds favorise également une prise de participation minoritaire aux côtés d’investisseurs privés et institutionnels.
Notre intérêt consiste à renforcer les capacités de l’équipe managériale des sociétés dans lesquelles nous investissons et à assurer l’expansion de leurs activités. Nous acceptons de faire face à certains risques politiques et économiques inhérents aux géographies dans lesquelles nous investissons.
Décideurs. D’où vient cette frénésie pour le développement de l’industrie du private equity en Afrique ?
L. K.- O. Les réformes règlementaires sur le continent, comme celle de l’Acte Uniforme Ohada introduisant la variabilité du capital en droit des sociétés commerciales, constituent une véritable révolution pour les pays des zones UEMOA et Cemac. À cela s’ajoutent le désendettement des États et l’amélioration notable de la gouvernance. Même si les réformes sont parfois lentes et insuffisantes, elles ont favorisé un autre type d’approche, davantage basée sur le partenariat, avec le private equity. La forte croissance de l’ensemble du continent est portée par des facteurs endogènes. L’émergence d’une classe moyenne, la complexification des besoins de consommation et le dynamisme du secteur privé attisent également l’intérêt des acteurs du private equity. Enfin, l’apparition d’acteurs stratégiques, comme les grands groupes industriels investissant dans les infrastructures, explique également cet engouement.
Décideurs. L’augmentation de l’investissement privé en Afrique favorise-t-il de nouveaux rapports avec les institutions financières du développement ?
L. K.- O. Les bailleurs de fonds traditionnels sont entrés dans une phase de relation plus équilibrée avec les États africains. L’afflux de capitaux privés en Afrique a modifié certains rapports. Les fonds de private equity viennent en complément de l’aide classique, qui a tendance à stagner voire à diminuer. Les institutions financières de développement jouent un rôle d’arbitre et de catalyseur pour les investissements. Elles sont avant tout garantes du respect des meilleurs standards internationaux. Elles rééquilibrent les fondamentaux et pallient les distorsions du marché.
Propos recueillis par André-Franck Ahoyo & Elodie Sigaux