Croissance organique ou externe, numérique... Asmodee fait feu de tout bois, notamment depuis son acquisition par Eurazeo à hauteur de 83,5 %. Entretien avec son président.
Stéphane Carville (Asmodee) : « Accompagner les joueurs sur le chemin ludique et sur tous supports »
Décideurs. En janvier 2014, Eurazeo a pris 83,5 % de votre capital pour 98 M€. Cela vous a donné une force de frappe financière vous permettant de faire l'acquisition de deux gros éditeurs américains. Quel bilan en tirez-vous ?
Stéphane Carville. Premièrement, un véritable partenariat et travail d’équipe s'est mis en place avec Eurazeo. C’est non seulement un actionnaire financier qui donne accès aux ressources financières nécessaires pour nos projets de développement, mais c’est aussi un véritable business partner. J’aime discuter avec eux de nos choix stratégiques et je sens une vraie adhésion à notre stratégie. Cela nous permet d’avancer très vite et notamment d’avoir réalisé quatre acquisitions en un an dont les éditeurs Days of Wonder et Fantasy Flight Games. D’ailleurs, nous avons tout dernièrement finaliser notre cinquième acquisition : celle des droits d’édition, d’exploitation et de marque du jeu Dobble/Spot It! pour le monde entier.
Deuxièmement, sur le plan business, les opérations Days of Wonder et Fantasy Flight Games nous ont permis d’accroître très significativement notre présence sur le marché américain, premier marché mondial du jeu de société avec un marché de 1,8 milliard de dollars. Il représente maintenant approximativement 25 % du chiffre d’affaires du groupe, contre 5 % il y a un an. De plus, ces acquisitions sont venues renforcer notre portefeuille « jeu » et « propriété intellectuelle », un des vecteurs essentiels de création de valeur.
Décideurs. L'acquisition de ces éditeurs américains vont notamment vous permettre de vous positionner sur un marché du digital en plein essor pour les jeux de société.
S. C. Une des raisons de l’acquisition de l’éditeur Days of Wonder est qu’ils ont très vite compris les forts liens qui existent entre le jeu physique et le digital. Ils ont ainsi développé en interne une plate-forme afin de prolonger l’offre de leurs jeux sur des supports numériques. Aujourd’hui, Les Aventuriers du rail, création emblématique de Days of Wonder, est un des jeux au sein de la catégorie « jeu de société » les plus performants sur le numérique. Cette plate-forme, accompagnée par la progressive mise en place de notre organisation, va devenir l’ossature de notre future offre digitale.
Décideurs. Vous avez déclaré qu'entre 2013 et 2014 Asmodee avait « quasiment doublé de taille ». Votre groupe détrône ainsi l'américain Hasbro sur le territoire français. Comment s'explique ce succès?
S. C. Je pense que cela est lié à notre stratégie qui s’articule autour de quatre piliers. Tout d’abord avoir un focus maximum sur le produit (innovation permanente, animation terrain proche des joueurs qu’ils soient expert ou grand public). Deuxième pilier : chercher constamment à renforcer la qualité de notre portefeuille de jeux et nos propriétés intellectuelles. Autre point très important, construire un groupe international en accélérant notamment notre développement aux États-Unis. Enfin, comme évoqué, construire une offre digitale en complément naturel des expériences de jeu physique. C’est, je pense, le respect de ces quatre piliers qui nous permet d’avoir une performance à la fois de notre croissance organique et externe.
Décideurs. L'alchimie entre le jeu et le public est-elle difficile à trouver à l'heure des smartphones et autres tablettes?
S. C. Aujourd’hui, nous sommes sur des supports qui ne sont pas concurrents mais complémentaires. Le vrai sujet pour nous est de permettre à nos communautés, soit de joueurs expérimentés, soit grand public, d’avoir accès aux jeux sur différents supports. Notre objectif est de pouvoir accompagner les joueurs sur ce que j’appelle le chemin ludique. C’est-à-dire un chemin qui lui permet de jouer à son jeu préféré quels que soient les moments de la journée ou les situations. On joue ensemble autour d’une table entre amis et, le soir, on joue devant sa tablette avec des personnes du monde entier.
Décideurs. Vous avez également réussi un coup de maître avec votre filiale Kanaï Kids en étant le distributeur exclusif en France de Cra--Z-Loom l'été dernier.
