Par Denis Marcadet, président. Vendôme Associés
Lettre ouverte à la banque de financement et d'investissement
Il fut un temps très proche où la finance attirait massivement les jeunes et moins jeunes diplômés…
La banque de financement et d’investissement (BFI) était l’objet de toutes les convoitises. Un attrait justifié par l’accessibilité à des gains rapides et très significatifs, des promotions hiérarchiques aisées liées aux performances et une grande diversité de métiers en permanente évolution. Tout cela conjugué au sentiment d’adhérer à un club voire, pour certains un statut social, dans un environnement entrepreneurial et mondial.
C’était la fin du siècle dernier et le début des années 2000… Des années pour la BFI fertiles en matière d’emplois, de création de nouveaux produits et de lignes métiers. L’apparition régulière de nouveaux acteurs contribuait à déployer un marché toujours avide de talents et de producteurs aguerris. La finance de marché pilotait ses propres développements, générait ses propres emplois, soutenue par les écoles et universités qui déploient des formations thématiques. Tant côté marchés que financements une hyperspécialisation métier s’est de fait développée avec comme corollaire un package salarial incitatif et un cloisonnement de ses praticiens dans leur discipline. Envisager une mobilité fonctionnelle vers d’autres filières est de fait devenu quasi impossible : on part simplement faire la même chose ailleurs et relever un nouveau défi, pour au passage accroître sa rémunération. L’employabilité est rarement un sujet, le marché est liquide et l’emploi aisé, non seulement au sein même des BFI où les talents identifiés sont choyés, tant la concurrence est vive, mais chez tous les acteurs extérieurs au système bancaire traditionnel, représentants d’un shadow banking en plein essor. Quel que soit le sous-jacent, la compétition est permanente et l’espoir de se construire d’ores et déjà «?son futur?» à partir d’un présent intense, est inscrit dans l’esprit de tous. Le rêve fruit de la réalité…
Paysage post-crise
Le paysage est bien différent aujourd’hui. La crise, profonde et mondiale, a balayé vingt années de croyances en un argent «?facile?» et en une vie professionnelle décorrélée de toute notion d’ancienneté où la réussite peut être immédiate. Un choc pour la majorité, un retour sur terre craint mais mûri pour d’autres. Une remise à plat qui met en exergue l’insuffisance des réglementations et de la gestion de risques et s’effectue dans un contexte de fronde sociale alimentée par des politiques en quête de boucs émissaires qui offrent en pâture une profession et ses acteurs dans leur ensemble. Les excès de quelques-uns s’accompagnent d’une volonté affichée de mise à mort (plus formelle que réelle par ailleurs) de toute une profession. Beaucoup de jeunes diplômés avaient tout donné, tels des disciples. Ils sont cloués au pilori, se demandant où ils vont. Une cure d’assainissement sans précédent touche la BFI, des milliers d’emplois sont supprimés, le chacun pour soi prédomine, où puis-je aller, que puis-je faire ? Toutes les générations sont concernées, même si les plus jeunes paient un lourd tribut… Les meneurs d’hier sont en quête de sens, les suiveurs balayés. Quant aux DRH, en recherche de moyens et de solutions, ils témoignent majoritairement d’impuissance, 90?% des acteurs se voient fermer toute mobilité, pas de poste accessible ou sinon trop chers, trop techniques, pas assez, etc. et multiplient les plans sociaux et les chèques. Une solidarité quasi inexistante ou inefficace de fait, prédomine tant côté salariés qu’entreprises.
