Par Mounir Letayf, avocat associé. Paul Hastings
La dette unitranche, nouveau produit de financement d'acquisition
Lancé en France début 2007 à l'occasion du LBO sur le bagagiste Delsey, le financement «?unitranche?» a récemment connu un franc succès. Au cours de la seule année 2011, pas moins de quatre opérations de LBO mid-cap ont eu recours à une dette «?unitranche?». Quelles sont les caractéristiques de ce financement ? Est-ce une alternative crédible au financement d'acquisition classique ?
La crise financière qui a eu pour conséquence un assèchement de l'offre de dette bancaire sur le marché LBO mid-cap a été l'occasion, pour certains acteurs non bancaires, de proposer des offres de financement innovantes. À l'instar des fonds de LBO, les fonds mezzanine, qui possèdent encore des capacités d'investissement non négligeables, ont proposé aux sponsors d'arranger et prendre ferme la totalité de la dette LBO, traditionnellement divisée en dette senior, octroyée par des banques et en dette subordonnée, accordée généralement par des fonds mezzanine.
En vogue aux États-Unis
Ce financement unitranche existe aux États-Unis depuis la fin des années 1990 sous le nom de unirate loan financing. S'il diffère quelque peu de son modèle américain, le financement unitranche «?à la française?» procure les mêmes avantages aux sponsors et aux emprunteurs. Serions-nous en train d'assister en la matière, comme souvent dans le domaine des techniques de financement, à une convergence des pratiques françaises et américaines ? Aux États-Unis près de 70?% des opérations LBO mid-cap sont financées par des acteurs non bancaires.
En France, les règles du monopole bancaire obligent les fonds mezzanine et les fonds de dette qui n'ont pas le statut d'établissement de crédit à structurer leurs offres de financement sous forme d'obligations sèches ou composées. C'est donc tout naturellement que ces fonds ont calqué les caractéristiques de leur offre de financement unitranche sur celles d'une dette mezzanine classique, à savoir un prêt obligataire à terme d'une maturité comprise entre cinq et huit ans, amortissable en totalité à l'échéance et rémunéré par :
- un intérêt payé cash selon des échéances mensuelles, trimestrielles ou semestrielles au choix de l'emprunteur,
- un intérêt capitalisé payable in fine en même temps que le nominal des obligations, et
- le cas échéant, une rémunération complémentaire, sous forme de valeurs mobilières attachées aux obligations (le plus souvent des bons de souscription d'actions), donnant accès au capital, permettant ainsi une participation à la plus-value réalisée à la sortie par le fonds d'investissement (equity kicker).
Moins cher qu’un financement mezzanine
Avec un rendement global entre 11?% et 13?%, le financement unitranche est moins cher qu'un financement mezzanine, car moins risqué en raison de l'absence de subordination par rapport à une autre dette, mais plus cher qu'un financement classique (senior avec ou sans mezzanine). Toutefois, les marges des dettes bancaires ayant augmenté, le différentiel n'apparaît plus aussi significatif et doit s'apprécier à l'aune des avantages de ce financement pour les sponsors et les emprunteurs.
Mise en œuvre simplifiée
La simplicité de la structure est de nature à rassurer les sponsors, les emprunteurs et leurs conseils, la documentation juridique leur étant familière. La présence le plus souvent d'un seul prêteur unitranche ayant des processus d'autorisation interne et de passage en comité de crédit plus souples qu'une banque, permet aussi de réduire le temps de négociation et d'accélérer le temps de réalisation de l'opération. Pour preuve, l'absence de cohabitation entre une dette senior et une dette subordonnée permet d'alléger la négociation de la convention intercréanciers, rendue encore plus complexe ces dernières années par l'introduction des schémas de double LuxCo. L'absence fréquente de conditions de succès de la syndication permettra une plus grande certitude des fonds au moment de la réalisation de l'acquisition. Simplicité de la structure et rapidité d'exécution sont des avantages non négligeables lorsque les sponsors sont engagés dans un processus d'acquisition concurrentiel. L'introduction dans leur offre d'achat d'un engagement ferme d'un financement unitranche sera de nature à renforcer sa solidité.
