L’entreprise étrangère qui souhaite détacher en France un salarié ressortissant d’un État tiers à l’UE, l’EEE ou la Suisse doit respecter un certain nombre de formalités préalables à ce détachement, et notamment s’assurer que le salarié dispose en France d’une autorisation de travail et/ou d’un titre de séjour l’autorisant à travailler.


Plusieurs formalités doivent être réalisées préalablement au détachement d’un salarié ressortissant d’un pays tiers à l’UE, l’EEE ou la Suisse. En premier lieu, l’entreprise étrangère qui souhaite détacher des salariés doit s’assurer de la régularité du séjour de ce dernier en France (I), réaliser la déclaration préalable de détachement (II), désigner un représentant en France (III) et demander un formulaire A1 auprès de l’organisme de Sécurité sociale compétent (IV).

I. La régularité du séjour du salarié détaché en France

En principe, un ressortissant d’un État tiers à l’UE, l’EEE ou la Suisse doit disposer d’une autorisation de travail et d’un titre de séjour pour travailler en France. Par exception, un ressortissant d’un État tiers à l’UE, l’EEE ou la Suisse qui travaille régulièrement pour un employeur établi sur le territoire d’un autre État membre de l’UE, de l’EEE ou en Suisse peut être dispensé de disposer d’une autorisation de travail s’il remplit certaines conditions.

Ces conditions sont les suivantes :

  • le salarié étranger doit disposer d’un titre de séjour lui permettant de travailler sur le territoire de cet autre État membre de l’UE, de l’EEE ou de la Suisse ;
  • le salarié étranger doit justifier d’un contrat de travail, conclu préalablement au détachement, avec un employeur établi sur le territoire d’un autre État membre de l’UE, de l’EEE ou de la Suisse ;
  • l’activité principale de l’employeur doit être exercée sur le territoire de cet autre État membre de l’UE, de l’EEE ou de la Suisse.

En revanche, le salarié étranger n’est pas dispensé de disposer d’un titre de séjour régulier en France s’il a l’intention d’y séjourner plus de trois mois.

Plusieurs titres de séjour peuvent être adaptés au détachement de salariés étrangers en France. C’est le cas notamment :

  • du titre de séjour portant la mention "travailleur temporaire". En effet, l’article L. 421-3 du CESEDA prévoit que "l’étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée ou qui fait l’objet d’un détachement conformément aux articles L. 1262-1, L. 1262-2 et L. 1262-2-1 du Code du travail [articles relatifs aux conditions du détachement d’un salarié par une entreprise non établie en France] se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention “travailleur temporaire” d’une durée maximale d’un an" ;
  • du titre de séjour portant la mention "salarié détaché ICT" (intra-corporate transferees) lorsque le salarié étranger réside dans un État tiers à l’UE, l’EEE ou la Suisse, ou que l’entreprise étrangère n’est pas établie dans l’une de ces trois entités, et que le salarié étranger vient en France dans le cadre d’un transfert temporaire intragroupe. Ce titre de séjour ne requiert pas la détention préalable d’une autorisation de travail, mais le salarié étranger doit démontrer :
    • appartenir au groupe de l’entreprise étrangère qui l’emploie depuis au moins six mois,
    • venir en France pour occuper un poste d’encadrement supérieur ou apporter une expertise,
    • l’appartenance de l’entreprise étrangère qui l’emploie au même groupe que l’entreprise dans laquelle il est détaché en France.

L’entreprise étrangère devra donc s’assurer que le salarié qu’elle compte détacher en France y sera en situation régulière et, selon sa propre situation, demander une autorisation de travail et/ou accompagner le salarié dans la réalisation des démarches nécessaires à l’obtention d’un titre de séjour. À défaut, des poursuites pénales pour travail dissimulé peuvent être engagées. Pour mémoire, ce délit est passible de 45 000 euros d’amende et de trois ans d’emprisonnement pour une personne physique, et de 225 000 euros d’amende pour une personne morale.