Six années viennent de s’écouler. Six années de remise à plat d’un secteur, de ses métiers et de ses organisations. En parallèle, au choc des consciences a succédé une profonde refonte des mentalités. Je vis l’instant présent, je ne rêve plus mon avenir et je crois avant tout en moi-même… la croyance en l’entreprise et en ses vertus accompagnatrices n’est plus d’actualité, trop de situations douloureuses vécues ou relatées sont présentes dans les esprits. Un chantier sans précédent pour les responsables des ressources humaines qui après avoir sanctionné doivent recréer la confiance et faire revivre un sentiment d’appartenance, à partir de règles nouvelles ou en cours de définition. Entre temps, le paysage de la BFI s’est redessiné (une géographie nouvelle avec centralisation des activités, disparition de métiers ou intégration dans d’autres), les régulateurs ont opéré, les rémunérations ont été assagies, la fiscalité alourdie. Dans une Europe de moins en moins attractive, Londres creuse encore le fossé. Même les grandes banques françaises y délocalisent trading et force de vente, officiellement pour être proche des acteurs de marché, suivi par les directions financières de grandes sociétés du CAC. On cherche Paris, son rôle… Et pourtant…
Typologie des emplois cibles et attractivité
Pour retrouver son attractivité, l’industrie doit se réinventer. L’une des grandes forces de la finance est sa capacité à se régénérer, à créer, inventer de nouveaux concepts et métiers. Ces années de crise ont redessiné le paysage et mis en exergue de nouveaux acteurs tels les fonds et les institutionnels, prêts à suppléer aux banquiers prêteurs, et permis de se réapproprier des clients tels les ETI, les PME et les particuliers, autant de cibles où le savoir-faire acquis en BFI côté grande entreprise ou pour compte propre est applicable. En interne, la typologie des emplois cibles évolue de fait, on ne cherche plus des purs spécialistes mais des généralistes spécialisables, adaptables à des contextes différents ; la polyvalence est appréciée, seule apte à s’adapter à la volatilité d’un marché. Conjuguer opérationnalité et expertise devient un enjeu pour les DRH, un point sur lequel, notamment pour leurs cadres dirigeants, les Anglo-Saxons ont déjà prouvé de leurs capacités. Pour le salarié, la quête du Graal n’est plus le bonus, mais le projet, sa richesse, l’équipe et la reconnaissance hiérarchique, assortis d’une «?juste?» rémunération. Si de plus il permet d’ouvrir d’autres portes et aventures au sein de l’entreprise ou ailleurs, tout en favorisant un bon équilibre familial, l’objectif est atteint. Un autre temps donc, mais riche en ressources, ou les mercenaires n’ont plus leur place, et qui offre de beaux jours en perspective pour des profils talentueux qui aiment construire.
La BFI, terre d’ouverture, n’a donc pas dit son dernier mot.
La banque de financement et d’investissement (BFI) était l’objet de toutes les convoitises. Un attrait justifié par l’accessibilité à des gains rapides et très significatifs, des promotions hiérarchiques aisées liées aux performances et une grande diversité de métiers en permanente évolution. Tout cela conjugué au sentiment d’adhérer à un club voire, pour certains un statut social, dans un environnement entrepreneurial et mondial.
C’était la fin du siècle dernier et le début des années 2000… Des années pour la BFI fertiles en matière d’emplois, de création de nouveaux produits et de lignes métiers. L’apparition régulière de nouveaux acteurs contribuait à déployer un marché toujours avide de talents et de producteurs aguerris. La finance de marché pilotait ses propres développements, générait ses propres emplois, soutenue par les écoles et universités qui déploient des formations thématiques. Tant côté marchés que financements une hyperspécialisation métier s’est de fait développée avec comme corollaire un package salarial incitatif et un cloisonnement de ses praticiens dans leur discipline. Envisager une mobilité fonctionnelle vers d’autres filières est de fait devenu quasi impossible : on part simplement faire la même chose ailleurs et relever un nouveau défi, pour au passage accroître sa rémunération. L’employabilité est rarement un sujet, le marché est liquide et l’emploi aisé, non seulement au sein même des BFI où les talents identifiés sont choyés, tant la concurrence est vive, mais chez tous les acteurs extérieurs au système bancaire traditionnel, représentants d’un shadow banking en plein essor. Quel que soit le sous-jacent, la compétition est permanente et l’espoir de se construire d’ores et déjà «?son futur?» à partir d’un présent intense, est inscrit dans l’esprit de tous. Le rêve fruit de la réalité…