Gestion souple
Ce financement devrait normalement permettre une gestion administrative simplifiée de la documentation juridique. Il est en effet plus aisé d'obtenir une autorisation ou un waiver d'un seul prêteur que de plusieurs prêteurs intervenant dans le cadre de plusieurs crédits syndiqués avec des droits de vote différents. Seul bémol, en cas de difficultés significatives (défaut de paiement ou non-respect de ratios financiers), la confrontation d'intérêts divergents exigerait d'aboutir à une solution négociée, acceptable pour l'ensemble des parties.
Mais l'avantage le plus significatif est assurément la souplesse qu'offre ce financement dans la gestion de la trésorerie disponible du groupe cible. L'absence d'amortissement et la capitalisation d'une partie des intérêts permettent au groupe cible de consacrer l'essentiel de sa trésorerie à la réalisation d'investissements et d'opérations de croissance externe. Seuls devront être servis au prêteur unitranche, durant la vie du prêt, les intérêts payables cash. Ce service sera assuré par une distribution limitée de dividende par le groupe cible à la holding d'acquisition ou encore par l'effet cash de l'intégration fiscale. Cette souplesse peut encore être renforcée par l'absence de clause de trésorerie excédentaire (cash sweep) qui permet en général au prêteur d'affecter, au-delà d'un certain montant, une partie de la trésorerie disponible en remboursement anticipé obligatoire de la dette. Cet avantage est très appréciable en période de crise où les investissements et les opérations de croissances externes sont un moyen de créer de la valeur.
De son côté, le prêteur unitranche pourra toujours se protéger d'un refinancement par une dette bancaire, lorsque ce marché redeviendra plus liquide, par l'introduction de clauses dites de non-call. Ces clauses, devenues standard dans la plupart des documentations de financement (même senior), imposent aux emprunteurs des pénalités plus ou moins dissuasives en cas de refinancement à leur initiative, intervenant en moyenne avant le troisième anniversaire de la mise à disposition des fonds.
Au vu de ce qui précède, il semble donc que le financement unitranche soit particulièrement adapté à des sociétés ayant un fort potentiel de croissance et qui requièrent une mobilisation de leur trésorerie pour financer leurs investissements. La création de valeur permettra notamment d'absorber les coûts de remboursement à la sortie et de compléter le rendement du prêteur unitranche au travers de son equity kicker. Face à un marché de la dette bancaire difficile et un marché high yield soumis à des ouvertures et fermetures fréquentes en fonction de la conjoncture économique, le recours au financement unitranche pourrait aussi se révéler utile pour refinancer, au moins en partie, le fameux mur de la dette venant à échéance en 2013.
La crise financière qui a eu pour conséquence un assèchement de l'offre de dette bancaire sur le marché LBO mid-cap a été l'occasion, pour certains acteurs non bancaires, de proposer des offres de financement innovantes. À l'instar des fonds de LBO, les fonds mezzanine, qui possèdent encore des capacités d'investissement non négligeables, ont proposé aux sponsors d'arranger et prendre ferme la totalité de la dette LBO, traditionnellement divisée en dette senior, octroyée par des banques et en dette subordonnée, accordée généralement par des fonds mezzanine.
En vogue aux États-Unis
Ce financement unitranche existe aux États-Unis depuis la fin des années 1990 sous le nom de unirate loan financing. S'il diffère quelque peu de son modèle américain, le financement unitranche «?à la française?» procure les mêmes avantages aux sponsors et aux emprunteurs. Serions-nous en train d'assister en la matière, comme souvent dans le domaine des techniques de financement, à une convergence des pratiques françaises et américaines ? Aux États-Unis près de 70?% des opérations LBO mid-cap sont financées par des acteurs non bancaires.
En France, les règles du monopole bancaire obligent les fonds mezzanine et les fonds de dette qui n'ont pas le statut d'établissement de crédit à structurer leurs offres de financement sous forme d'obligations sèches ou composées. C'est donc tout naturellement que ces fonds ont calqué les caractéristiques de leur offre de financement unitranche sur celles d'une dette mezzanine classique, à savoir un prêt obligataire à terme d'une maturité comprise entre cinq et huit ans, amortissable en totalité à l'échéance et rémunéré par :
- un intérêt payé cash selon des échéances mensuelles, trimestrielles ou semestrielles au choix de l'emprunteur,
- un intérêt capitalisé payable in fine en même temps que le nominal des obligations, et
- le cas échéant, une rémunération complémentaire, sous forme de valeurs mobilières attachées aux obligations (le plus souvent des bons de souscription d'actions), donnant accès au capital, permettant ainsi une participation à la plus-value réalisée à la sortie par le fonds d'investissement (equity kicker).
