À l’instar du rugby et du football, deux sports centrés autour d’un "outil" commun qu’est le ballon mais où les sommes investies peuvent varier significativement, l’investissement équestre est totalement différent selon qu’il s’agit du milieu des chevaux de course ou du secteur des chevaux de sport. Il s’agira ici de présenter les formes d’investissement et la fiscalité inhérente à l’investissement dans le cheval de sport.
Cheval de sport : la passion au-delà de l'atout fiscal
Points clés
- La typologie des investissements (chevaux de sport ou d’élevage) conditionne notamment leur structuration juridique et fiscale, que ce soit sous forme d’indivision ou en société.
- Le régime de l’indivision offre en théorie plus de simplicité juridique, mais doit faire l’objet d’un encadrement contractuel le plus précis possible.
- En société, la logique est d’avoir recours à une mutualisation des investissements et peut s’envisager dans le cadre d’une stratégie de diversification patrimoniale.
L’investissement dans le cheval de sport peut prendre différentes formes selon l’objectif de l’investisseur. Il peut être réalisé seul, dans le cadre d’un investissement passion pour des chevaux de sport destinés à la compétition ou à l’élevage, ou encore dans le cadre d’un investissement collectif.
Dans les deux cas, la structuration de l’investissement doit être mûrement réfléchie, dans une optique de sécurisation juridique et d’optimisation fiscale.
- L’investissement collectif dans les chevaux de sport sans société : la transparence fiscale
La forme la plus simple de l’investissement collectif dans les chevaux de sport est celle du "club deal", c’est-à-dire d’une copropriété soumise aux dispositions du Code civil sur l’indivision. Une indivision peut porter sur un seul cheval ou sur plusieurs chevaux. Ceci présente juridiquement et administrativement l’avantage de la simplicité, encore qu’il faille garder à l’esprit qu’il est fortement recommandé de formaliser les relations entre investisseurs, les pouvoirs de décision et les obligations mutuelles par une convention d’indivision. L’indivision sera de préférence réservée à un nombre restreint d’investisseurs.
En matière fiscale, l’indivision est transparente. Par conséquent, chaque investisseur est soumis à son propre régime fiscal, en fonction de son statut (personne physique ou morale, résidentes en France ou à l’étranger) et de l’objet de l’indivision. Nous étudierons ci-après le régime le plus fréquent de l’investissement par des personnes physiques fiscalement résidentes en France, qui relèvent donc de l’impôt sur le revenu.
- Indivision portant sur un cheval de compétition
Pour un simple investisseur passif, les revenus dégagés (gains de concours) seront exonérés d’impôt et de prélèvements sociaux. En cas de déficit, celui-ci ne peut pas être utilisé par compensation avec les autres revenus du foyer fiscal. La plus-value de cession du cheval sera quant à elle imposable en tant que plus-value des particuliers (si elle est supérieure à 5 000 euros, sinon elle sera exonérée), à un taux global de 36,2 % (19 % d’impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvements sociaux), après déduction d’un abattement en fonction de la durée de détention.
Pour un investisseur qui intervient activement dans la carrière du cheval, les gains de concours nets seront soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et aux cotisations sociales si l’investisseur agit de manière professionnelle (c’est-à-dire habituelle et dans une intention lucrative). Dans ce cas également, les déficits pourront être compensés avec les autres revenus du foyer fiscal. Quant aux plus-values, elles seront soumises au régime des plus-values professionnelles, avec possibilité d’exonération totale ou partielle si l’activité a été exercée au moins cinq ans. Les conditions pour bénéficier de ce régime sont strictes. S’il n’est pas forcément nécessaire que l’investisseur soit également le cavalier, pour autant son degré d’implication dans la carrière du cheval ainsi que les moyens matériels mis en œuvre seront déterminants en cas de contrôle fiscal.
- Indivision portant sur un cheval d’élevage (poulinière, poulains, étalon)
Si le cheval est stationné sur les terres qui appartiennent à l’un des investisseurs, celui-ci sera réputé éleveur avec sol. Sa quote-part de revenus sera imposée dans la catégorie des bénéfices agricoles. Les plus-values seront imposables, avec des possibilités d’exonération à certaines conditions. En cas de soumission à un régime réel d’imposition, les charges seront déduites pour leur montant effectif. Corrélativement, les déficits seront déductibles des revenus globaux du foyer fiscal à condition que les autres revenus nets ne dépassent pas 125 416 euros.
Les autres investisseurs seront qualifiés d’éleveurs sans sol. Pour eux, les gains et plus-values seront imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Dans la majorité des cas, l’investisseur ne sera pas considéré comme ayant une réelle activité professionnelle, de sorte que le déficit fiscal sera reportable mais ne pourra pas être déduit des autres revenus du foyer fiscal. Ce n’est pas le cas des investisseurs qui choisiraient de s’impliquer de manière habituelle dans la gestion de carrière du cheval, avec une utilisation de moyens matériels et de temps significatifs.
- L’investissement collectif dans les chevaux de sport en société : impôt sur les sociétés et dividendes
L’investissement dans les chevaux peut être envisagé sous un autre angle, dans une logique de mutualisation du risque : l’investissement à plusieurs en société. Cela vaut tant pour les chevaux de sport que d’élevage.
En effet, la constitution d’une société composée d’un pool d’investisseurs peut être envisagée. Il s’agit pour eux de réaliser un apport financier en échange de la détention des titres de la société.
La société disposera alors des fonds nécessaires pour procéder à l’acquisition des chevaux. Les chevaux seront comptabilisés à l’actif du bilan de cette société. Une distinction comptable est opérée selon le type de chevaux détenus. Les chevaux destinés au commerce sont comptabilisés comme des stocks et les chevaux d’élevage (étalons, poulinières) comme des immobilisations.
Quant à la forme sociale, la SAS semble la forme la plus adaptée à ce type d’investissement : elle permet une liberté statutaire et rend possible d’adjoindre un pacte d’actionnaire permettant de régir les règles de fonctionnement de la société, et notamment les modalités d’entrée et de sortie des actionnaires.
Fiscalement, la SAS est soumise à l’impôt sur les sociétés. Elle sera redevable de l’impôt sur les sociétés sur les plus-values dégagées dans le cadre de la cession des chevaux détenus à son actif.
L’investisseur sera quant à lui soumis à la fiscalité inhérente aux distributions de dividendes, si la société procède à des distributions en cas de bénéfices. Les dividendes sont actuellement taxés au barème progressif de l’impôt sur le revenu, après application d’un abattement de 40 % et aux prélèvements sociaux au taux de 17,2 %. Si cela est plus favorable que le barème progressif de l’impôt sur le revenu, il est possible d’opter pour le prélèvement forfaitaire unique à 12,8 % sans application d’abattement et aux prélèvements sociaux au taux de 17,2 %, soit un taux global de 30 %.
Sur les auteurs
Charlène Nespoulos
Charlène Nespoulous est juriste-fiscaliste de formation, à la tête du cabinet en gestion de patrimoine Nespoulous Gestion Privée et cavalière passionnée.
Guillaume Rubechi
Guillaume Rubechi est avocat fiscaliste et fondateur du cabinet Valoris Avocats. Auteur d’un ouvrage de référence sur la fiscalité des activités équestres, il est membre expert du Conseil Indépendant pour la Filière des Courses Hippiques et éleveur de chevaux de sport.