S. C. L’idée de départ de Kanaï Kids était de répondre à nos clients qui avaient la volonté de travailler avec nous sur des produits dits de tendance. Ppour assurer la séparation entre nos activités stratégiques liées au jeu de société et des activités plus opportunistes, nous avons créé Kanaï Kids. C’est vrai que les bracelets Cra-Z-Loom ont fortement contribué au décollage de cette activité mais quand j’ai vu ce produit aux États-Unis, il était évident pour moi qu’il fallait le faire au sein de Kanaï Kids. Concernant leur contribution à notre performance globale, les bracelets ont représenté moins de 5 % de notre chiffre d’affaires total, mais cela reste un chiffre important. Nous savions que le succès de ce produit serait temporaire et pour 2015 nous prévoyons le même niveau de chiffre d’affaires pour Kanaï Kids mais sur plusieurs lignes de produits, atténuant sa forte dépendance à une seule gamme.
Décideurs. En 2011, vous avez ouvert une filiale en Chine. Qu'en est-il des jeux de société dans le pays de l'enfant unique et d'une éducation stricte ?
S. C. Le marché du jeu de société y est très différent de celui que nous connaissons en Europe ou aux États-Unis ; c’est un marché naissant qui réserve de belles opportunités. Nous avons ouvert notre bureau à Shanghai pour être au plus près et mieux le comprendre, mais aussi pour accompagner nos partenaires éditeurs qui avaient la volonté d’y faire distribuer leurs jeux. Nous avons aujourd’hui une quarantaine de jeux en portefeuille sur le marché chinois. Nous travaillons sur plusieurs axes pour notre future stratégie de développement et l’éducation en est un que l’on regarde avec attention.
Décideurs. Depuis votre création en 1995, Asmodee ne cesse de bousculer le secteur en le renouvelant. Après Dobble et ses 700 000 exemplaires vendus l'an dernier, quelle surprise vous réservez-nous pour 2016?
S. C. Dobble, en 2014, c’est 700 000 ventes en France et trois millions dans le monde… Ce qui est passionnant dans notre métier, c’est qu’il est difficile voire impossible de savoir si tel ou tel jeu va devenir un blockbuster à l’échelle d’un Dobble, d’un Jungle Speed ou d’un Aventurier du Rail. En revanche, lorsque nous lançons un jeu sur le marché, notre rôle est de tout faire pour qu’il rencontre son public. Ensuite il faut bien mesurer comment l’alchimie prend afin de pouvoir réagir très vite et installer le jeu sur le long terme. Aujourd’hui c’est la qualité de nos studios d’édition et de celle de nos partenaires éditeurs que nous distribuons qui nous permettront de faire émerger les blockbusters de demain.
Propos recueillis par Camille Drieu
Stéphane Carville. Premièrement, un véritable partenariat et travail d’équipe s'est mis en place avec Eurazeo. C’est non seulement un actionnaire financier qui donne accès aux ressources financières nécessaires pour nos projets de développement, mais c’est aussi un véritable business partner. J’aime discuter avec eux de nos choix stratégiques et je sens une vraie adhésion à notre stratégie. Cela nous permet d’avancer très vite et notamment d’avoir réalisé quatre acquisitions en un an dont les éditeurs Days of Wonder et Fantasy Flight Games. D’ailleurs, nous avons tout dernièrement finaliser notre cinquième acquisition : celle des droits d’édition, d’exploitation et de marque du jeu Dobble/Spot It! pour le monde entier.
Deuxièmement, sur le plan business, les opérations Days of Wonder et Fantasy Flight Games nous ont permis d’accroître très significativement notre présence sur le marché américain, premier marché mondial du jeu de société avec un marché de 1,8 milliard de dollars. Il représente maintenant approximativement 25 % du chiffre d’affaires du groupe, contre 5 % il y a un an. De plus, ces acquisitions sont venues renforcer notre portefeuille « jeu » et « propriété intellectuelle », un des vecteurs essentiels de création de valeur.
Décideurs. L'acquisition de ces éditeurs américains vont notamment vous permettre de vous positionner sur un marché du digital en plein essor pour les jeux de société.
S. C. Une des raisons de l’acquisition de l’éditeur Days of Wonder est qu’ils ont très vite compris les forts liens qui existent entre le jeu physique et le digital. Ils ont ainsi développé en interne une plate-forme afin de prolonger l’offre de leurs jeux sur des supports numériques. Aujourd’hui, Les Aventuriers du rail, création emblématique de Days of Wonder, est un des jeux au sein de la catégorie « jeu de société » les plus performants sur le numérique. Cette plate-forme, accompagnée par la progressive mise en place de notre organisation, va devenir l’ossature de notre future offre digitale.
