Le 21 février dernier, un accord-cadre était signé entre la direction de la RATP et trois organisations syndicales (CFE-CGC, FO et UNSA) en vue d’améliorer la qualité de vie au travail et d’expérimenter la semaine en quatre jours. Nathalie Ponzévéra - Directrice Prévention et Santé au travail - DRH Groupe RATP - revient sur les enjeux pour le groupe et les principales mesures de l’accord.
Nathalie Ponzévéra (RATP) : "Nous souhaitons instaurer un cadre de travail sécurisant, stimulant et responsabilisant"
Décideurs RH. Vous aviez lancé, début 2023, une grande campagne de recrutement. Quel est le bilan ?
Nathalie Ponzévéra. À la suite de la crise du Covid, le groupe a rencontré un fort besoin d’intégrer de nouveaux collaborateurs, raison pour laquelle nous avons lancé une grande campagne de recrutement. Nous avons reçu près de 180 000 CV en 2023 et recruté plus de 6 000 personnes. Certains métiers – dont les agents de maintenance – sont toujours en forte tension. Mais même sur ces professions, nos objectifs ont été pleinement atteints.
Nous poursuivons les embauches en 2024 pour répondre aux besoins du groupe, qu’il s’agisse de mobilité interne, de départs à la retraite ou de départs volontaires.
Le groupe RATP vient de signer un nouvel accord avec trois organisations syndicales pour améliorer la qualité de vie au travail. Quelles en sont les raisons ?
L’un des enjeux majeurs concerne l’attractivité du groupe et la rétention de nos équipes. Après la pandémie, les salariés ont revu leur rapport au travail et leurs attentes, et ont souhaité obtenir un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Nous avons voulu y répondre et concrétiser une priorité du groupe : assurer l’engagement des salariés grâce à un cadre de travail sécurisant, stimulant et responsabilisant.
"Sécuriser une personne salariée chez nous revient également à l’accompagner dans son rôle de parent"
Quelles sont les principales mesures retenues ?
L’accord s’organise autour de deux principaux piliers : la sécurisation et l’émancipation des salariés.
Quand on parle de sécurisation, on aborde notamment les questions de l’accès au lieu de travail et du logement. Nous allons ainsi mettre en place un parcours "salarié logé" afin de proposer un logement qui réponde aux attentes de nos collaborateurs, à tous les stades de leur vie, en fonction de leur situation familiale et de leur évolution professionnelle.
Avant 2023, nous logions 500 familles par an. En 2023, nous en avons logé 860. Nous avons pour ambition d’atteindre 1 100 familles en 2024 et 1 200 familles d’ici à 2027.
Sécuriser une personne salariée chez nous revient également à l’accompagner dans son rôle de parent. Pour cela, nous allons doubler l’offre de places en crèche – en passant de 40 à 70/80 places – et l’adapter aux horaires décalés. Nous proposerons également des berceaux à proximité du domicile des bénéficiaires.
Nous travaillons aussi sur la qualité de vie sur le lieu de travail et lançons un vaste programme de rénovation des locaux destinés au personnel, notamment dans les enceintes ferroviaires souterraines (salles de pause, vestiaires, sanitaires, terminus, etc.).
Qu’en est-il du volet émancipation ?
Plusieurs dispositifs sont prévus pour assurer l’émancipation et le développement des salariés du groupe. Le dialogue autour de la qualité au travail (DQT) va être lancé prochainement. Quand nous sommes sur site, nous avons peu d’occasions pour discuter de notre métier en lui-même, de la façon dont on l’exerce, des difficultés rencontrées au quotidien.
La business unit Infrastructures et le CSRH vont l’expérimenter en 2024 et inviter managers, collaborateurs et organisations syndicales à se retrouver autour de la table pour dessiner des pistes d’amélioration du travail au quotidien. C’est aussi une manière d’autonomiser et de responsabiliser les équipes.
L’accord prévoit enfin de remettre les managers au cœur de leurs équipes, en leur libérant du temps afin qu’ils soient plus présents sur le terrain. Pour cela, nous visons notamment l’instauration d’une demi-journée par semaine sans réunion, mais aussi un travail autour de l’optimisation et de l’efficacité des réunions.
"Pour favoriser l’engagement des salariés et lutter contre l’absentéisme, il faut travailler sur de nouveaux rythmes de travail"
L’accord prévoit également l’expérimentation de la semaine en quatre jours. Pourquoi avoir choisi ce dispositif ?
Pour favoriser l’engagement des salariés et lutter contre l’absentéisme, il faut travailler sur de nouveaux rythmes de travail. Actuellement, l’un des roulements en vigueur est de six jours de travail, deux jours de pause, six jours de travail, sur un cycle de 42 jours. Or une étude menée au sein de la RATP a fait apparaître une nette augmentation de l’absentéisme les cinquième et sixième jours.
L’expérimentation lancée le 28 janvier dernier avec 180 agents volontaires du RER B et des lignes 5, 7 et 9 du métro maintient le cycle de 42 jours, mais selon un autre roulement – quatre jours de travail, deux jours de repos, quatre jours de travail – qui leur permet de se reposer plus rapidement. Nous avons souhaité conserver une certaine souplesse : ainsi, la semaine en quatre jours se fait à la carte selon les besoins de chacun et chacune. Les retours sont très positifs et les médecins du travail ont validé ce dispositif.
Les managers de ces lignes sont également concernés par l’expérimentation qui prévoit quatre jours de travail – avec une amplitude de travail journalière augmentée d’une heure et quinze minutes – et trois jours de repos. Les retours sont très positifs : les managers faisaient déjà plus d’horaires que ce qui est contractualisé. Ce temps supplémentaire est désormais reconnu et valorisé par un jour de repos en plus.
Propos recueillis par Caroline de Senneville