La crise de Covid l'aura sans doute exacerbée. De fait, la capacité des entreprises à extraire des informations utiles à partir des données, souvent en temps réel, est devenue un impératif de la plus haute importance stratégique. Pour cela, malgré l'adoption de technologies de plus en plus sophistiquées, l’efficacité de ces solutions reste limitée si les données ne sont pas en quantité ni en qualité suffisantes et facilement accessibles. Tout l'enjeu est de surmonter les obstacles en matière de traitement de ces données.

Toutes les entreprises, tous les administrations publiques, tous les établissements financiers ont aujourd’hui une part conséquente de leur plan de transformation digitale positionnée sur la valorisation de leurs données. La réponse à la sempiternelle question de "qu’est-ce que la valeur d’une donnée" trouve enfin des réponses polymorphes. 

La donnée élévée au rang de chevalie de l'ordre national du mérite 

Le concept de développeur citoyen a explosé aux yeux de tous avec le phénomène https://covidtracker.fr et l’exposition médiatique de Guillaume Rozier.  

Quelle évolution pour le taux d’incidence, le nombre de nouveaux cas, le nombre de primo-vaccinés ? Autant d’indicateurs qui ont induit des prises de décision exécutives. Nous noterons au passage que personne n’ira vérifier la précision, l’exactitude de ces taux mais dans le cadre d’une information de masse, seule la tendance semble prépondérante.  

Il était déjà certain que l’information donnait du pouvoir mais la crise sanitaire a mis en exergue une réponse simple : La donnée a une valeur sociétale dès lors qu’elle se transforme tout simplement en information. 

L'éthique de la donnée se limite à celle de celui qui l'exploite

Il est aujourd’hui admis que la donnée n’a pas de valeur éthique intrinsèque mais soulève des enjeux d’éthique si elle n’est pas utilisée de façon responsable, durable. A contrario une donnée utilisée à des fins d’amélioration d’empreinte écologique, consentie par les clients, informative pour le plus grand nombre sont autant de gages de labels éthiques pour les entreprises. 

Comme le rappelait William Edward Deming : “Without data you're just a person with an opinion.” / Sans donnée, vous êtes juste quelqu'un avec une opinion. Bien évidemment les données permettent d’objectiver ses opinions, mais constituent-elles l’argument ultime et irréfutable ? Les débats sans fin et les déluges de statistiques dans le contexte covid nous ont montré que toute information reste finalement soumise à interprétation de celui ou celle qui s’en revendique. 

Quand la véracité et la fiabilité des informations diffusées par le site https://covidtracker.fr s’imposent à tous, y compris aux scientifiques et au gouvernement, c’est bien l’ensemble de la société qui doit prendre conscience que les limites, les enjeux d’éthique et de responsabilité concernent tous les maillons de la chaîne : des sources aux communicants. 

Le mouvement apporte une nouvelle valeur à l'information

La donnée a bien entendu une valeur économique, il ne s’agit plus seulement de piloter la performance de son entreprise, de mieux connaitre son client, citoyen, sociétaire, abonné pour le fidéliser mais bel et bien de détecter les signaux, parfois faibles, émis par ce tiers qui confie ses données à des fins de satisfaction, de compensation parfois. De la fidélisation à la satisfaction, la donnée est au cœur, mais encore faut-il que cette donnée circule car c’est bien cette circulation de la donnée, cette libération des données qui engendrent de la valeur.  

Les tendances de plateformisation des entreprises exacerbent également ce besoin de fluidité des échanges : 

- en ouvrant les systèmes d’information  

- en maîtrisant son stock de données, c’est-à-dire les données générées et gérées en propre au sein de l’entreprise. Disposer de référentiels d’entreprise, d’une organisation et d’une gouvernance structurées devient fondamental.

- en construisant des règles d’interopérabilité, de traçabilité et de compliance qui doivent s’appliquer à toutes les parties prenantes afin de garantir que les utilisations des informations sont cohérentes avec les promesses clients et les contraintes réglementaires.

Cependant, nous noterons cette fois, que la mise en place d’une taxonomie commune ainsi que la qualité de la donnée revêtent une importance capitale car elles sont le reflet de la qualité de la relation "intuitu personae" entre les entités et personnes contributrices d’un écosystème. 

L'organisation doit se mettre en situation d'exploiter tant du stock que des flux

Circulation, traçabilité, qualité, ontologie, personnalisation, protection des données … autant de processus souvent à prioriser, combiner, délaisser aussi qui composent la fameuse gouvernance des données confiées à des "Administrateurs de données", "Chief Data Officer", "Responsable de Pôle Data" … Ces nouveaux départements qui se créent massivement dans les entreprises, les administrations peinent parfois à trouver leur place. 

