Quand Facebook devient Meta, le géant du numérique donne le départ d’une course collective vers les métavers. Pierric Duthoit, directeur business, pilote la direction commerciale de Meta en France, mais aussi l’acculturation aux mondes virtuels. Il revient sur la vision et l’économie de ces univers d’interactions numériques.
"Meta ne va ni construire ni posséder le métavers"
Décideurs. Comment envisagez-vous le métavers et ses perspectives ?
Pierric Duthoit. C’est le futur d’Internet. Au cœur de cette nouvelle manière d’interagir entre les personnes et les nouvelles technologies, on trouve une expérience à la fois spatialisée et différente. C’est d’autant plus excitant, qu’on ne peut pas en cerner la courbe d’apprentissage. Pour l’illustrer, je reprends souvent l’exemple du téléphone portable. Alors qu’il s’agissait d’un outil pour se parler à distance, nous disposons désormais aussi d’un ordinateur dans la poche.
Dans notre métavers Horizon World, nos équipes travaillent sur des use-cases d’expériences sociales avec les utilisateurs. S’il s’agit d’un test-and-learn assez classique, cela leur donne la possibilité de construire leur monde, d’alimenter leur page Facebook et de créer des éléments dans cet univers, en mode développeur.
Quelle vision business avez-vous des métavers ?
Pour ce qui est de la réalité virtuelle pure, les business models du gaming et du divertissement sont déjà bien installés. Le Meta Quest Store enregistre déjà plus de 1 milliard de dollars de ventes. Le nombre d’applicatifs croît et confirme une économie solide. À l’échelle de l’Europe, l’opportunité économique du métavers atteindrait les 440 milliards d’euros à horizon 2030. Au niveau mondial, les perspectives frôleraient le PIB du Japon.
Quant aux modèles économiques, nous n’en sommes qu’au début. Le modèle publicitaire demeure le plus simple pour que tous les utilisateurs partagent des expériences identiques. À date, plus de 97% des revenus de Meta proviennent de la publicité. La transition vers le métavers repose également sur le concept de réalité augmentée. Cette superposition en temps réel d’éléments sonores et d’images ouvre un large champ des possibles, y compris dans un cadre publicitaire.
Quel degré d’engagement discernez-vous de la part des entreprises ?
Toutes les entreprises s’intéressent au métavers et aux moyens d’y adapter leur business model si c’est pertinent. Les sociétés agiles ou novatrices se lancent déjà dans le métavers. C’est le cas de celles dans les domaines du luxe et de l’automobile. Volvo, Cartier, Dior, entre autres, manient déjà la réalité augmentée pour favoriser une immersion plus importante dans leurs publicités. La plupart des entreprises s’attache à comprendre les business cases pertinents. Si l’apprentissage virtuel est le cas de figure le plus répandu pour le moment, on arrive à des déclinaisons plus spécifiques avec la modélisation de molécules au profit de la recherche, ou encore, des fonctionnalités qui favorisent la relation client.
"L'opportunité économique du métavers atteindrait 440 milliards d'euros en Europe"
Dans quelle mesure Meta participe-t-elle au dynamisme de l’industrie des métavers ?
À l’échelle mondiale, nous souhaitons anticiper sur les normes dans le métavers, notamment à travers le Metaverse Standard Forum que nous avons cofondé. Compte tenu de notre place sur le marché, nous nous devons d’être en avance sur tout ce qui est constitutif d’un métavers inclusif. Meta ne va ni construire, ni posséder le métavers.
Nous attachons beaucoup d’importance à la construction de l’écosystème de manière collective En décembre dernier, nous avons ouvert l'Académie du métavers à Nice et à Marseille. Celle-ci est née d’un partenariat avec Simplon.co, une entreprise sociale et solidaire de formation au numérique, cette école propose un cursus professionnalisant gratuit afin de devenir développeur de réalité virtuelle. Inclusive, cette formation nous permet d’interagir avec le tissu local français pour cibler le besoin de formations. Nous participons à ce dynamisme, notamment à travers des partenariats. La semaine dernière, nous avons annoncé, avec l’incubateur parisien Station F et L’Oréal, la promotion de cinq start-up dont les innovations vont soutenir le déploiement des métavers.
Qu’est ce qui différencierait le métavers de Meta des autres univers virtuels ?
Nous misons sur nos points forts : la puissance de calcul et nos algorithmes d’intelligence artificielle, sur lesquels travaillent notamment nos chercheurs de FAIR dont l’acronyme signifie « Fundamental Facebook Artificial Intelligence Research ». Nos utilisateurs recherchent la fluidité d’interaction, sans couture ni temps de latence. Cette qualité technique soutiendra des expériences virtuelles au plus près de celles du monde réel.
Qu’est-ce-qui se profile à l’horizon pour les métavers et Meta ?
Pour que les meilleurs mondes se rejoignent, l’interopérabilité est clé. À terme, le maelström de visions va finir par s’unifier. Meta recense 3,7 milliards d’utilisateurs, dont trois milliards tous les jours : contenus, communautés et créateurs abondent. C’est avec eux que nous créerons un monde interopérable, où de nouvelles expériences sociales se déploient. Depuis peu, les avatars sur Meta sont désormais interopérables avec WhatsApp. Déjà, un utilisateur sur cinq de Meta utilise son avatar comme photo de profil sur l’application de messagerie. C’est bien la preuve que les utilisateurs recherchent cette interopérabilité.
Nous avons d’autres projets novateurs en ligne de mire. Pour ceux qui ne le sauraient pas, Meta sponsorise la Coupe du monde de rugby 2023. Dès septembre prochain, ce sera l’occasion d’une expérience de réalité, virtuelle et augmentée, à ne pas manquer.
Propos recueillis par Alexandra Bui