L’université de Safran, dirigée par Frédéric Henrion, vice-président Global Learning du groupe, a enregistré des résultats records : les taux de complétion de l’offre pédagogique digitale atteignent 80%. Créer ses formations, en penser l’usage, réfléchir à chaque détail, de l’interface à l’expérience : un défi de taille, réussi de manière exemplaire par l’Université Safran, et un travail stratégique pour le groupe, aussi bien d’un point de vue business qu’humain. 

 

Décideurs RH. Pouvez-vous nous expliquer le positionnement de l’université d’entreprise Safran ?

Frédéric Henrion. L’université Safran fait partie de la direction RH du groupe et a été créée il y a dix ans pour centraliser les demandes de chaque entité. Au fil du temps, la demande a pris tellement d’ampleur que la typologie des offres mises à disposition a fini par manquer de structure, sans orientation stratégique claire. La question de la pérennité de notre système s’est posée au moment du Covid, quand l’aéronautique a été durement touchée pour une durée que nous ignorions, car une université comme la nôtre représente un budget non négligeable. En définitive, nous en avons fait un outil stratégique pour l’entreprise, en instaurant une vraie culture du learning chez nous. Il a fallu repenser l’ensemble du catalogue : nous sommes passés de 400 à 200 programmes qui correspondent aux orientations annuelles du comex.

Quels sont les principaux enjeux de l’apprentissage chez Safran ? À qui les formations s’adressent-elles prioritairement ?

La recherche, le développement, l’industrialisation et le digital sont des enjeux majeurs à l’échelle de l’entreprise. Or, les séquelles de deux crises récentes persistent : la supply chain a été mise en grande difficulté pendant le Covid, de nombreux sous-traitants ayant été touchés, ce qui complexifie la livraison de pièces ; et aujourd’hui encore, le marché des matières premières est en tension du fait de la situation géopolitique mondiale.

L’objectif de la R&D est désormais de contribuer à créer un avion « propre », à faible impact carbone. Le marché est reparti dès 2021, excédant nos attentes, et en 2030, tous les avions seront neufs, plus légers, en un mot plus "propres". Nos recrutements se sont donc intensifiés, atteignant 17 000 personnes par an, que nous devons faire monter en compétences sans délai, avec l’ambition de les rendre autonomes en deux ou trois fois moins de temps qu’auparavant. Un défi colossal qui ne peut passer que par l’industrialisation de la formation. Nous avons misé sur la pédagogie et l’innovation pour nous assurer que cette formation, cruciale pour Safran, soit efficace.

"Chez Safran, les expertes et experts s’engagent à diffuser une partie de leur savoir en interne, et créent des formations"

Vos résultats sont excellents, avec 80 % de taux de complétion pour vos formations digitales. Qu’est-ce qui, dans l’expérience apprenant que vous instaurez, fait la différence, aussi bien sur le fond que sur la forme ?

La moitié des heures produites par l’Université sont digitales. Je note que le digital rend acteur de la formation parfois davantage que la modalité présentielle, qui est plus descendante. Pour autant, le numérique exige un suivi, une ergonomie – en somme, beaucoup de travail ! Nous avons misé dessus et nous disposons d’une plateforme digitale, 360Learning, particulièrement agile, sociale et « gamifiée » pour faciliter l’accès à nos formations.

De plus, nous avons toujours entretenu une très forte culture de l’apprentissage en interne. D’ailleurs, notre projet d’université s’appelle "Safran enseigne à Safran : toutes et tous créateurs et transmetteurs des savoirs !", et ce n’est pas une simple formule de communication. Concrètement, chez Safran, les ingénieurs seniors, qui ont le statut d’expertes et experts, s’engagent à diffuser une partie de leur savoir en interne, et créent des formations. Nous leur avons appris à produire différents supports pédagogiques, sous forme de Mooc ou de podcasts, entre autres. À partir de là, ils créent des contenus qui correspondent à des besoins bien identifiés de montée en compétences. Alors qu’auparavant, leur engagement était de faire rayonner notre travail en publiant des articles, aujourd’hui, une bonne part de la circulation du savoir bénéficie directement aux équipes. Notre équipe de formateurs et créateurs de contenus internes – 300 personnes – et les profils experts dans les sociétés sont plus de 1 000 à produire du contenu à haute valeur ajoutée pour notre plateforme digitale.

Les compétences deviennent vite obsolètes, il faut donc les renouveler aussi régulièrement que possible. Avec cette culture de la transmission, il devenait évident, pour coller au plus près de nos enjeux internes, de concevoir nous-mêmes nos contenus pédagogiques : nous en avons ainsi créé les deux tiers, le reste est issu de partenaires externes. Le fait que leurs auteurs et autrices viennent de chez nous assoit leur crédibilité, et crée un attachement à des modalités pédagogiques, voire un sentiment d’appartenance. L’interface provoque cet élan : les contenus sont très facilement accessibles, il est possible de voir qui a suivi la formation, qui l’a créée et de retrouver celles qui ont eu un écho particulier. La sélection se fait ainsi selon un système d’affinités utile, aujourd’hui, où il faut redoubler d’efforts pour capter l’attention.

"Nous tentons de trouver les bons leviers pour susciter l’envie réelle, non contrainte, d’aller vers nous"

Comment amenez-vous les équipes de Safran vers cette offre de formation ?

Avec le numérique, nous devons sans cesse renouveler le catalogue. Une formation qui ne renouvelle pas son fond ni sa forme, qui ne propose plus d’innovations et dont le graphisme reste figé est destinée à mourir. Nous sommes en veille permanente sur les nouveautés technologiques pour attirer l’attention des personnes qui, chez Safran comme partout, est friable : il faut rester créatif et qualitatif pour attirer et maintenir l’attention.

Nous nous efforçons de réguler la façon dont nous incitons nos collaborateurs et collaboratrices à participer à nos formations : comme il est évidemment contre-productif de les harceler, nous tentons de trouver les bons leviers pour susciter l’envie réelle, non contrainte, d’aller vers nous.

Nous constatons que seulement 8%, en moyenne, des heures de formation sont réalisées hors du temps de travail. Cela montre combien les personnes parviennent à libérer ces moments, qui doivent s'apparenter à un épanouissement professionnel réel et choisi, et non à un passage forcé.

"La transmission des compétences est un monde autoporteur"

Quelle culture cela crée-t-il ? Mesurez-vous le ROI de ces investissements, aussi bien dans l’accélération des projets que dans la rétention et l’attraction des talents ?

Il y a 93 000 comptes ouverts sur notre plateforme, ce qui correspond plus ou moins à l’ensemble de nos effectifs. Ce dispositif constitue un excellent complément à la culture d’apprentissage classique et contribue à notre réputation de passeurs de savoirs.

Aujourd’hui, je m’aperçois que la transmission des compétences est un monde autoporteur : cela permet de créer un collectif en commençant par le respect des individus, de s’aligner sur la stratégie de l’entreprise, et de forger une marque employeur pérenne et forte.

Propos recueillis par Judith Aquien

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