La décision de la Cour de justice de l’Union européenne relative à l’affaire Google AdWords a été rendue le 23 ma dernier. Très attendue par les acteu du Web, elle a laissé un goût d’inachevé quant à la clarification du régime de respoabilité applicable aux moteu de recherche et autres fournisseu d’accès à Internet.

La décision de la Cour de justice de l’Union européenne relative à l’affaire Google AdWords a été rendue le 23 mars dernier. Très attendue par les acteurs du Web, elle a laissé un goût d’inachevé quant à la clarification du régime de responsabilité applicable aux moteurs de recherche et autres fournisseurs d’accès à Internet. Éditeur ou hébergeur ? This is still the question.

Après le site d’enchères en ligne eBay, un autre acteur majeur d’Internet s’est attiré les foudres de l’industrie du luxe et d’autres titulaires de droits de marque. En cause : la plate-forme publicitaire AdWords mise en place par le moteur de recherche Google.


Et Google créa la publicité sur Internet

En 2001, la célèbre société californienne lance une offre de référencement payant baptisée AdWords. Moyennant paiement, ce système permet à un annonceur de promouvoir son propre site commercial en affichant un lien dès que l’internaute effectue une recherche à partir d’un mot-clé sélectionné en amont par l’annonceur lui-même. Près de dix ans après son lancement, ce dispositif de liens commerciaux est un véritable succès. Outil de communication devenu indispensable sur un marché où la part du commerce électronique ne cesse de croître, il représente une mine d’or pour Google qui tire plus de 90 % de son chiffre d’affaires, soit 16,5 milliards d’euros en 2009, de la publicité. Toutefois, en parallèle, AdWords devient rapidement une source d’ennuis judiciaires pour le géant du Net.

Dès la mise en place du système, de nombreux utilisateurs font le choix de réserver comme mots-clés des signes – le nom de marques – de leurs concurrents afin d’attirer le consommateur sur leur propre site. Un site vendant des produits similaires, identiques, voire contrefaisants. Se rendant compte de l’usage fait de leurs marques, les titulaires de droits, à l'image du groupe de luxe Louis Vuitton, saisissent la justice.


Des juges français aux juges européens

Dès 2003, les premières décisions tombent : tantôt les juges condamnent Google pour contrefaçon, tantôt ils mettent en avant son statut d’hébergeur et son régime de responsabilité limitée (lire encadré ci-dessous). Les différentes affaires arrivent devant la Cour de cassation qui, face à une telle disparité de jurisprudence, décide de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’une question préjudicielle*. Dans son arrêt du 20 mai 2008, la Cour de cassation demande à la Cour suprême européenne si l’utilisation d’une marque comme mot-clé constitue un usage susceptible d’être interdit par le droit des marques. L’enjeu est de taille : il s’agit de trancher entre la protection du droit de la propriété intellectuelle − les titulaires de marques souhaitent protéger la valeur de leur signe – et la liberté du commerce avec, en ligne de mire, la question de la responsabilité des prestataires Internet.


Engager la responsabilité de Google

Le 22 septembre 2009, l’avocat général près la CJUE, Poiares Maduro, donne un premier élément de réponse. Il rapporte dans ses conclusions que « les droits de marque ne peuvent s’entendre comme des droits de propriété classiques permettant aux titulaires d’exclure tout autre usage. (...) Au lieu de pouvoir empêcher, par le biais de la protection de la marque, tout usage concevable, les titulaires de marques devraient se concentrer sur les cas spécifiques susceptibles d’engager la responsabilité de Google au titre de préjudices indûment causés à leurs marques ».

Le degré d'intervention du moteur de recherche

Comme l’avocat général, la CJUE a refusé d’accorder, dans son arrêt du 23 mars 2010, un droit absolu aux titulaires de marques. Elle est même allée plus loin : selon elle, si l’usage du mot-clé par le prestataire de référencement ne s’inscrit pas dans le cadre de la vie des affaires, il n’est pas susceptible d’être contrefaisant. Pour les juges européens, le régime de responsabilité du moteur de recherche dépend donc de son degré d’intervention dans le choix et la sélection des mots clés opérés par l’annonceur. En clair, Google pourra continuer à vendre des marques comme mots-clés, à condition de répondre spécifiquement à une demande d’un client. Et sa qualité d’hébergeur sera assurée. Si en revanche, Google propose à l’annonceur tel ou tel mot clé (rôle actif), le moteur de recherche pourra voir sa responsabilité engagée sur le terrain du régime de droit commun.


Loin d'une jurisprudence uniforme

Selon Marianne Schaffner, associée spécialisée en propriété intellectuelle chez Linklaters Paris, « en ne donnant aucune définition du rôle actif – un concept qu’elle a elle-même introduit − ou aucune directive à suivre, la CJUE n’a pas rempli sa mission première qui est d’assurer une harmonisation de l’application du droit au sein des vingt-sept États membres ». Il y a donc fort à parier que la Cour de cassation renverra les différentes affaires devant les juges du fond, afin d’examiner les faits et déterminer s’il y a eu, de la part de Google, rôle actif ou passif dans le choix du référencement. Seuls les contrats signés entre le moteur de recherche et l’annonceur pourraient, à titre d’exemple, donner quelques éléments de réponse pour apprécier ce rôle. Encore une fois, les réponses devraient donc se faire au cas par cas. On est encore bien loin d’une jurisprudence uniforme en France, mais aussi au sein de l'Union européenne.


Les annonceurs, nouvelles cibles

Pour certains observateurs, avec cette décision, le principe demeure, les parties changent. Si auparavant, les marques se retournaient systématiquement vers les prestataires Internet, elles le feront désormais vers les annonceurs. « Et dans la mesure où l’action groupée n’a pas encore été introduite en France, il y aura autant de procédures à engager que d’annonceurs », regrette Marianne Schaffner. Le problème ne sera pas réglé, et les procédures se multiplieront. Décevante, la réponse de la CJUE illustre toutefois toute la difficulté du travail du juge dans une affaire où sont en jeu des intérêts contradictoires. Comme le souligne l’associée du cabinet Linklaters, « le droit des marques est territorialement limité, contrairement à Internet qui n’a pas, par nature, de frontières. On se retrouve donc face à deux activités a priori en totale opposition ».

Juin 2010


*La CJUE peut être saisie d’une question préjudicielle par toute juridiction nationale d’un État membre de l’UE s’agissant de l’interprétation des règles de droit émises par les instances de l’UE. Il s’agit d’assurer une harmonisation du droit dans l’espace communautaire.

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