Décideurs. Vous avez déclaré qu'entre 2013 et 2014 Asmodee avait « quasiment doublé de taille ». Votre groupe détrône ainsi l'américain Hasbro sur le territoire français. Comment s'explique ce succès?
S. C. Je pense que cela est lié à notre stratégie qui s’articule autour de quatre piliers. Tout d’abord avoir un focus maximum sur le produit (innovation permanente, animation terrain proche des joueurs qu’ils soient expert ou grand public). Deuxième pilier : chercher constamment à renforcer la qualité de notre portefeuille de jeux et nos propriétés intellectuelles. Autre point très important, construire un groupe international en accélérant notamment notre développement aux États-Unis. Enfin, comme évoqué, construire une offre digitale en complément naturel des expériences de jeu physique. C’est, je pense, le respect de ces quatre piliers qui nous permet d’avoir une performance à la fois de notre croissance organique et externe.
Décideurs. L'alchimie entre le jeu et le public est-elle difficile à trouver à l'heure des smartphones et autres tablettes?
S. C. Aujourd’hui, nous sommes sur des supports qui ne sont pas concurrents mais complémentaires. Le vrai sujet pour nous est de permettre à nos communautés, soit de joueurs expérimentés, soit grand public, d’avoir accès aux jeux sur différents supports. Notre objectif est de pouvoir accompagner les joueurs sur ce que j’appelle le chemin ludique. C’est-à-dire un chemin qui lui permet de jouer à son jeu préféré quels que soient les moments de la journée ou les situations. On joue ensemble autour d’une table entre amis et, le soir, on joue devant sa tablette avec des personnes du monde entier.
Décideurs. Vous avez également réussi un coup de maître avec votre filiale Kanaï Kids en étant le distributeur exclusif en France de Cra--Z-Loom l'été dernier.
S. C. L’idée de départ de Kanaï Kids était de répondre à nos clients qui avaient la volonté de travailler avec nous sur des produits dits de tendance. Ppour assurer la séparation entre nos activités stratégiques liées au jeu de société et des activités plus opportunistes, nous avons créé Kanaï Kids. C’est vrai que les bracelets Cra-Z-Loom ont fortement contribué au décollage de cette activité mais quand j’ai vu ce produit aux États-Unis, il était évident pour moi qu’il fallait le faire au sein de Kanaï Kids. Concernant leur contribution à notre performance globale, les bracelets ont représenté moins de 5 % de notre chiffre d’affaires total, mais cela reste un chiffre important. Nous savions que le succès de ce produit serait temporaire et pour 2015 nous prévoyons le même niveau de chiffre d’affaires pour Kanaï Kids mais sur plusieurs lignes de produits, atténuant sa forte dépendance à une seule gamme.
Décideurs. En 2011, vous avez ouvert une filiale en Chine. Qu'en est-il des jeux de société dans le pays de l'enfant unique et d'une éducation stricte ?
S. C. Le marché du jeu de société y est très différent de celui que nous connaissons en Europe ou aux États-Unis ; c’est un marché naissant qui réserve de belles opportunités. Nous avons ouvert notre bureau à Shanghai pour être au plus près et mieux le comprendre, mais aussi pour accompagner nos partenaires éditeurs qui avaient la volonté d’y faire distribuer leurs jeux. Nous avons aujourd’hui une quarantaine de jeux en portefeuille sur le marché chinois. Nous travaillons sur plusieurs axes pour notre future stratégie de développement et l’éducation en est un que l’on regarde avec attention.
Décideurs. Depuis votre création en 1995, Asmodee ne cesse de bousculer le secteur en le renouvelant. Après Dobble et ses 700 000 exemplaires vendus l'an dernier, quelle surprise vous réservez-nous pour 2016?
S. C. Dobble, en 2014, c’est 700 000 ventes en France et trois millions dans le monde… Ce qui est passionnant dans notre métier, c’est qu’il est difficile voire impossible de savoir si tel ou tel jeu va devenir un blockbuster à l’échelle d’un Dobble, d’un Jungle Speed ou d’un Aventurier du Rail. En revanche, lorsque nous lançons un jeu sur le marché, notre rôle est de tout faire pour qu’il rencontre son public. Ensuite il faut bien mesurer comment l’alchimie prend afin de pouvoir réagir très vite et installer le jeu sur le long terme. Aujourd’hui c’est la qualité de nos studios d’édition et de celle de nos partenaires éditeurs que nous distribuons qui nous permettront de faire émerger les blockbusters de demain.
Propos recueillis par Camille Drieu