"Pas un seul dollar ne doit être dépensé tant que l'annonceur ne sait pas ce qu’il souhaite accomplir"
Décideurs. Les enjeux du marketing direct ont-ils évolué à l’heure du numérique ?
Howard Draft. Pour développer la stratégie d’une campagne, vous devez connaître vos objectifs et mettre en place des outils de mesure de votre performance. Peu importe la dépense X engagée pour l’acquisition d’un client, la durée de vie de ce client sera toujours un multiple de X. Quand j’ai commencé le marketing direct il y a trente-cinq ans, nous commencions toujours par nous demander : quel est le coût du produit ? Puis, quel multiple va-t-on appliquer au coût de ce produit pour pouvoir nous offrir le média le mieux adapté? Évidemment, tout cela est aujourd’hui bouleversé avec les nouveaux médias. Mais si les méthodes ont changé, l’acquisition et la conservation d’un client restent les enjeux fondamentaux.

Décideurs. Le retour sur investissement est-il devenu la priorité ?
H. D.
Pour toute forme de publicité l’adéquation du retour sur investissement est primordiale. Il y a toujours eu ce doute chez les gens du marketing, et que l’on retrouve dans la bouche de Lord Lever : « Je sais que la moitié de mes opérations publicitaires est inefficiente. Le problème, c'est que je ne sais pas de quelle moitié il s'agit. »

Aujourd’hui, il est très aisé de savoir, par segment et par média, ce qu’il en coûte d’acquérir un nouveau client. L’analyse des données permet aussi de déterminer la qualité de ce client, et de sélectionner les clients en fonction de leur point d’entrée. Selon l’offre promotionnelle ou le média par lequel ils sont venus, leur qualité sera très différente.

Plutôt que de focaliser sur le ROI, il faut donc commencer par se demander quel est l’objectif du business. Pas un seul dollar ne doit être dépensé tant qu’on ne sait pas ce qu’on essaie d’accomplir.

Décideurs. Comment s’assurer de la rentabilité d’une campagne ?
H. D.
On peut acquérir un volume élevé de clients de moins bonne qualité, ou des clients de bonne qualité sur le long terme. Tout dépend de la combinaison de médias que l’on choisit pour cela. Traditionnellement, faire une grosse promotion rameute un public certes massif, mais sans grande loyauté. En développant un produit et une offre média équilibrés, les probabilités de développer une relation au long terme sont plus fortes

La beauté du direct marketing digital n’est pas tant dans la première vente, mais dans la récurrence des achats qui seront faits dans le futur. Historiquement, dans le marketing direct, on ne gagne pas d’argent sur la première acquisition. C’est en prenant la base de données et en lui offrant de nouveaux produits au marketing adapté que la rentabilité se fait. Encore une fois, le business doit donc vraiment être fondé sur les objectifs du client.

Décideurs. Avec tous les outils de mesure, diriez-vous que votre métier est devenu plus facile ?
H. D. 
Il est incontestablement plus difficile. Il y a tant d’options, tant de médias pour faire du marketing que les stratégies sont devenues très complexes. Nous sommes désormais guidés par la performance de nos campagnes, que les clients mesurent en direct. Auparavant une marque se construisait sur plusieurs années.

Par ailleurs, la relation entre les agences et les marques est bien plus volatile. Avant, la relation était construite directement avec la direction. Tout ça a été poussé vers le bas, c’est moins romantique, et c’est bien plus dur. Nous faisons également face à un turnover plus élevé des CMO. En moyenne, ils changent d’employeur tous les deux ans ! Même votre client change de visage. Un nouveau responsable arrive, et il recrute une nouvelle agence.

Décideurs. Comment voyez-vous le marché évoluer ?
H. D.
L’activité des agences est cyclique. La tendance du moment est que les holdings prennent une part active dans la détermination des rôles de chaque agence sur une campagne. À titre d’exemple, il a été annoncé que Cadillac confierait son budget publicitaire à IPG. Cette dernière a décidé de mettre trois de ses agences sur le projet, en fonction de leurs spécialités. C’est tout à fait nouveau, et je pense que c’est une très bonne chose. Quand on sait ce dont le client a besoin, on lui apporte la meilleure combinaison possible au sein de la holding, qui se transforme en une plateforme multi-agences.

La vraie concurrence aujourd’hui est entre les agences spécialisées (digital, promotions, retail…), et les agences qui sont 100 % intégrées. Le modèle de Draftfcb est intégré à 100 % : certains clients viennent chercher cela, d’autres veulent juste une partie de ce que l’on peut leur offrir. Pour un client comme Nivea, nous ne nous occupons que de la publicité, alors que nous avons les moyens de leur fournir d’autres expertises.

Décideurs. De votre côté de la barrière, quelles sont les bonnes qualités du CMO ?
H. D.
 Le meilleur CMO est celui qui peut décrire tôt dans le process, très en amont, ce qu’il attend de son agence. C’est celui qui permet de définir les objectifs de la campagne et de mettre sur le papier les critères de succès. Par ailleurs, la relation de partenariat entre une agence et le CMO se développe dans la durée. Elle est nécessaire à l’instauration d’un état de confiance, qui est la chose la plus merveilleuse qui soit dans notre métier.

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