Cette opération, l’une des plus importantes de l’année dans la tech, vise à créer un poids lourd capable de concurrencer le leader mondial. Une entreprise française puisqu’il s’agit de Dassault Systèmes.

Synopsys et Ansys sont deux groupes peu connus du grand public. Lorsque le premier a annoncé l’acquisition du second en début d’année, cela n’a pas fait les gros titres, hormis dans la presse tech. Pourtant, le montant n’est pas anodin : 35 milliards de dollars. Pour donner un ordre de grandeur, il s’agit de la même somme que le plan d’aide à l’Ukraine voté par l’Union européenne en octobre.

Bataille de puces

Discrets, peu médiatiques, les deux protagonistes occupent une place centrale dans le secteur de l’informatique. Fondé en 1986 par Aart de Geus, Synopsys est une société californienne de 20 000 collaborateurs spécialisée dans le développement de logiciels à destination des fabricants de semi-conducteurs et d’ordinateurs.

Ansys n’est pas un concurrent direct et se positionne sur un business model différent. Le groupe fondé en Pennsylvanie en 1970 est spécialisé dans l’ingénierie assistée par ordinateur et la simulation numérique appliquée. Il développe, promeut et assure le support de logiciels de simulation permettant de prédire le comportement d’un produit. Sa réalisation phare est un logiciel de CAO (conception assistée par ordinateur) et ses principaux clients sont de grands groupes d’aérospatiale de défense, d’automobile, d’énergie, de construction et dans une moindre mesure de santé et de produits de consommation.

Mégadeal

Pour mettre la main sur Ansys, Synopsys a dépensé 35 milliards de dollars. Il s’agit d’un des plus gros deals de l’histoire de l’informatique derrière l’acquisition d’EMC par Dell pour 67 milliards de dollars en 2016 et de VMware par Broadcom pour 61 milliards de dollars en 2023. La somme mise sur la table est plus importante que des opérations qui ont fait couler beaucoup d’encre, notamment le rachat de Cerner par Oracle pour 28,3 milliards de dollars à l’été 2022. Le groupe dont le siège social flambant neuf est implanté à Sunnyvale a utilisé un montage financier audacieux en proposant aux actionnaires d’Ansys de racheter leurs parts au prix de 197 dollars par action ainsi que 0,345 action de Synopsys pour chaque titre d’Ansys détenu. Au total, cela représente 390 dollars par titre, selon des calculs réalisés par la presse économique américaine.

De nombreux gouvernements craignent la puissance de la nouvelle entité

Devenir incontournable

Dans un communiqué de presse, Sassine Ghazi, PDG de Synopsis, a déclaré que le deal « rapprochera les solutions d’automatisation de la conception électronique de Synopsys avec l’offre de classe mondiale en simulation et analyse d’Ansys et permettra de proposer une approche unique afin de maximiser les capacités des équipes de recherche et développement dans de nombreuses industries ».

Si cette déclaration peut sembler floue à l’oreille du profane, un point semble important. Le modèle du nouveau géant est français : Dassault Systèmes. La nouvelle entité a une taille et une puissance qui font frissonner de nombreux gouvernements pour qui la souveraineté numérique devient de plus en plus primordiale. La Chine, l’Union européenne et la Grande-Bretagne sont toujours en train d’examiner la légalité de l’opération mais les avocats américains se déclarent plutôt confiants. Si la production de semi-conducteurs est stratégique en ce XXIe siècle, l’Europe trop souvent moquée tend vers l’autonomie et la souveraineté grâce au néerlandais ASML, lui aussi méconnu…

Lucas Jakubowicz

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