A côté des systèmes d’information, elles peineront à abstraire la complexité du traitement du cycle de vie de la donnée pour les métiers et parfois seront mortes-nées car vues comme la n-ième initiative pour ne serait-ce que faire aboutir un système de pilotage de performance d’entreprise. 

A côté des métiers, elles reproduiront des effets silos mettant à mal la circulation, la documentation, l’appropriation des données pour tous mais également généreront des systèmes d’information Data parallèles, difficilement maitrisables et décorrélés des grands mouvements technologiques. 

Aussi, un positionnement en intermédiation entre le métier et l’informatique, rattaché, sponsorisé au plus haut niveau de l’entreprise avec en lettre de mission simple "Partager une vision pragmatique qui permettent de donner sens aux données au regard des missions de l’entreprise", tel doit être le cadre de valorisation, harmonisation, circulation des données. 

Appliquer une approche produit à la donnée lui confère une garantie d'usage

Indubitablement, cela passera par la nécessité d’explorer, automatiser les processus pour gagner en efficacité, de positionner le curseur de qualité des données à bon escient et certainement sur les données cœur de métier (les référentiels), de penser qu’à chaque extrémité du cycle de vie de la donnée il y a un producteur et un consommateur qui se doivent chacun de connaitre l’impact de leur geste métier sur les données produites puis analysées, de gérer cette infobésité en la contraignant dès son plus jeune âge à une cure de métadonnées, documentation, protection. Une bonne circulation des données au final ne peut se faire qu’en appliquant un leitmotiv simple : quel usage va me donner rapidement le meilleur impact sur mon quotidien et s’inscrire dans le cadre de la promesse de mon entreprise. Mailler les données utiles en logique "Producteur – Consommateur" tout en conservant une philosophie d’approche "pour le plus grand nombre d’usages", considérer la donnée comme un produit sont aujourd’hui 2 clés de réussites des incitatives Data les plus pragmatiques, les plus abouties. 

Cet aboutissement sera encore plus fort en admettant que le niveau de criticité de ses données, la valeur de ses usages induisent des cycles d’industrialisation adaptés, souvent plus rapides, plus agiles. Doit-on encore tester, re-tester, sur-tester des indicateurs de tendance ? Qui ira aujourd’hui analyser la véracité des indicateurs de tendances sanitaires si elle permet aux pouvoirs publics de prendre des décisions. Réviser la criticité de ces usages, repenser les modèles opérationnels en les orientant processus, revoir les goulots d’étranglements des premiers lacs de données, ajuster le niveau d’industrialisation attendu en désacralisant la « mise en production » sont les vrais défis de la Data et de l’IA. 

Les nouvelles possibilités et capacités offertes autour de la donnée imposent de revisiter ses choix et ses investissements même récents 

Les données révèlent un gisement de valeur encore nettement sous exploité. A l’heure actuelle, l’écosystème des fournisseurs et technologies reste trop immature ce qui ne favorise pas l’émergence de standards ou de pratiques à l’état de l’art. Ainsi, les choix technologies mêmes récents sont actuellement confrontés aux nouveaux enjeux liés à l’industrialisation, la réplicabilité et à la robustesse attendue de composants stratégiques et critiques intégrés aux processus opérationnels des entreprises. 

Comme un éternel recommencement depuis les prémices de l’informationnel, du décisionnel autour des entrepôts de données il y a 30 ans et maintenant de l’analyse prescriptive et de l’intelligence artificielle autour des maillages et lacs de données, il convient à nouveau de penser "stratégie Data" pour tenir compte de l’évolution des enjeux sociétaux, politiques, économiques, écologiques, mais aussi de l’évolution des organisations, des processus, des technologies qui constituent les contours d’une stratégie pragmatique, mesurable, révisable qui devra respecter ses promesses. 

Sur les auteurs. Xavier Landry, expert Data depuis plus de 20 ans, est le partenaire privilégié de nos clients autour de la construction et la déclinaison de leur stratégie Data : trajectoire et modèle économique, valorisation des données et usages, sensibilisation et acculturation des organisations, gouvernance des données et processus associés, plateforme et architecture. Il est également le Partner en charge des entités Conseil Sopra Steria Next Nantes/Niort et Bordeaux.

Julien Masson est Directeur du Centre d’Expertise Digital créé en 2019. Il est spécialisé depuis plus de 20 ans dans la transformation digitale, l’optimisation des modèles économiques et opérationnels des DSI. Il intervient sur des grands programmes de transformation de l’organisation et des systèmes d’information de banques et assureurs de premier plan.

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