Moins cher qu’un financement mezzanine
Avec un rendement global entre 11?% et 13?%, le financement unitranche est moins cher qu'un financement mezzanine, car moins risqué en raison de l'absence de subordination par rapport à une autre dette, mais plus cher qu'un financement classique (senior avec ou sans mezzanine). Toutefois, les marges des dettes bancaires ayant augmenté, le différentiel n'apparaît plus aussi significatif et doit s'apprécier à l'aune des avantages de ce financement pour les sponsors et les emprunteurs.
Mise en œuvre simplifiée
La simplicité de la structure est de nature à rassurer les sponsors, les emprunteurs et leurs conseils, la documentation juridique leur étant familière. La présence le plus souvent d'un seul prêteur unitranche ayant des processus d'autorisation interne et de passage en comité de crédit plus souples qu'une banque, permet aussi de réduire le temps de négociation et d'accélérer le temps de réalisation de l'opération. Pour preuve, l'absence de cohabitation entre une dette senior et une dette subordonnée permet d'alléger la négociation de la convention intercréanciers, rendue encore plus complexe ces dernières années par l'introduction des schémas de double LuxCo. L'absence fréquente de conditions de succès de la syndication permettra une plus grande certitude des fonds au moment de la réalisation de l'acquisition. Simplicité de la structure et rapidité d'exécution sont des avantages non négligeables lorsque les sponsors sont engagés dans un processus d'acquisition concurrentiel. L'introduction dans leur offre d'achat d'un engagement ferme d'un financement unitranche sera de nature à renforcer sa solidité.
Gestion souple
Ce financement devrait normalement permettre une gestion administrative simplifiée de la documentation juridique. Il est en effet plus aisé d'obtenir une autorisation ou un waiver d'un seul prêteur que de plusieurs prêteurs intervenant dans le cadre de plusieurs crédits syndiqués avec des droits de vote différents. Seul bémol, en cas de difficultés significatives (défaut de paiement ou non-respect de ratios financiers), la confrontation d'intérêts divergents exigerait d'aboutir à une solution négociée, acceptable pour l'ensemble des parties.
Mais l'avantage le plus significatif est assurément la souplesse qu'offre ce financement dans la gestion de la trésorerie disponible du groupe cible. L'absence d'amortissement et la capitalisation d'une partie des intérêts permettent au groupe cible de consacrer l'essentiel de sa trésorerie à la réalisation d'investissements et d'opérations de croissance externe. Seuls devront être servis au prêteur unitranche, durant la vie du prêt, les intérêts payables cash. Ce service sera assuré par une distribution limitée de dividende par le groupe cible à la holding d'acquisition ou encore par l'effet cash de l'intégration fiscale. Cette souplesse peut encore être renforcée par l'absence de clause de trésorerie excédentaire (cash sweep) qui permet en général au prêteur d'affecter, au-delà d'un certain montant, une partie de la trésorerie disponible en remboursement anticipé obligatoire de la dette. Cet avantage est très appréciable en période de crise où les investissements et les opérations de croissances externes sont un moyen de créer de la valeur.
De son côté, le prêteur unitranche pourra toujours se protéger d'un refinancement par une dette bancaire, lorsque ce marché redeviendra plus liquide, par l'introduction de clauses dites de non-call. Ces clauses, devenues standard dans la plupart des documentations de financement (même senior), imposent aux emprunteurs des pénalités plus ou moins dissuasives en cas de refinancement à leur initiative, intervenant en moyenne avant le troisième anniversaire de la mise à disposition des fonds.
Au vu de ce qui précède, il semble donc que le financement unitranche soit particulièrement adapté à des sociétés ayant un fort potentiel de croissance et qui requièrent une mobilisation de leur trésorerie pour financer leurs investissements. La création de valeur permettra notamment d'absorber les coûts de remboursement à la sortie et de compléter le rendement du prêteur unitranche au travers de son equity kicker. Face à un marché de la dette bancaire difficile et un marché high yield soumis à des ouvertures et fermetures fréquentes en fonction de la conjoncture économique, le recours au financement unitranche pourrait aussi se révéler utile pour refinancer, au moins en partie, le fameux mur de la dette venant à échéance en 2013.