Paysage post-crise
Le paysage est bien différent aujourd’hui. La crise, profonde et mondiale, a balayé vingt années de croyances en un argent «?facile?» et en une vie professionnelle décorrélée de toute notion d’ancienneté où la réussite peut être immédiate. Un choc pour la majorité, un retour sur terre craint mais mûri pour d’autres. Une remise à plat qui met en exergue l’insuffisance des réglementations et de la gestion de risques et s’effectue dans un contexte de fronde sociale alimentée par des politiques en quête de boucs émissaires qui offrent en pâture une profession et ses acteurs dans leur ensemble. Les excès de quelques-uns s’accompagnent d’une volonté affichée de mise à mort (plus formelle que réelle par ailleurs) de toute une profession. Beaucoup de jeunes diplômés avaient tout donné, tels des disciples. Ils sont cloués au pilori, se demandant où ils vont. Une cure d’assainissement sans précédent touche la BFI, des milliers d’emplois sont supprimés, le chacun pour soi prédomine, où puis-je aller, que puis-je faire ? Toutes les générations sont concernées, même si les plus jeunes paient un lourd tribut… Les meneurs d’hier sont en quête de sens, les suiveurs balayés. Quant aux DRH, en recherche de moyens et de solutions, ils témoignent majoritairement d’impuissance, 90?% des acteurs se voient fermer toute mobilité, pas de poste accessible ou sinon trop chers, trop techniques, pas assez, etc. et multiplient les plans sociaux et les chèques. Une solidarité quasi inexistante ou inefficace de fait, prédomine tant côté salariés qu’entreprises.
Six années viennent de s’écouler. Six années de remise à plat d’un secteur, de ses métiers et de ses organisations. En parallèle, au choc des consciences a succédé une profonde refonte des mentalités. Je vis l’instant présent, je ne rêve plus mon avenir et je crois avant tout en moi-même… la croyance en l’entreprise et en ses vertus accompagnatrices n’est plus d’actualité, trop de situations douloureuses vécues ou relatées sont présentes dans les esprits. Un chantier sans précédent pour les responsables des ressources humaines qui après avoir sanctionné doivent recréer la confiance et faire revivre un sentiment d’appartenance, à partir de règles nouvelles ou en cours de définition. Entre temps, le paysage de la BFI s’est redessiné (une géographie nouvelle avec centralisation des activités, disparition de métiers ou intégration dans d’autres), les régulateurs ont opéré, les rémunérations ont été assagies, la fiscalité alourdie. Dans une Europe de moins en moins attractive, Londres creuse encore le fossé. Même les grandes banques françaises y délocalisent trading et force de vente, officiellement pour être proche des acteurs de marché, suivi par les directions financières de grandes sociétés du CAC. On cherche Paris, son rôle… Et pourtant…
Typologie des emplois cibles et attractivité
Pour retrouver son attractivité, l’industrie doit se réinventer. L’une des grandes forces de la finance est sa capacité à se régénérer, à créer, inventer de nouveaux concepts et métiers. Ces années de crise ont redessiné le paysage et mis en exergue de nouveaux acteurs tels les fonds et les institutionnels, prêts à suppléer aux banquiers prêteurs, et permis de se réapproprier des clients tels les ETI, les PME et les particuliers, autant de cibles où le savoir-faire acquis en BFI côté grande entreprise ou pour compte propre est applicable. En interne, la typologie des emplois cibles évolue de fait, on ne cherche plus des purs spécialistes mais des généralistes spécialisables, adaptables à des contextes différents ; la polyvalence est appréciée, seule apte à s’adapter à la volatilité d’un marché. Conjuguer opérationnalité et expertise devient un enjeu pour les DRH, un point sur lequel, notamment pour leurs cadres dirigeants, les Anglo-Saxons ont déjà prouvé de leurs capacités. Pour le salarié, la quête du Graal n’est plus le bonus, mais le projet, sa richesse, l’équipe et la reconnaissance hiérarchique, assortis d’une «?juste?» rémunération. Si de plus il permet d’ouvrir d’autres portes et aventures au sein de l’entreprise ou ailleurs, tout en favorisant un bon équilibre familial, l’objectif est atteint. Un autre temps donc, mais riche en ressources, ou les mercenaires n’ont plus leur place, et qui offre de beaux jours en perspective pour des profils talentueux qui aiment construire.
La BFI, terre d’ouverture, n’a donc pas dit son dernier mot.