Allure élancée, charisme naturel, Paul Sauveplane fait partie de ces personnes qui marquent par leur bienveillance et leur envie de transmettre. La discussion est chaleureuse et dénuée de faux-semblants. Une question de cohérence pour celui qui est aujourd’hui DRH de la mutuelle d’entreprise Alan, une scale-up bien connue pour sa culture de la transparence radicale.
Paul Sauveplane : la transparence
Rien ne lui prédisait une carrière dans les RH. Féru d’art et de littérature, Paul Sauveplane doit sa réussite à son goût de l’effort et à sa capacité à provoquer les bonnes rencontres. Enfant, il se rêvait cuisinier au château d’Angers ; il a choisi la cantine d’Alan, sur le canal Saint-Martin, pour cet échange. L’occasion de se livrer avec enthousiasme sur son parcours jalonné de succès.
De la régulation financière...
Fils d’une mère au foyer et d’un père chef d’une petite entreprise du BTP, Paul Sauveplane grandit dans le quartier de la Porte Dorée, dans le 12e arrondissement de Paris, au sein d’une famille soudée. En classe de CM1, il croise la route d’une enseignante qui repère sa vivacité d’esprit. Elle incite ses parents à lui faire poursuivre sa scolarité à Saint-Michel de Picpus, collège-lycée de renom. C’est le début d’une trajectoire qui le mène vers la classe préparatoire aux grandes écoles de Louis Le Grand puis à Polytechnique. Il en sort diplômé en 2009, “au moment où les questions de régulation financière prennent de l’importance, à la suite de la crise des subprimes et de la chute de Lehman Brothers”. Il obtient dans la foulée un diplôme d’actuariat de l’ENSAE, puis de finance et de stratégie à Sciences Po Paris – bien qu’il ait “essentiellement assisté à des cours d’affaires publiques”, l’une de ses matières de coeur.
Passionné d’économie, de finance et de stratégie, Paul Sauveplane choisit la haute fonction publique et entre à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Pendant quatre ans, il assure la supervision d’AXA en France puis dans le monde. La crise des dettes souveraines de la zone euro, qui sévit entre 2010 et 2012, vient toutefois transformer l’environnement dans lequel il évolue : le cadre réglementaire européen se renforce et les autorités de contrôle sont adossées aux banques centrales. Désormais rattaché à la Banque de France, il décide pourtant de quitter cette structure bicentenaire pour se rapprocher du pouvoir politique : si elle est synonyme d’excellence, cette grande institution est trop inerte à son goût. Il intègre alors l’Inspection générale des Finances, “une école de rigueur et d’autonomie”. L’occasion de travailler sur la politique agricole, de définir le cadre de l’accès au logement ou de préciser la position de la France lors de la négociation du traité transatlantique.
Été 2015. La start-up nation est encore loin. Jean-Charles Samuelian-Werve, cofondateur d’Alan, sollicite les conseils du jeune inspecteur des Finances, qui reconnaît ne pas avoir été tout à fait convaincu par la capacité de l’assureur à trouver sa place sur le marché. Après plusieurs échanges, proposition lui est faite de rejoindre Alan. Il décline.
... à la santé pour tous
À la même époque, sa femme se voit offrir un poste au sein du Fonds monétaire international (FMI), à Washington. Elle opte finalement pour la Commission européenne. Un déménagement à Bruxelles avec leur premier enfant plus tard, et les cartes sont rebattues. À 29 ans, le haut fonctionnaire accepte enfin d’embarquer dans l’aventure Alan, et découvre, après la rigueur de Bercy, le monde de l’entrepreneuriat et ses méthodes de travail radicalement différentes.
Parmi ses faits d’armes : l’évolution de la réglementation du secteur des assurances, à laquelle il a amplement contribué
Il perçoit toutefois une certaine continuité avec le service public dans le sens de la mission menée par Alan, et insiste sur le fait qu’il ne serait “pas venu si le projet n’avait pas porté sur l’accès à la santé pour tous”. Son attachement à la justice et à l’équité sociale trouve écho dans la couverture de l’assureur, à destination d’un large public, dont “des personnes qui ne savent pas lire, ou sont éloignées de la technologie, et des professionnels issus de secteurs très variés, comme ceux de l’hôtellerie et de la restauration”.
Porté par ses convictions, celui qui se décrit comme “un très bon numéro deux” et aime travailler dans l’ombre s’attelle à construire l’ensemble des fonctions internes, allant de la finance aux RH, obtient l’agrément assureur, signe les premiers partenariats de réassurance et les premiers contrats. Et apprend à gérer le rapport à l’argent et la négociation avec les fournisseurs et les clients, alors qu’il n’avait “jamais négocié un salaire de sa vie”.
Parmi ses faits d’armes : l’évolution de la réglementation du secteur des assurances, à laquelle il a amplement contribué. Un combat remporté haut la main, puisque la loi permet depuis le 1er décembre 2020 à chaque souscripteur de changer d’assurance à tout moment après un an d’engagement. Une victoire néanmoins teintée d’une légère amertume : “J’étais un peu triste que le seul texte de loi auquel j’ai directement contribué ait été écrit depuis le privé et non le public. Mais au moins, il a été adopté.”
Le terrain, sinon rien
Avril 2021. Naissance du troisième enfant du couple. L’occasion pour cet hyperactif de prendre un congé parental de quatre mois et de passer un temps précieux avec son nouveau-né et ses deux filles aînées. À son retour au bureau, le DRH s’impose une règle d’or : des congés pendant toutes les vacances scolaires et jamais de travail le week-end, pour être présent auprès de sa famille.
Il prend alors les rênes du département des ressources humaines, avec la légitimité, pour ce “pur produit d’Alan », d’avoir œuvré à la mise en place des méthodes de travail, et expérimenté la culture de l’entreprise à distance durant ses deux années bruxelloises. Ce qui lui a permis de “tester les limites, repérer les points de vigilance, et ajuster, quand cela était nécessaire, un modus operandi” – même s’il “ne convient pas à tout le monde”, admet-il.
Recrutement, gestion des équipes et engagement des collaborateurs : cet ancien haut fonctionnaire prend rapidement goût à ses missions, qu’il conçoit comme résolument tournées “vers l’humain et le terrain plutôt que les processus et les fichiers Excel”. Il se fait le porte-parole de la méthode Alan, qui mise sur le travail asynchrone, la transparence et la culture de l’écrit : décisions, orientations stratégiques, préoccupations du comité de direction… Tout est consigné dans leur application Notion.
Au sein d’un environnement où “on apprend par l’erreur”, il se nourrit de l’expérience de ses pairs, se plonge dans les travaux académiques et les découvertes en neurosciences. Son atout majeur ? La réponse fuse : il n’est jamais en dissonance avec Jean-Charles Samuelian-Werve et Charles Gorintin, les deux fondateurs qui incarnent, au quotidien, les valeurs d’Alan.
S’il fait une crise de la cinquantaine, Paul Sauveplane se tournera vers l’enseignement. En attendant, il poursuit son ascension au sein de la licorne, qui a récemment remporté la couverture santé des fonctionnaires de Bercy et de Matignon.
Caroline de Senneville
crédit photo : Stefani Leguenn