Fidal a définitivement tourné la page
"Avec Christophe Mikolajczak et Jean-Godefroy Desmazières, nous avons fait équipe pour reprendre les rênes du cabinet au début du confinement alors que le dossier KPMG n’était pas encore clos", se souvient François de Laâge de Meux, qui occupe aujourd’hui le poste de président du directoire. Depuis, Fidal a retrouvé le chemin de la croissance et le litige né du départ d’une centaine d’avocats fiscalistes pour créer l’entité juridique du cabinet d’audit partenaire de Fidal s’est soldé par une transaction en septembre 2020 mettant fin à l’alliance entre Fidal et KPMG. Les choses ont bien changé au sein du géant français qui réunit un effectif total de 2 000 personnes dont 1300 avocats (parmi lesquels près de 500 associés) répartis dans 87 bureaux en France. "Il serait impossible de créer maintenant Fidal tel qu’il est aujourd’hui", assure le nouveau patron, pour insister sur la valeur intrinsèque de l’enseigne pour laquelle il travaille depuis bientôt trente ans : sa singularité sur le marché français du droit des affaires et de la fiscalité grâce à son implantation nationale inédite.
Le chemin de l’indépendance
Les trois membres du directoire sont en phase. Jean-Godefroy Desmazières, quadragénaire en provenance du bureau de Lyon chargé notamment de l’international et du digital de Fidal ; Christophe Mikolajczak, qui dirigeait Fidal en Normandie et tient aujourd’hui les clés des finances du cabinet, et François de Laâge de Meux, l’ancien patron de Bordeaux qui vient de passer le relais à la spécialiste des transactions viticoles Anne de Galzain, s’accordent sur un point crucial : le cabinet doit asseoir sa stratégie sur son indépendance. "Nous ne croyons pas que le modèle des big four soit à l’avenir plus porteur pour nos équipes et nos clients", confie le président du directoire. Raison pour laquelle le trio a résisté à quelques sollicitations internes visant à ce que le cabinet, fidèle à son histoire qui a débuté par la Fiduciaire de France (un temps où KPMG et Fidal étaient une seule entité avant que l’ordonnance de 1945 n’impose une scission entre les activités comptables d’une part et les activités juridiques et fiscales d’autre part), rejoigne un nouveau réseau d’auditeurs financiers. Pour le nouveau directoire, l’indépendance de la firme est le chemin qu’il faut suivre à présent, et cela pour plusieurs raisons.
Tout d’abord parce que cela n’en impose pas de rester isolé. Fidal a toujours inscrit son intervention dans une dimension internationale, ce qu’il a confirmé début 2021 en signant son entrée dans le réseau de fiscalistes WTS Global grâce au travail de son associé Laurent Leclercq, qui vient d’intégrer le board de l’alliance. Une démarche reproduite pour son volet juridique grâce à la création d’une alliance avec son homologue allemand Luther. Ensemble, ils ont créé Unyer, "une organisation dont les membres sont liés par une relation d’exclusivité géographique, ce qui n’existe pas encore aujourd’hui sur le marché", déclarait Markus Sengpiel, membre du comité exécutif d’Unyer et managing partner de Luther lors de l’officialisation de leur projet en mai dernier. Ayant déjà séduit l’italien Pirola Pennuto Zei & Associati, Unyer, dont la CEO est l’avocate parisienne de Fidal, Christine Blaise-Engel, regroupe à présent 2 500 avocats et juristes, auxquels s’ajouteront prochainement des membres espagnols, portugais, belges, luxembourgeois et néerlandais mais aussi d’Europe de l’Est. La construction de l’alliance exclusive, qui complète les partenariats bilatéraux construits par Fidal ailleurs dans le monde, débute à peine. Au Royaume-Uni, pour le moment rien n’est fait, le français conservant son lien historique avec Mills & Reeve. "Notre objectif est de devenir plus puissants encore avant tout déploiement aux États-Unis", confie François de Laâge de Meux.
Interprofessionnalité
Mais en France aussi l’indépendance constitue un atout certain, avant tout parce que Fidal mise sur l’interprofessionnalité. La réflexion qui porte sur le métier de notaire est déjà bien avancée. Le cabinet, qui détient déjà des participations dans des études à Lille et Paris réunissant au total 60 professionnels dont 6 notaires associés, sait que son département consacré au droit patrimonial pourrait y gagner en importance. Aux opérations de transmission pourraient s’ajouter l’aboutissement des projets immobiliers et la rédaction d’actes notariés. "Nous travaillons avec nos notaires depuis 1994 mais la loi Macron de 2015 facilite les choses en France et notre partenaire Luther, lui, réunit déjà les deux professions. Ces alliances représentent donc pour nous l’avenir du cabinet mais aussi une nouvelle perspective de carrière pour de jeunes notaires entrepreneurs qui cherchent une autre voie d’exercice que le modèle traditionnel", se réjouit le Bordelais. Nous travaillons le sujet en vue de l’assemblée générale de mars 2022, nos associés décideront."
