Quand le dirigeant se risque à la prise de parole, Vincent Soulier et Laurent Philibert (Personnalité)
Ne pas écarter l’émotion
Pour Vincent Soulier et Laurent Philibert du cabinet Personnalité, pour capter son audience, le dirigeant doit veiller à ce que sa communication soit facile d’accès, et que chacun puisse comprendre rapidement de quoi il en retourne, le tout dans un cadre confortable.
Laurent Philibert précise : "Pour parvenir à faire preuve d’empathie, la prise de parole doit s’ancrer dans l’émotion." Indispensable pour faire passer le message d’un interlocuteur "fait du même bois" que son auditeur. Vincent Soulier d'ajouter : "Le maître en la matière, c’est Guillaume Pépy ; à plusieurs reprises, il y a eu de graves crises à la SNCF. Il a su trouver les mots, parce-que son émotion était réellement perceptible. On entendait son attachement viscéral à cette maison, mais aussi une compassion, une empathie extrêmement perceptible par rapport aux victimes."
"C’est souvent le réflexe des personnes qui savent qu’elles ont entre les mains quelque chose d’explosif : elles ont tendance à vouloir se séparer des émotions, les sortir du champ."
Selon Laurent Philibert, "il ne faut surtout pas se couper de l’émotionnel en pensant ramener les gens à la raison" . Il est nécessaire de prendre ce risque oratoire, et de se demander quelles seront les conséquences de cette prise de décision, exprimer clairement ses objectifs et sa direction. L’erreur serait de négliger le caractère émotionnel dans lequel l’annonce peut mettre les interlocuteurs, quels qu’ils soient. "C’est souvent, le réflexe des personnes qui savent qu’elles ont entre les mains quelque chose d’explosif : elles ont tendance à vouloir se séparer des émotions, les sortir du champ." Ne pas éviter ce champ, mais plutôt considérer cet élément irrationnel comme un fait objectif. Les cofondateurs du cabinet Personnalité soulignent par ailleurs, que savoir communiquer, c’est aussi jouer la carte de la transparence, et ne pas essayer de survendre un projet tel qu’une fusion, un rachat, ou un déménagement, en mettant en exergue son seul côté positif. Il est impératif de ne pas surjouer : "Il ne s’agit pas de l’utiliser d’un point de vue manipulatoire, parce qu’il n’y a rien de pire qu’une émotion insincère." Dans cette même optique, un discours trop préparé, une attitude trop contrôlée, ou encore, l’unique justification de son propos sont autant de pratiques contreproductives.
"C’est presque toujours un combat à mener avec les services de communication qui veulent éteindre les feux quand le dirigeant lui, doit porter la flamme."
Faire face à la rumeur
Pour répondre à la problématique de la rumeur, les experts de la communication renvoient à la devise de la Reine Elisabeth : "Never explain, never complain."
"Parfois, la stratégie de s’éloigner de la rumeur, de ne pas s’y associer permet de ne pas la nourrir", expliquent-ils. Pour lui tordre le cou, il y a peut-être d’autres cartes à jouer : "Si je précise que ce que vous entendez n’est pas vrai, que je ne fais pas ça pour augmenter les bénéfices des actionnaires, ou parce-que je veux m’en mettre plein les poches, c’est trop tard ! Je parle de mon ambition personnelle, je parle de gens qui s’en mettent plein les poches, c’est ça qui va rester." La bonne attitude consiste à recentrer son discours sur ce qui anime l’orateur et de la raison pour laquelle il le fait. Il serait dommage de perdre le temps précieux de la communication à contrer les propos pernicieux. "Pas sans débattre, l’idée est de proposer un autre récit." Vincent Soulier précise d’ailleurs que "c’est presque toujours un combat à mener avec les services de communication qui veulent éteindre les feux quand le dirigeant lui, doit porter la flamme".
Mais le point de départ de toute communication serait d’arrêter d’employer la notion de "pédagogie" systématiquement mal perçue par les interlocuteurs, le message reçu étant le suivant : "Si vous n’êtes pas d’accord avec moi, c’est que vous êtes bêtes." Pour user de pédagogie, il ne faut pas qu’elle soit annoncée. Son usage sous-entend que l’émetteur est au-dessus des autres et accentue la distance entre le dirigeant et les collaborateurs. Selon Laurent Philibert et Vincent Soulier, ce qui compte, ce n’est pas tant le message émis que le message perçu. Si des équipes de bonne foi n’ont pas compris le message, il est inutile de les incriminer, cela signifie que l’émetteur n’a pas su trouver l’analogie, les images, les arguments qui lui auraient permis d’être compris immédiatement.
Clara Elmira