«?La direction juridique représente la mémoire et la continuité du groupe?»
Décideurs. ? la tête de la direction juridique du premier groupe français de jeux, quelles sont vos missions ?
Laure du Manoir.
La direction juridique du Groupe Lucien Barrière est pluridisciplinaire. Nous intervenons sur les aspects juridiques des opérations de croissance et supervisons les négociations et rédactions de contrats. Nous avons une importante activité de droit public puisque chaque exploitation de casino donne lieu à une délégation de service public. Notre activité casinotière est également très réglementée. Nous avons la charge de la gestion et de la protection de nos marques, au premier plan desquelles Lucien Barrière et Fouquet’s, les deux vitrines de notre groupe. Les activités droit immobilier, commercial et assurances sont également au cœur de notre activité, tandis que le droit social et le droit fiscal sont confiés respectivement à la direction des ressources humaines et financières du groupe. Nous gardons la maîtrise des contentieux, et tentons au mieux de les anticiper.

Décideurs. Vous préoccupez-vous des questions de compliance et d’éthique ?
L. du M.
Non, pour une raison simple : l’activité jeux est sous tutelle directe du ministère de l’Intérieur. Les règles de fonctionnement de nos activités sont suffisamment précises et contraignantes pour ne pas être suppléées par des programmes de compliance. Nous avons également un département d’audit interne qui s’assure du respect de la réglementation.

Décideurs. Comment définiriez-vous la mission de directeur juridique ?
L. du M.
Notre mission est avant tout d’être impliqués dans le groupe et de participer à sa stratégie, de nous assurer que la gouvernance de la société est respectée et d’accompagner le développement ou les grosses opérations dans leurs aspects juridiques. Nous représentons également la mémoire et la continuité du groupe. Notre présence aux comités exécutif et de direction en atteste. Dominique Desseigne, président-directeur général, est un ancien notaire. Il est donc naturellement tourné vers la règle de droit et perçoit les juristes non pas comme des empêcheurs mais comme des accompagnateurs.

Décideurs. Quelles sont les problématiques juridiques liées à votre nouvelle activité de poker en ligne ?
L. du M.
Depuis l’ouverture en France du poker en ligne, nous avons créé BarrierePoker.fr avec la Française des Jeux. Nous sommes partis d’une feuille blanche lorsque nous avons lancé le site sur le marché français en septembre 2010. Contrairement aux autres opérateurs qui exerçaient déjà en «?.com?» depuis des années, nous avons respecté la loi. Sur le plan réglementaire, il est prévu l’interdiction d’utiliser les bases de données clientèle, une prescription qui n’a pas été respectée par nombre de nos concurrents. L’Autorité de régulation des jeux en ligne enquête actuellement sur ce sujet. Une des difficultés juridiques de ce marché est justement la concurrence des jeux en ligne illégaux. Les jeux en ligne sont en totale synergie avec notre activité de casino (nous organisons en ligne des qualifications pour les tournois physiques dans nos casinos).

Décideurs. L’e-commerce représente une source importante de développement du groupe. Comment la direction juridique fait-elle face à ce nouveau défi ?
L. du M.
Le droit des nouvelles technologies est une donnée importante de la direction juridique puisque la croissance du groupe passe beaucoup par notre plate-forme de réservation en ligne pour nos prestations hôtelières, de restauration et de spa. La mise en place de ces outils (audit des sites e-marchands, mise en place de ces nouvelles technologies) s’est faite avec le recours de nos conseils externes.

Décideurs. Ancienne directrice juridique d’une division de Rhodia, vous avez une culture internationale du droit. Quels sont les enjeux juridiques du groupe à l’étranger ?
L. du M.
Lucien Barrière est un groupe international avec notamment trois casinos en Suisse, un en Égypte et un hôtel de luxe au Maroc. Mon profil international a présidé à mon arrivée dans le groupe en 2005 puisque j’avais précédemment intégré le comité juridique monde de Rhodia. Nos problématiques juridiques à l’international sont gérées en lien avec nos avocats, soit des cabinets internationaux présents dans les zones que nous visons, soit des cabinets locaux, particulièrement pour les dossiers courants. La difficulté est de pouvoir nous conformer aux réglementations des jeux de chaque pays, une préoccupation au cœur de notre activité. Au Caire, par exemple, aucune société égyptienne ne peut avoir une activité de jeux de hasard. Notre casino devait donc impérativement «?rester français?» ! Nous souhaitons nous développer sur le marché de l’hôtellerie de luxe à l’étranger au travers de la mise en place de mandat de gestion dans des emplacements d’exception, de même que dans le marché des casinos à l’étranger.


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