La profession d’expert-comptable n’est pas dans le viseur de Fidal puisque les partenariats avec de très nombreux cabinets ont été tissés depuis longtemps maintenant. Il serait difficile d’en sélectionner un seul. En revanche, les métiers du conseil non réglementé intéressent le géant français : conseil en stratégie opérationnelle, en transition numérique, en logistique… à destination des PME et ETI qui constituent une part importante de la clientèle de Fidal. Cela permettrait à ses avocats d’intervenir davantage encore sur le volet juridique et fiscal des projets d’envergure. Par ailleurs, Fidal a participé à la création de Faire! mieux, une SAS dotée d’une raison d’être qui vient d’être lancée avec Hopscotch, cabinet de conseil en communication, Kea Partners, conseil en stratégie et Philippe Goetzmann, porteur du projet, issu du secteur de la grande distribution. Faire! Mieux a pour ambition d’imaginer, impulser et faire aboutir des projets multi-partie à impact positif pour la transition alimentaire. "Cette initiative à laquelle nous sommes heureux de participer est en phase avec notre souhait de contribuer, avec nos partenaires issus d’autres métiers que le nôtre, à la prise de conscience et à l’amélioration de l’impact de notre économie. Cela correspond pleinement à nos valeurs puisque notre rôle dans la société ne se résume pas à son impact économique", se félicite François de Laâge de Meux.
Enfin, Fidal a également de l’ambition pour ses deux filiales. Fidal Innovation tout d’abord, aujourd’hui dirigée par Geoffroy Cousin et constituée d’une dizaine de conseils en propriété industrielle, vient d’ouvrir un bureau sur le campus prometteur de Paris Saclay. Des projets de développement et des recrutements sont en cours. Fidal Fiducie continue, elle aussi, à croître. Son fondateur Bruno Berger-Perrin vient de passer le relais à Dominique Davodet avec l’ambition de franchir une étape supplémentaire dans l’utilisation de cet outil d’ingénierie juridique.
Une approche décentralisée profitable
À tous égards, l’indépendance s’inscrira naturellement dans l’ADN de Fidal et notamment dans sa stratégie de croissance, avec un équilibre à trouver entre Paris et les régions. Puisque l’équipe parisienne est celle qui a été principalement touchée par les départs d’avocats en janvier 2019, elle est concernée au premier chef par le plan de recrutement. Après avoir regroupé l’ensemble des avocats dans la tour Prisma de La Défense en avril dernier tout en conservant des locaux de réception à Paris, avenue de Villiers, le cabinet a confié les clés de la capitale à une nouvelle gouvernance composée de cinq associés : Patrice Graillat, Alain-François Chéneau, Laurent Leclercq, Guillaume Nuttens et Éric Joanne. L’objectif est d’impulser une nouvelle dynamique à une entité qui constitue 25 % du chiffre d’affaires global.
Et pour les régions, la stratégie bénéficie du contexte économique : "De nombreux avocats sont dans l’antichambre de l’association au sein de grands cabinets parisiens. Notre approche décentralisée profite à celles et ceux d’entre eux qui souhaitent quitter Paris." Ce d’autant plus que le sujet du salariat fait l’objet de réflexions, le cabinet se montrant aujourd’hui très ouvert, notamment dans la perspective de sa politique active de recrutement à venir sur l’ensemble du territoire. Les associés ont déjà opté pour le régime des travailleurs non-salariés, qui convient à l’esprit entrepreneurial d’une profession libérale. "Enfin nous souhaitons réussir à convaincre davantage de femmes à prendre des responsabilités managériales au sein du cabinet."
Le nouvel élan recherché par le directoire est lancé. Et ce, d’autant plus que le trio a obtenu la confiance de ses associés à l’issue de la réforme de la gouvernance. Les quatre prochaines années – huit en cas de renouvellement – seront celles de l’entrée dans le prochain centenaire pour une marque née en 1922. En interne, on assure que les conditions sont là pour accélérer le développement des synergies entre les différentes entités et partenaires. Enfin, le stock d’actions restant à vendre après les départs (retraite et autre) est épuisé. En somme, des bases solides pour construire l’avenir sereinement.