Le président du fonds nous délivre son point de vue sur les grandes tendances du capital-investissement.
Xavier Moreno (Astorg Partners) : «Rien ne vaut un brutal retournement de conjoncture pour former un
Décideurs. Les grandes opérations tant attendues sur le marché du capital-investissement tardent à se concrétiser. Comment peut-on expliquer cet attentisme ?
Xavier Moreno. La reprise des transactions s'est fait attendre en effet. Mais elle est là maintenant. En ce qui nous concerne, nous avions été très prudents lorsque, mi-2011, la crise de l'euro et des dettes publiques avait relayé celle des subprimes. Les vendeurs n'avaient pas intégré la prolongation de la crise dans leurs attentes de prix et les banques n'ouvraient que timidement le robinet de la dette. D'où très peu de transactions. Mais, depuis mi 2013, on assiste au retour d'une offre très abondante de dettes LBO, avec des taux en baisse, des montants en forte hausse (jusqu'à 7,5 x L’Ebitda pour les plus solides entreprises), et des contraintes contractuelles ultralégères (cov-light). Et même si la conjoncture française reste désespérément médiocre, pour des raisons hélas de mauvaise gestion publique, la macroéconomie mondiale s'oriente vers plus de croissance, ce qui autorise de prendre des paris raisonnables sur des business plans en croissance durable. Nous n'avions réalisé qu'un seul investissement entre fin 2011 et fin 2013, alors que nous en avons conclu déjà trois dans les six premiers mois de 2014. Et les opportunités à l'étude sont nombreuses.
Mais malgré cet environnement globalement favorable, les très belles entreprises offertes à la vente restent peu nombreuses et la concurrence est donc toujours rude pour les acquérir.
Décideurs. Votre positionnement stratégique participe également à ce phénomène ?
X. M. Effectivement, notre Graal ce sont des entreprises qui sont leaders sur des marchés mondiaux dits de niche car à fortes barrières à l'entrée, en général « BtoB ». Cela leur donne le double attrait d'une solide protection contre les mauvaises surprises de perte de clients ou d'irruption soudaine de concurrents, tout en ayant des perspectives de croissance grâce à leurs ventes dans les régions du monde dont le PIB augmente vite, comme l' Asie ou l'Amérique du nord ou même, plus près de nous, l'Allemagne. La rareté de telles cibles potentielles en France nous a conduits, depuis quatre ans, à nous organiser pour prospecter et investir dans toute l'Europe. La Suisse, l'Italie, l'Allemagne, le Benelux et la Grande-Bretagne sont riches d'entreprises de taille intermédiaire ayant le profil que nous recherchons.
Décideurs. Malgré cette « rareté » de cibles potentielles, les levées de fonds sont toujours plus importantes.
X. M. Le marché du private equity connaît des cycles aussi bien en amont, selon l'appétit fluctuant des investisseurs pour cette catégorie d'actifs, qu'en aval, selon l'abondance ou la pénurie de transactions. Mais les facteurs qui influencent ces cycles ne sont pas les mêmes : la performance passée joue un rôle en amont, mais le premier facteur est le niveau des taux d'intérêt des dettes publiques (c'est à dire des placements dits sans risque) : quand ces taux sont quasi nuls comme aujourd'hui, d'énormes montants d'épargne recherchent du rendement dans les actions cotées et non cotées.
En aval, même si l'offre de capitaux qui fait monter les prix stimule aussi le nombre d'entreprises qui se vendent, les lois fiscales instables et punitives dont la France s'est fait une spécialité, les situations sectorielles temporairement déprimées comme dans la construction ou l'énergie, peuvent réduire le nombre d'entreprises offertes à la vente.
Rien ne garantit donc un ajustement parfait des capitaux levés aux opportunités d'investir. Et le trop plein s'absorbe par l'allongement des périodes d'investissement, la hausse des prix et l'accélération corrélative de la rotation des portefeuilles : si on vous offre aujourd'hui le prix que vous visez dans un an vous vendez sans attendre. Ce qui favorise aussi les transactions réalisées sans mise en vente officielle, grâce à des offres préemptives non sollicitées.
Décideurs. Quel regard portez-vous sur l’évolution de votre profession ?
X. M. Elle se caractérise aujourd'hui par une plus grande maturité : les équipes qui ont survécu à la crise sont aguerries et de très grande qualité : rien ne vaut un brutal retournement de conjoncture pour former un bon investisseur. Le niveau des analyses préalables à un investissement s'est élevé et, même si une très bonne due diligence ne supprime pas tous les risques, on peut anticiper que les cas de perte de l'investissement seront plus rares ... jusqu’au moment où une succession de trop belles années effacera la mémoire des crises.
Enfin, toute la profession a pris le virage de l'investissement « responsable », concept un peu flou mais qui revient à se soucier plus de l'impact direct ou indirect de nos actions sur les parties prenantes de la sphère non marchande : impact social, environnemental, gouvernance. Nos investisseurs sont eux-mêmes demandeurs de nous voir mettre en œuvre ces disciplines et de leur en rendre compte spécifiquement : ils n'attendent pas que du rendement. Ils veillent à notre impact « sociétal ». J'espère qu'après les discours démagogiques sur la « mauvaise finance », la réalité de la contribution très active de notre métier au développement économique et social sera reconnue, même par nos dirigeants politiques les plus idéologues.
