Aude Prulhière et Georges Civalleri (Armand Avocats) : "Les enjeux de l’évaluation sont suffisamment importants pour que les contribuables et leurs conseils s’y intéressent sérieusement"
Décideurs. Quels sont les enjeux de l’évaluation dans la pratique de votre activité ?
"Les questions relatives à l’évaluation sont souvent au centre des discussions avec l’administration fiscale"
Quelles sont les principales conséquences fiscales auxquelles les contribuables peuvent faire face ?
Les conséquences fiscales sont multiples. C’est ainsi que, de manière non exhaustive :
- Le contribuable à l’origine du transfert s’expose non seulement à la réintégration dans son assiette imposable du montant de l’insuffisance révélée par l’administration fiscale (en ne pouvant pas appliquer, dans certaines situations, au montant réintégré le régime fiscal favorable dont il a pu bénéficier lors de l’opération d’origine)[1], mais aussi à des intérêts de retard et des majorations (qui peuvent être notifiées au taux de 40% en cas de manquement délibéré).
- Le cessionnaire est considéré comme ayant bénéficié d’une libéralité ou d’un revenu réputé distribué et est, à ce titre, soumis à l’impôt sur cette libéralité ou ce revenu (ou à une retenue à la source dans un contexte international), en cas d’écart significatif et d’intention libérale caractérisée[2]. En outre, dans certaines situations, la valeur d’entrée de l’actif dans le patrimoine du cessionnaire ne peut pas être corrigée de sorte qu’à la revente, la plus-value de cession est déterminée sans prise en compte de la correction de la valeur par l’administration fiscale.
- Enfin, la correction de l’évaluation peut donner lieu à des compléments de droits d’enregistrement ou de droits de mutation, les parties concernées en étant solidaires du paiement.[3]
Quelles sont les précautions à prendre à l’occasion d’opérations mettant en cause des problématiques d’évaluation ?
"L’évaluation est un exercice difficile, en particulier s’agissant des titres de sociétés qui ne sont pas cotées en Bourse"
[1] CE 6 février 2019 n°410248, 8ème et 3ème ch.
[2] L’intention libérale est présumée lorsque la cession d’un élément d’actif a été réalisée à un prix manifestement minoré (CE, 28 février 2001, n°199295, min c/Théron). En règle générale, une insuffisance de prix suppose que soit démontrée l’existence d’un écart d’au moins 20 % (CE, 3 juillet 2009, n°3012999 ; CE, 31 mars 2010, n°297307 ; cf. toutefois, CE 7 avril 2023 n° 466247 dans lequel un écart de 14,1% a été reconnu comme significatif en raison des circonstances particulières de l’espèce).
[3] Rappelons également que la cession à un prix minoré d’un actif par une société peut constituer une libéralité soumise aux droits de mutations à titre gratuit au taux de 60 % applicable entre personnes non parentes (Cass. com., 7 mai 2019, n° 17-15621).