II. La déclaration préalable de détachement

L’entreprise étrangère doit réaliser une déclaration de détachement par voie électronique grâce au téléservice SIPSI. Cette déclaration permet d’informer l’inspection du travail sur l’entreprise étrangère et celle au sein de laquelle la prestation de services est exécutée et où le salarié est détaché.

Elle doit impérativement être effectuée avant le détachement et doit notamment contenir des informations :

  • sur l’entreprise étrangère détachant des salariés en France : nom/raison sociale, adresse postale, forme juridique, numéro de TVA intracommunautaire ;
  • sur le dirigeant de l’entreprise étrangère : nom, prénom, date, ville et pays de naissance ;
  • sur le client ou le destinataire de la prestation : nom/raison sociale, adresse postale, numéro de TVA intracommunautaire ;
  • sur les dates et lieux de la prestation : date de début et de fin de la prestation, lieu de la prestation (nom de l’établissement ou du chantier et son adresse postale) ;
  • sur le salarié détaché : nom, prénom, date et lieu de naissance, nationalité, date de début et de fin du détachement ;
  • sur le représentant de l’entreprise étrangère en France (voir III. ci-dessous) : SIRET, nom/raison sociale, nom, prénom, adresse postale, adresse email et numéro de téléphone, lieu de conservation des documents devant être tenus à disposition des agents de contrôle.

L’entreprise étrangère qui ne soumet pas cette déclaration préalable de détachement peut se voir infliger une amende administrative de 4 000 euros par salarié détaché. La sanction monte à 8 000 euros en cas de réitération dans un délai de deux ans à compter du jour de notification de la première amende.

L’administration peut également suspendre la prestation de services, pour une durée maximale d’un mois.

III. La désignation d’un représentant de l’entreprise en France

L’entreprise étrangère doit désigner un représentant en France qui est, pendant la durée du détachement, l’interlocuteur de l’inspection du travail, des services de police, des impôts ou des douanes en cas de contrôle. Ce représentant peut être une personne morale ou une personne physique. Une instruction du ministère du Travail du 27 mars 2024 prévoit qu’il peut s’agir du client de l’entreprise étrangère, voire d’un des salariés détachés, à condition que ce représentant soit facilement joignable. Pour faciliter les échanges avec les agents de contrôle, il faut dans l’idéal désigner un représentant francophone.

L’entreprise étrangère qui ne nomme pas de représentant en France peut se voir infliger la même amende qu’en cas de manquement à la réalisation de la déclaration préalable de détachement.

IV. Le formulaire A1 de Sécurité sociale

L’entreprise étrangère qui exerce habituellement son activité sur le territoire d’un État membre et qui détache en France un salarié ressortissant d’un État tiers à l’UE, l’EEE ou la Suisse doit demander un formulaire A1 de Sécurité sociale auprès des autorités compétentes dans son pays d’origine. Elle doit préciser que le salarié faisant l’objet de la procédure justifie d’un contrat de travail, conclu préalablement au détachement, et exerce ordinairement ses fonctions au sein de l’entreprise étrangère.

Le formulaire A1 atteste du rattachement du salarié détaché à la Sécurité sociale du pays d’arrivée. Il doit être tenu à disposition de l’inspection du travail. À défaut, en cas de contrôle, le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage est susceptible de recevoir une pénalité d’un montant égal au plafond mensuel de la Sécurité sociale par salarié détaché (3 864 euros en 2024). Cette pénalité peut être doublée en cas de nouveau manquement constaté dans un délai de deux ans à compter de la notification de la pénalité concernant un précédent manquement.

Les formalités à la charge de l’entreprise étrangère doivent être respectées au risque de faire l’objet, notamment, d’amendes administratives, d’une suspension de la prestation, voire de poursuites pénales.

Sandra Hundsdörfer, associée et responsable du German desk de LPA-CGR avocats et Aude Dumas, avocate au sein du cabinet LPA-CGR avocats

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