Xavier Moreno. La reprise des transactions s'est fait attendre en effet. Mais elle est là maintenant. En ce qui nous concerne, nous avions été très prudents lorsque, mi-2011, la crise de l'euro et des dettes publiques avait relayé celle des subprimes. Les vendeurs n'avaient pas intégré la prolongation de la crise dans leurs attentes de prix et les banques n'ouvraient que timidement le robinet de la dette. D'où très peu de transactions. Mais, depuis mi 2013, on assiste au retour d'une offre très abondante de dettes LBO, avec des taux en baisse, des montants en forte hausse (jusqu'à 7,5 x L’Ebitda pour les plus solides entreprises), et des contraintes contractuelles ultralégères (cov-light). Et même si la conjoncture française reste désespérément médiocre, pour des raisons hélas de mauvaise gestion publique, la macroéconomie mondiale s'oriente vers plus de croissance, ce qui autorise de prendre des paris raisonnables sur des business plans en croissance durable. Nous n'avions réalisé qu'un seul investissement entre fin 2011 et fin 2013, alors que nous en avons conclu déjà trois dans les six premiers mois de 2014. Et les opportunités à l'étude sont nombreuses.
Mais malgré cet environnement globalement favorable, les très belles entreprises offertes à la vente restent peu nombreuses et la concurrence est donc toujours rude pour les acquérir.
Décideurs. Votre positionnement stratégique participe également à ce phénomène ?
X. M. Effectivement, notre Graal ce sont des entreprises qui sont leaders sur des marchés mondiaux dits de niche car à fortes barrières à l'entrée, en général « BtoB ». Cela leur donne le double attrait d'une solide protection contre les mauvaises surprises de perte de clients ou d'irruption soudaine de concurrents, tout en ayant des perspectives de croissance grâce à leurs ventes dans les régions du monde dont le PIB augmente vite, comme l' Asie ou l'Amérique du nord ou même, plus près de nous, l'Allemagne. La rareté de telles cibles potentielles en France nous a conduits, depuis quatre ans, à nous organiser pour prospecter et investir dans toute l'Europe. La Suisse, l'Italie, l'Allemagne, le Benelux et la Grande-Bretagne sont riches d'entreprises de taille intermédiaire ayant le profil que nous recherchons.
Décideurs. Malgré cette « rareté » de cibles potentielles, les levées de fonds sont toujours plus importantes.
X. M. Le marché du private equity connaît des cycles aussi bien en amont, selon l'appétit fluctuant des investisseurs pour cette catégorie d'actifs, qu'en aval, selon l'abondance ou la pénurie de transactions. Mais les facteurs qui influencent ces cycles ne sont pas les mêmes : la performance passée joue un rôle en amont, mais le premier facteur est le niveau des taux d'intérêt des dettes publiques (c'est à dire des placements dits sans risque) : quand ces taux sont quasi nuls comme aujourd'hui, d'énormes montants d'épargne recherchent du rendement dans les actions cotées et non cotées.
En aval, même si l'offre de capitaux qui fait monter les prix stimule aussi le nombre d'entreprises qui se vendent, les lois fiscales instables et punitives dont la France s'est fait une spécialité, les situations sectorielles temporairement déprimées comme dans la construction ou l'énergie, peuvent réduire le nombre d'entreprises offertes à la vente.
Rien ne garantit donc un ajustement parfait des capitaux levés aux opportunités d'investir. Et le trop plein s'absorbe par l'allongement des périodes d'investissement, la hausse des prix et l'accélération corrélative de la rotation des portefeuilles : si on vous offre aujourd'hui le prix que vous visez dans un an vous vendez sans attendre. Ce qui favorise aussi les transactions réalisées sans mise en vente officielle, grâce à des offres préemptives non sollicitées.
Décideurs. Quel regard portez-vous sur l’évolution de votre profession ?
X. M. Elle se caractérise aujourd'hui par une plus grande maturité : les équipes qui ont survécu à la crise sont aguerries et de très grande qualité : rien ne vaut un brutal retournement de conjoncture pour former un bon investisseur. Le niveau des analyses préalables à un investissement s'est élevé et, même si une très bonne due diligence ne supprime pas tous les risques, on peut anticiper que les cas de perte de l'investissement seront plus rares ... jusqu’au moment où une succession de trop belles années effacera la mémoire des crises.
Enfin, toute la profession a pris le virage de l'investissement « responsable », concept un peu flou mais qui revient à se soucier plus de l'impact direct ou indirect de nos actions sur les parties prenantes de la sphère non marchande : impact social, environnemental, gouvernance. Nos investisseurs sont eux-mêmes demandeurs de nous voir mettre en œuvre ces disciplines et de leur en rendre compte spécifiquement : ils n'attendent pas que du rendement. Ils veillent à notre impact « sociétal ». J'espère qu'après les discours démagogiques sur la « mauvaise finance », la réalité de la contribution très active de notre métier au développement économique et social sera reconnue, même par nos dirigeants politiques les plus idéologues.