Après la reprise de Lehman Brothers Europe, Nomura sort les griffes
La chute d’une des plus célèbres institutions de Wall Street aura fait les affaires de certains. En reprenant les activités asiatiques puis européennes de Lehman Brothers en 2008, la banque d'affaires japonaise change de dimension. Quelles sont les véritables ambitions de ce challenger qui grimpe dans les leagues tables ?
Le lundi 15 septembre 2008, c’est la douche froide et l’incompréhension au siège parisien de Lehman Brothers, au 7, place d’Iéna, dans le 16e arrondissement. La holding américaine vient de faire faillite. Très vite, les banquiers stars de la filiale française sont livrés à eux-même. Dans la semaine, Barclays négocie la reprise des activités nord-américaines de Lehman Brothers. Dès le samedi, un call est organisé avec l’ensemble des patrons Europe de la banque US pour décider de son sort quant à son éventuel repreneur. |
À l’issue du vote, la banque Nomura remporte la majorité des voix. Ô surprise, tout comme la chute de Lehman Brothers n’était envisageable quelques jours plus tôt, le fait que la discrète Japonaise emporte la partie Europe et Asie de l’éminente banque d’affaires en a étonné plus d’un.
Il est vrai que la banque nippone était peu implantée sur le Vieux Continent. À Paris, la succursale ne disposait que d’une activité dédiée à la vente d’actions asiatiques ainsi que d’une boutique M&A spécialisée dans les opérations transfrontalières avec le Japon.
Garder les meilleurs "Lehmanites"
Avec la reprise de Lehman Brothers Europe, Nomura a su tirer avantage du dépeçage organisé de la banque d’affaires américaine. Pour la partie française, l’opération se concrétise le 7 Janvier 2009 après l’intervention de l’administrateur judiciaire Alain Bachelot. Le deal est conclu pour une somme symbolique.
Avec cette opération, Banque Nomura France (BNF), la filiale française de la banque nippone, se diversifie dans trois métiers supplémentaires et ajoute les activités de banque d'investissement, de courtage et de recherche à son offre de services.
Jérôme Calvet, codirecteur de Nomura France et responsable du pôle banque d’investissement, précise que le positionnement de son établissement « est celui d’un challenger à vocation de leader dans chacune de [ses] spécialités ».
Pour l’ancien responsable de Lehman Brothers à Paris, la constitution des équipes se fait sans difficulté : une grande partie de ses collaborateurs le suit dans l’aventure.
Il est vrai que Nomura ne lésine pas sur les moyens pour garder les meilleurs « Lehmanites », leur garantissant deux années de bonus pour 2008 et 2009 sur la base du très bon cru perçu au titre de l’année 2007. « En Europe, précise Jérôme Calvet, nous avons récupéré des équipes internationales d’une grande qualité. Dans le monde, Nomura est une banque d’affaires internationale qui regroupe près de 70 nationalités, et ajoute qu’il n’y a de ce fait pas eu de choc culturel avec la nouvelle maison mère. » |
Par ailleurs, il se dit « fier du travail accompli en un an par [ses] équipes qui ont su adapter leurs talents au contexte de marché ».
Déjà de solides références
Quinze mois après la reprise officielle des activités banque d’investissement de Lehman à Paris, Nomura affiche déjà de solides références et quelques opérations marquantes. Très bien implanté sur la place de Paris, Jérôme Calvet se félicite « d’avoir accès à 100 % du CAC 40, d’entretenir un contact régulier avec 75 %, et d’être intime avec le tiers » de l’indice star, mais aussi « de faire partie des rares banques étrangères qui soient labellisées SVT (Spécialiste en valeurs du Trésor) qui [nous] permet d’être reconnu sur le secondaire ».
Aujourd’hui, le marché n’est pas « booming » lâche-t-il, « mais nous avons su tirer parti de ce contexte difficile et sommes présents sur les opérations structurantes de ce début d’année, à l’instar de Rusal où nous étions co-bookrunner ». Outre cette opération, Nomura France a agit, au cours de l’année 2009, en tant que co-teneur de livre sur l’augmentation de capital de 4,8 milliards d’euros de la Société générale. La banque était par ailleurs conseil de Vinci sur l’opération Tarmac, ou encore d’Air France-KLM dans son rachat des 25 % d’Alitalia.
Grâce à son intime connaisance des milieux d'affaires et du monde politique, l'ex-responsable des fusions acquisitions à la Société générale et ancien patron de Lehman Brothers France a toutes les qualités requises pour avancer ses pions sur l’échiquier hexagonal des fusions acquisitions. D’aucuns l’auraient remarqué, d’après un classement établi par Bloomberg, la banque d'affaires Nomura se classe désormais en troisième position des conseils les plus actifs en fusions acquisitions sur le premier trimestre 2010. Vous avez dit challenger ?
Mai 2010